jeudi 15 juin 2017

Une saison d'apple picking en Nouvelle Zélande : dans la sueur, les rires, le cambouis, les micmacs organisationels, la forêt... Et tout le reste

Vous le sentez venir l'article passionnant? Rien que le titre fait déjà baver...

Mais dans la vie, on ne fait pas toujours ce qu'on veut. Ou plutôt si, mais il faut pour cela se résoudre parfois à effectuer de basses besognes.

Depuis bientôt 4 ans que nous traînons nos savates sur la planète, nous l'avons dit des centaines de fois : il n'est pas nécessaire d'être riche pour être heureux, et le voyage ne coûte finalement pas cher, mais de l'argent, il en faut quand même. Rappelons-nous que le bougre dirige le monde, et que la révolution anticapitaliste n'est pas prévue pour demain...

Il nous faut donc encore une fois mettre en suspens le rêve pour pouvoir le poursuivre.

C'est donc reparti pour la cueillette des pommes, que nous avions déjà expérimenté en Australie.

Au programme en plus de la description du travail et de ses formidables retombées financières, beaucoup de beaux instants de partage et de joie en compagnie de la meilleur équipe de collègues dont on puisse rêver, quelques démêlés administratifs et mécaniques, des réorganisations matérielles, et même une semaine providentielle de vacances qui nous a permis notamment de partir crapahuter dans les belles étendues forestières du bien nommé Victoria Forest Park.


Le calme avant la tempête


Juste avant de commencer, un petit détail qui aura son importance par la suite : sur le trajet de retour en direction de la ferme, le voyant rouge du tableau de bord de la voiture indiquant un problème d'airbag s'allume sans explications...

Je disais donc, le calme. Car si Tracey et Brian nous ont donné rendez-vous au verger le 15 février, la cueillette n'attaque pas tout de suite : quand nous arrivons à la ferme au matin du jour convenu, nos patrons adorés nous apprennent que nous avons encore plus d'une semaine de repos supplémentaire avant de commencer la saison! La météo pourrie qui a sévit toute l'année et le faible ensoleillement qui en a résulté, la grêle, le froid, tout ça a retardé la maturation des pommes, et le picking débutera finalement le 23 février. Nous ne perdons pas de jours de taf dans la manoeuvre : c'est toute la saison qui se retrouve décalée, et elle se finira simplement plus tard. Brian estime que nous en avons pour environ deux mois de travail.

Nous ne crachons évidemment pas sur ces petits derniers jours de vacances surprise, et nous décidons de les passer à ne strictement rien faire. Nos trois semaines de vacances ont été très actives, et pour être honnête nous avons juste envie de nous poser à la maison. Et oui! Nous avons tellement marché et roulé, enchaînant les randos sans prendre vraiment le temps de nous poser que la perspective de nous lancer dans une dernière balade ne nous emballe pas. A trop tirer sur la corde, on finit par se lasser, et nous comprenons que le rythme effréné des vacances a réussi à nous faire saturé du treking.

Nous sommes donc ravis de retrouver notre petite maison dans les vergers, et nous nous installons tranquillement, reposons les tentes dans la pelouse de derrière, et déchargeons la voiture.

Et puis le bonheur suprême :  les extatiques retrouvailles avec la salle de bain, son eau chaude et son tout-à-l'égout! Les plus attentifs d'entre vous auront noté que durant nos trois semaines de vagabondage, nous sommes restés dehors quasiment 24 heures sur 24, et nous avons dormi uniquement sur des campings gratuits, donc dépourvus de ce luxe suprême qu'est la douche, quand nous ne posions pas la tente au milieu d'un parc loin de tout civilisation. Trois semaines durant lesquelles les lacs et les rivières ont donc été nos seuls baignoires, dans lesquelles il était hors de question d'utiliser du savon pour ne pas faire de mal aux fragiles écosystèmes néo-zélandais... A noter que les campings payants des Great Walks n'offrent aucune commodité en dehors de toilettes sèches.

Il faut voir la couleur de l'eau qui s'évacue de la douche... Mais finalement, nous retrouvons forme humaine, nous voilà propres et frais, rasés et pimpants! Un vrai bonheur.

Nous passons donc quelques jours à nous reposer, tandis qu'une véritable frénésie culinaire s'empare de nous : nous cuisinons pancakes, poulet tikka à l'indienne, crêpes, sushis et j'en oublie. Chaque jour est le théâtre d'une nouvelle folie gustative, comme si le fait d'avoir été privés de moyen de cuisiner pendant trois semaines avait exacerbé l'envie de nous préparer de bons petits plats.

Quatre jours après notre arrivée, Brian passe nous voir, pour nous annoncer la venue prochaine d'un compatriote, qui va s'installer dans l'une des petites maisons de la propriété. C'est ainsi que le soir même, quelqu'un tape à la porte, et nous faisons la connaissance de Robin, originaire du Nord de la France. Nous finirons notre semaine de repos surprise avec lui, enchaînant discussions et parties de tarot, auxquelles nous avons initié notre ami.

Les derniers jours avant le début de la cueillette voient arriver le reste de notre glorieuse troupe de pickers, en provenance des quatre coins du monde, et surtout d'Europe : en plus de Robin et de nous, l'équipe sera donc composée d'un couple d'allemand, Jasmine et Sebastian, qui vont habiter avec Robin, ainsi que d'un espagnol, Paco, qui de son côté s'installe avec Calen, notre collègue maori avec lequel nous avions déjà travaillé durant le thinning.

Tout ce petit monde se réunit la veille du premier jour de la cueillette pour assister à la réunion pré-picking organisée par Tracey. Elle nous y présente les bases du picking, nous donne un peu de paperasse à remplir, distribue les sacs de picking, et surtout nous expose les nouvelles et draconiennes normes d'hygiène qui doivent dorénavant s'appliquer dans les vergers pendant la cueillette. Comme si le picking en lui-même n'était pas déjà suffisamment ennuyeux comme ça, il fallait lui ajouter quantité de règles complètement aberrantes : tous les effets personnels, montres, lunettes de soleil, bijoux etc... sont interdits dans les rangées de pommiers, de même que la nourriture et... l'eau. Oui, nous devrons laisser nos bouteilles à l'entrée des rangées d'arbres! Il va également falloir nous laver les mains plusieurs fois par jour, après chaque pause. La faute, d'après Tracey, à l'un des importateurs qui achètent les fruits du verger, et qui est très à cheval sur les mesures d'hygiène. Il faut savoir qu'après la cueillette, avant d'être empaquetées, les pommes subissent plusieurs douches, sont désinfectées et brossées... Bref.

Nous passons la dernière soirée des vacances tous ensemble à lier connaissance, et la saison, en tout cas d'un point de vue social, s'annonce formidable : toute l'équipe s'entend à merveille!


C'est parti!


Lorsque le réveil sonne le lendemain, à 6h30, nous nous levons résignés. C'est parti pour deux mois de picking et je ne sais combien de tonnes de pommes à ramasser...

Petite parenthèse amusante : pour les besoins de cet article, nous avons relu le récit de notre saison d'apple picking en Australie, et sommes tombés sur une phrase qui nous a bien fait rigoler, je cite : "...nous ne voulons plus entendre parler de pommes, plus jamais...". Si nous avions su que deux ans plus tard, nous serions de retour dans les vergers pour ramasser une fois de plus ces fruits maudits...

Nous attrapons nos sacs et rejoignons les rangées d'arbres tandis que le soleil se lève. Nous retrouvons Brian, qui nous présente Walter, originaire des Pays-Bas et résidant en Nouvelle Zélande de manière permanente depuis plusieurs années. En grand pro de la pomme, Walter va être notre superviseur durant les semaines qui viennent, et va chapeauter la cueillette avec Brian. Nous rencontrons aussi Marc, néo-zélandais, qui va conduire le tracteur et s'occuper de déplacer et de récupérer nos caisses de pommes.



Et puis il faut bien s'y mettre... Toutes les variétés de pommes n'arrivent pas à maturité en même temps, et nous allons changer de variétés au fil de la saison. Nous attaquons sur une variété de pommes locale, les coxies. Je ne vais pas vous infliger tout le topo sur l'apple picking, son déroulement et ses techniques de base, pour la simple et bonne raison que les modalités de la cueillette en Nouvelle Zélande sont sensiblement les mêmes qu'en Australie, et que vous pouvez retrouver tous les détails et explications de cette fantastique et O combien enrichissante activité dans l'article correspondant.

Nous retrouvons donc des principes identiques à ceux que nous avions appliqués au pays des kangourous : on pick le bas de l'arbre, on monte sur son échelle, on pick le haut, et on passe au suivant. Les pommes atterrissent dans un sac ventral qu'on rempli d'une vingtaine de kilos de fruits avant de le vider en l'ouvrant par le bas dans une grande caisse, la fameuse bin, servant de base au calcul de notre salaire. Nous sommes toujours payés au rendement, chaque bin remplie (ce qui représente environ 350 kilos de fruits) rapportant entre 28 et 36$ suivant la variété de pomme et la nature du picking.

Comme en Australie, la rapidité est la clef, mais la même sacro-sainte règle, qu'on pourrait même qualifier de dogme absolu dans le domaine de l'apple picking, s'applique : FAIRE ATTENTION AUX FRUITS!

Pour faire court, rappelons rapidement qu'en effet, le moindre choc, la plus petite pression un peu forte abîme et marque une pomme irrémédiablement. Là encore, tous les détails dans le lien donné plus haut.

Le picking s'effectue seul ou à plusieurs, c'est comme on veut. Le nombre de bins de la journée est, le cas échéant, divisé entre les pickers qui travaillent ensemble. Tous nos collègues ont décidé de travailler seul, au contraire de Léonore et moi, qui pickons à deux.

Il y a quand même quelques différences notables avec l'apple picking en Australie : dans la Huon Valley, en Tasmanie, nous ramassions les pommes selon la méthode du strip picking, c'est à dire que nous vidions totalement les arbres de leurs fruits sans tenir compte de leur couleur ou de leur aspect. Ici, nous faisons du color picking : nous devons sélectionner les pommes que nous cueillons en fonction de leur couleur, afin de ramasser uniquement les fruits suffisamment matures tout en laissant les autres mûrir pendant encore quelques temps. Le premier picking de coxies, par exemple, nous demande de ne ramasser que les pommes qui présentent une solide couleur rouge sur une bonne part de leur surface, et de laisser les fruits verts pour un prochain passage. Il s'agit la plupart du temps des pommes situées à la base des arbres, à l'intérieur des branches, qui n'ont pas reçu assez de soleil.

Le color picking présente plusieurs inconvénients, à commencer bien sûr par son impact sur la vitesse. Forcément, on remplit son sac moins vite lorsqu'il est nécessaire de prendre une demi-seconde supplémentaire par fruit pour s'assurer qu'il est de la bonne couleur.

La pression qui pèse concernant la qualité du picking s'en ressent aussi : une pomme pas mûre perd 90% de sa valeur marchande, car elle va finir presser pour faire du jus de fruit au lieu d'atterrir telle-quelle sur un étalage.

Tout au long de la journée, Brian et Walter passent donc étudier les bins de tout le monde, pour rappeler à l'ordre les pickers qui ramassent trop de pommes vertes.

Le color picking est quand même loin d'être un calvaire : après une petite heure un peu lente durant laquelle on perd du temps à se demander si le rouge de telle pomme est suffisamment rouge ou si la surface qu'il couvre est suffisante (parce que vous vous imaginez bien que la couleur n'est pas repartie gentiment et uniformément sur une seule et nette partie du fruit...), on s'imprime suffisamment la couleur et l'aspect du fruit mûr dans l'oeil pour ne plus trop avoir à réfléchir et accélérer le mouvement.

Ensuite, le color picking des coxies est assez évident : les pommes sont rouges ou elles sont vertes, point. Nous verrons que chez certaines variétés, la bonne maturité est plutôt complexe (voir carrément difficile!) à déterminer...

Le color picking mis à part, nous comprenons vite que globalement, le contrôle qualité est beaucoup plus pointu ici qu'au pays des kangourous.

Un autre aspect du picking néo-zélandais que n'avons pas trouvé en Australie concerne la rémunération : côté négatif, les bins rapportent moins ici que de l'autre côté de la mer de Tasman. Côté positif, nous sommes payés au rendement, donc au nombre de bins que nous remplissons dans la journée, mais si le revenu au rendement est inférieurs au salaire minimum horaire, c'est le nombre d'heures de travail du jour qui est comptabilisé. En Australie, le salaire était calculé uniquement sur le nombre de bins. Une journée de 10 heure passée à remplir une seule bin à 35$ vous rapporte... 35$ (Blague à part, s'il vous faut 10 heures pour remplir une bin, cherchez un autre taf...). A savoir que le procédé est totalement illégal, mais il n'y a aucun contrôle dessus de la part des autorités, et il est inutile de se plaindre : l'employeur sait pertinemment que des centaines de voyageurs cherchent un travail et aura tôt fait de renvoyer le contestataire pour le remplacer dans l'heure qui suit.

Cette assurance d'un salaire minimum par jour ne change pas grand chose pour nous : avec l'expérience que nous avons acquit en Tasmanie, nous dépassons le salaire horaire avec nos bins. Mais il peut être encourageant pour les débutants de savoir que quoiqu'il arrive, leurs heures de travail serons toutes payées même s'ils ne remplissent pas assez de bins. En revanche, il faut garder a l'esprit qu'un fermier ne paiera pas éternellement à l'heure si le nombre de bins quotidien n'est pas au moins équivalent au salaire horaire... A noter que nous apprendrons peu de temps après que toutes les fermes de Nouvelle Zélande n'appliquent pas cette jolie législation et suivent le modèle australien.

Notre premier jour de cueillette se passe à merveille, et nous constatons que nous n'avons pas perdu la main : notre picking est impeccable, et nous remplissons 9 bins entre 7h30 et 17h. A la fin de la journée, nous recevons même les félicitations de Walter pour notre excellent travail.

Oui, pour ceux qui nous ont rejoins dernièrement, je souligne le fait que Léonore et moi sommes d'excellents pickers de pommes. Pas incroyablement rapides (j'en assume toute la responsabilité), mais suffisamment, et surtout extrêmement soigneux. Je vous renvoie au lien vers notre article en Australie donné plus haut pour découvrir comment s'est révélé à nous ce don extraordinaire, indispensable à quiconque désire briller en société...

C'est parti ! Cette première journée marque le début d'une saison longue et intense de plus de deux mois. Comme nous nous y attendions, après avoir enduré un mois et demi de thinning désespérément ennuyeux, le picking nous paraît beaucoup moins rébarbatif ! Comme quoi il peut être bon d'effectuer des travaux véritablement pourris pour apprécier complètement un boulot qui l'est un peu moins...

Et oui, le picking, c'est physique, il y a du challenge, et on veut remplir toujours plus de ces saletés de caisses que l'on voit s'accumuler au cours de la journée tandis qu'on calcule combien d'espèces sonnantes et trébuchantes elles vont faire rentrer sur le compte en banque !

Les journées s'enchaînent, tout comme les variétés, et la routine s'installe : lever a 7h, pti dèj, départ pour les champs vers 8h, picking, 30 minutes de pause repas dans les vergers, picking, douche, dîner, dodo.

Si nous attaquons toujours à la même heure, nous terminons quand nous avons atteint l'objectif que nous nous sommes fixés au cours de la journée. La plupart du temps, nous préférons bombarder sans relâche et terminer tôt, aux alentours de 16h30. Au niveau de la récupération et de la gestion de la fatigue sur la durée, il est en effet plus efficace de bourrer et de finir plus tôt que de faire des journée moins intenses mais plus longues.

Plus d'heures de travail signifieraient plus de bins, mais comme je le disais, le picking est une activité très physique, et une saison entière de cueillette est une épreuve d'endurance durant laquelle il est nécessaire de gérer son rythme et une fatigue qui s'accumule rapidement. A quoi bon se crever à la tâche pour remplir une bins supplémentaire par jour pendant 2 semaines puis en remplir une de moins à cause de la fatigue pendant les 6 qui suivent ?

Côté rendement, nous tournons donc entre 9 et 11 bins par jour à deux, avec des pointes à 12, 13 voir 14 bins, ce qui est a peu près le rendement que nous avions en Australie. Nous aurions pu nous attendre à ce que le color picking tire notre nombre de bins vers le bas en comparaison de nos scores australiens, mais la nature des arbres, très bien taillés et aux branches facilement accessibles, nous permet de compenser la perte de temps occasionnée par la sélection des fruits.

Après quelques jours passés sur le premier picking de coxies, nous passons sur les galaxies, une variété française dont la cueillette selon la couleur demande d'avoir l'oeil, et le bon : non seulement il faut prendre en compte le rouge et la surface qu'il occupe sur le fruit, mais il faut aussi faire attention à la partie moins colorée : une teinte blanc-crème indique que la pomme est mûre, tandis que la présence de vert pale demande de laisser le fruit sur l'arbre. Le problème étant que les deux couleurs sont très proches à première vue, et que pour distinguer le blanc du vert, il faut placer le fruit à l'ombre...

Nous retournons sur un color picking plus simple avec les célèbres Royal Galas, dont la cueillette s'apparente à celle des coxies : rouge, on cueille, vert, on laisse. En revanche, les arbres sur lesquels nous opérons alors sont âgés, donc énormes, et le picking s'accompagne de nombreuses plongées douloureuses à travers des rideaux de branches et de feuilles, quand il ne demande pas de se dresser sur la pointe des pieds au sommet de son échelle...

Un des blocs de coxies nous oppose les même difficultés, et notre score quotidien baisse dramatiquement jusqu'à ce que nous l'ayons terminé.

Car oui, le nombre de caisses que nous remplissons dans une journée dépend de la motivation du jour, mais notre vitesse de cueillette est aussi conditionnée par d'autres facteurs : l'âge et la taille des arbres (plus les pommiers sont jeunes, plus ils sont petits et moins ils sont touffus), la nature du terrain (plat ou en pente, boueux etc...), la quantité et la grosseur des fruits, entre autre.

Ainsi, sur un bon bloc de jeunes arbres pleins de grosses pommes, nous pouvons mettre moins de 40 minutes à remplir une bin, tandis que sur une rangée vallonnée d'énormes arbres pleins de longues branches, la même opération nous prend près d'une heure. Coup de bol, dans notre verger, il s'avère que nous nous retrouvons plus souvent dans le premier cas de figure !

Les premiers salaires tombent, et nous nous apercevons qu'effectivement, nous dépassons le minimum horaire, faisant plus d'argent que durant le thinning, mais tout de même moins que nous l'espérions. La faute à des bins qui ne sont pas payées si cher que ça, surtout en comparaison de l'Australie. Mais ça, nous le savions.

Après le premier picking de royal galas, nous changeons carrément de fruit, pour passer à la cueillette de poire.

Le picking de poire diffère peu de celui des pommes. Si les poires sont moins sensibles aux chocs, il est quand même nécessaire de prendre garde à ne pas les faire rouler les unes sur les autres : la queue qui demeure sur le fruit après sa cueillette est dure et pointue, et peut transpercer la fragile peau des poires voisines à la moindre pression.

Les caisses dans lesquelles nous vidons nos sacs sont différentes, tantôt plus petites que les bins destinées aux pommes, tantôt deux fois plus grosses, suivant la variété de poire.

Mais la différence la plus notable entre les deux fruits concerne leur masse : à volume équivalent, les poires sont plus lourdes. Question de densité de la chair. Si un sac de pommes pèse environ 20 kilos, le même sac rempli de poire atteint sans problème les 30.

Après une semaine de travail, nous nous voyons offrir notre premier jour de congé. L'annonce de la nouvelle est suivie du retentissement de cris de joie à travers tout le verger : après 7 jours consécutifs de cueillette, nous sommes tous épuisés.

Je reviendrai plus tard sur le déroulement de nos congés. Apres une bonne journée de repos, nous revoilà dans le verger, pour le deuxième et dernier picking des coxies, des galaxies et des royal galas. En quelques jours, les fruits que nous avions laissé après le premier passage ont eu le temps de mûrir, et le dernier picking est beaucoup moins compliqué : nous vidons les arbres.

Nous attaquons ensuite la cueillette de deux variétés qui vont nous donner du fil à retordre, j'ai nommé les korus et les sonyas, deux variétés parait-il néo-zélandaises, mais dont situerions plutôt les origines dans les profondeurs infernales.

Le color picking de ces saletés de variétés locales est proprement diabolique : nous devons toujours ramasser les fruits qui sont suffisamment colorés, mais cette fois nous nous retrouvons face à plusieurs teintes de rouge, certaines indiquant une pomme mûre et d'autre un fruit qui n'a pas atteint sa pleine maturité. Et je peux vous dire que la distinction entre les différentes nuances écarlates est un véritable casse-tête, au début du moins. Et s'il n'y avait que ça... Non seulement le rouge n'est bien sûr pas uniformément réparti, mais en plus la couleur peut être pleine comme elle peut former des bandes, dont la proportion joue dans la sélection. Enfin, comme pour les galaxies, nous devons aussi tenir compte des très légères variations de teinte des parties non colorées, blanc-crème, jaunâtre ou vert-pâle, toujours aussi difficile à différencier.

Histoire de compliquer encore les choses, il s'avère que la variété "koru" est toute nouvelle, et son commerce en est encore au stade de l'expérimentation. De plus, les korus se vendent une petite fortune sur le marche mondial. Le picking doit donc être parfait du point de vue de la maturité et de l'aspect des pommes pour satisfaire les acheteurs et ménager une bonne place sur le marché pour la nouvelle et lucrative variété. L'entreprise qui se charge d'exporter les fruits a donc fourni aux vergers une espèce de charte qui indique précisément à partir de quel degré de coloration les pommes pourrons être vendues. Et apparemment, les acheteurs, en l'occurrence une grosse boite d'import-export américaine, refusent les bins qui comportent plus de 5% de pommes dont la couleur n'est pas adéquate... Et comme je le disais, une bin qui ne se vend pas finie au pressoir pour faire du jus et se vend 10 fois moins chère.

Nous sentons que Brian et Walter sont sur le qui-vive lorsque nous attaquons la cueillette. Ils passent régulièrement pour contrôler les bins, donner des explications et nous montrer patiemment les fruits qu'il faut ramasser et ceux qu'il faut laisser.

La perte d'argent que représente une bin trop verte est énorme, et n'est pas sans conséquence sur notre salaire : si, après deux ou trois avertissements, les caisses ne sont toujours pas bonnes, elles ne serons pas payées au plein tarif.

De notre côté, Walter nous demandera juste une fois de rehausser légèrement le niveau de coloration des fruits que nous ramassons. Si au début, la sélection est à se taper la tête contre les troncs, au bout de plusieurs heures laborieuses et désespérément inefficaces du point de vue du rendement, nous prenons les bonnes couleurs dans l'oeil, et il nous suffit de reculer un peu pour observer l'arbre et repérer rapidement les pommes qui sont suffisamment mûres. Le cerveau humain est décidément formidable! Je serais bien incapable de vous décrire correctement l'aspect du fruit qu'il convient de ramasser, qui présente un mélange de rouge vif et brillant sans trop de bandes et d'une teinte allant du blanc au jaune sur sa partie moins colorée. Un autre indicateur demande de faire appel à son sens du toucher, certaines pommes bien mûres étant cireuses et collantes à leur surface. Dans ce cas, il faut les cueillir même si elles ne sont pas suffisamment rouges...

Pour les sonyas, les même règles s'appliquent à quelques nuances près. En revanche, histoire d'ajouter encore un peu de piment, les pommes de cette variété sont beaucoup plus fragiles et sensibles aux chocs que les korus...

Et comme si tout cela ne suffisait pas, Brian nous annonce que nous effectuerons trois pickings sur chacune de ces deux variétés, c'est-à-dire que nous allons picker trois fois chacun des arbres, en sélectionnant à chaque fois les fruits mûrs... Et apparemment, nous avons de la chance : dans certaines fermes, les pickers ramassent les korus et les sonyas en cinq fois!

Ca paraît insurmontable dit comme ça, mais je le répète, le coup de main s'attrape plutôt rapidement, et nous retrouvons notre plein rendement après seulement quelques heures.


Chili, voiture et nouvelle maison


Toutes ces journées de travail acharné ne sont heureusement pas consécutives : l'automne est là, et la pluie nous offre parfois un jour ou deux de répit, dont nous profitons pour nous reposer, passer du bon temps avec nos formidables collègues ou régler quelques questions administratives ou organisationnelles.

Et oui, nos jours de congé sont beaucoup plus animés et réparateurs psychologiquement parlant maintenant que nous pouvons les partager avec des voyageurs venus des quatre coins du monde!

En plus des joyeux loustics présentés plus haut, deux nouveaux arrivant ont rejoint l'équipe en cours de saison : Chris et Nathalie, qui viennent du Canada.

Notre chaumière devient la maison communautaire où tout le monde se rassemble. Quand nous ne sommes pas dans les vergers, nous passons beaucoup de temps avec Robin et Paco, qui deviennent rapidement de très bons amis, mais globalement, la totalité de l'équipe est géniale, et nous passons ensemble de formidables moments, entre soirées, jeux, films en pagaille, grandes discussions et j'en oublie.

Après Robin, c'est Paco que nous initions au tarot, et nous ne tardons pas à nous lancer dans un tournoi sur plusieurs semaine qui nous occupe des heures durant. Il nous arrive d'enchaîner près de vingt parties d'affilée...

Le tarot est particulièrement adapté à ces moments d'attente incertaine qui accompagne un jour pluvieux mais pas trop, lorsque nous ne savons pas si nous allons travailler ou pas. Nous jouons alors en silence, scrutant le ciel et guettant fébrilement le quad de Brian à l'horizon, tout en espérant avec un brin de culpabilité que la météo pourrie se maintienne suffisamment pour nous empêcher d'aller travailler... Nous sommes là pour bosser et rentrer de l'argent, et la raison nous commande de souhaiter qu'il en soit ainsi, mais le picking est quand même loin d'être un travail de rêve, surtout sous la pluie. Lorsqu'un jour saute pour cause de mauvais temps, nous sommes heureux de gagner un jour de congé surprise, mais avons toujours dans un coin de la tête cette petite voix qui nous rappelle que d'un autre côté, nous perdons quelque chose... Enfin bon, comme nous le dis souvent Brian quand il nous annonce que nous ne travaillons pas, les pommes ne vont pas s'enfuir et seront toujours là le jour suivant!

Régulièrement, un membre du groupe prépare un petit quelque chose pour tous les autres, notre plat national étant bien sur la tarte aux pommes...

Bref, l'entente règne, et tout le monde y prend du plaisir. Dans un sens, nous avons eu de la chance également à ce niveau là : le hasard nous a fait tomber dans une équipe formidable!

Si nous passons le plus clair de nos temps de repos à la maison, il nous arrive de mettre le nez en ville, à Richmond, pour aller profiter du wifi de la bibliothèque et faire quelques courses.

C'est l'occasion de bosser sur le blog, activité pour laquelle je ne fait preuve d'aucune motivation en rentrant d'une journée de picking.

C'est durant l'une de ces sorties citadines que nous tombe brutalement sur coin du pif une formidable surprise qui va mettre un bon coup de boost à notre Petit Tour. Comme je le disais dans un précédent article, la principale de nos motivations pour travailler en Nouvelle Zélande est de faire suffisamment d'argent pour couvrir notre année ici tout en constituant de solides économies pour la prochaine et probablement dernière grande destination de notre voyage, l'Amérique du Sud. Sans avoir vraiment de plans, nous avons déjà prévu d'arriver sur le continent au Chili, et depuis quelques mois, l'air de rien, nous furetons sur les sites de vente de billets d'avion pour jeter de furtifs coups d'oeil sur les prix des vols entre la Nouvelle Zélande et Santiago. Dans notre article sur le thinning, il y a quelques mois, je vous avais annoncé que nous avions déjà eu une bonne surprise à ce niveau là : tandis que nous pensions devoir mettre au moins 1000 euros chacun dans nos billets pour l'Amérique du Sud, nous avions alors trouvé à force de recherche quelques tarifs beaucoup plus avantageux, aux alentours de 700 euros par personne. Ces prix bien inférieurs à nos prévisions concernaient des vols décollant au moins 6 mois plus tard. Plus tôt, les prix augmentaient, et nous nous étions donc fixés jusqu'à la mi-avril pour acheter des billets qui nous feraient décoller en octobre.

Mais en cette journée de début avril, nous tombons sur une aubaine qui balaie instantanément toutes nos réflexions de dates, d'attente de meilleurs prix et de date butoir. Sur l'un de nos sites comparatifs s'étale un prix qui nous coupe le sifflet : un aller simple Auckland-Santiago du Chili pour le 6 octobre, à 496 euros par personnes tout compris. Nous simulons fébrilement un achat pour repérer les hausses de prix qui accompagnent toujours le procédé de réservation des vols low-cost, mais il n'y a aucun traquenard, seulement de tout petits frais de réservation supplémentaires qui se montent à trois euros : le prix final des billets, bagages compris et tout le tsouintsouin, est de 499 euros. Notre mâchoire en tombe. Nous nous regardons, tout frissonnants et l'oeil brillant, puis sautons sur le clavier. Nous ne savons pas ce que nous allons faire durant nos derniers mois en Nouvelle Zélande, hier encore nous nous demandions si allions y rester toute l'année de notre visa ou si le pays allait réussir à nous lasser avant, nous n'avons aucun itinéraire de prévu en Amérique du Sud, mais à ce prix là, il n'y a pas à réfléchir. 10 minutes plus tard, notre réservation est confirmée.

Paf. C'est fait. Nous sommes surexcités, galvanisés par cette opération coup de point soudaine, radicale et délicieusement irréfléchie. Il nous faut un petit moment pour nous faire à l'idée : Le 6 octobre 2017, dans presque exactement 6 mois, nous embarquerons pour le dernier continent du Petit Tour.

Une bien bonne chose de faite, sans parler de l'économie substantielle que nous faisons par rapport à nos prévisions budgétaires. Et vive les voyages!

Bon. Trêve de rigolade. Car parfois ce sont des nécessités beaucoup moins amusantes qui nous font quitter notre campagne verdoyante pour rejoindre le bitume puant des villes. A commencer par le "warrant of fitness" de notre chère voiture. le warrant of Fitness, ou WOF, est un certificat qu'il est nécessaire de posséder pour conduire son véhicule en Nouvelle Zélande. A noter que l'acronyme n'est utilisé que sur les devantures des garages qui l'effectuent. Le fait de demander à un néo-zélandais où est-ce qu'on peut faire son "wouf" déclenchera rire et/ou incompréhension... Il s'agit d'une sorte de contrôle technique, moins pointu que son équivalent français, durant lequel un mécanicien agrée vérifie tout ce qui a trait à la sécurité du véhicule : état des pneus, des phares, des freins, des ceintures, état global des parties mécaniques. etc... A l'issu du contrôle, l'agent délivre le certificat qui autorise le véhicule à rouler s'il n'y a aucun problème, ou dresse une liste des réparations nécessaire, à faire obligatoirement avant de revenir pour une contre-visite. Ce contrôle doit être fait tous les 6 mois. La première visite coûte entre 30 et 60$ suivant le garage, et la deuxième, si elle est nécessaire, est gratuite si réalisée moins d'un mois après dans le même garage. Conduire un véhicule sans WOF est illégale.

L'obtention du warrant of fitness de notre vieille opel va nous entraîner dans des aventures embêtantes au possible, dont surtout Léonore fera les frais, qui nous rappellent qu'une voiture, c'est avant tout une histoire de problèmes et de dépenses.

La validité de notre wof arrive en effet bientôt à expiration. Sur les conseils plein de bonne volonté mais un tantinet malavisés de notre voisin David, nous profitons d'un jour de repos pour le gâcher en allant à Nelson, à 20 minute de chez nous, afin d'effectuer notre contrôle. "Malavisés" car nous payerons la première visite 55$, alors que nous apprendrons qu'il était parfaitement possible de la réaliser pour moins de 40 balles dans le petit bled de Mapua qui se trouve à seulement trois bornes de la ferme...

Après quelques dizaines de minutes d'attente, durant lesquelles le garagiste examine notre vieille mais toujours fringante monture, les résultats tombent. Une fuite à côté du moteur, et bien sûr le voyant de l'airbag qui reste allumé après le démarrage. Nous ne nous faisions pas d'illusions, notre épave ayant plus de vingt ans et 250000 kilomètres au compteur. Nous attendions de connaitre les problèmes et surtout la somme qu'il allait nous falloir débourser pour les régler.

La fuite est un problème minime, et le garage peut s'en occuper pour quelques 150$. Pour l'airbag en revanche, c'est une autre histoire, étant donne que la source du problème est inconnue : simple problème électrique qui fait que le voyant reste allumé ou véritable souci d'airbag? Dans tous les cas, le garagiste estime le coût de la réparation à 300 ou 400$.

Nous n'avons pas vraiment le choix, le WOF étant obligatoire, et nous prenons rendez-vous pour réparer tout ce bazar. Sur le chemin du retour, l'ambiance n'est pas à la fête, avec tous ces frais inévitables qui risquent de nous tomber dessus... Nous allons perdre plus d'argent que le simple coût des réparations, étant donné que le rendez-vous, sauf coïncidence extraordinaire, va tomber pendant un jour de travail. Sans parler du fait que le problème d'airbag est peut-être un simple faux contact qui va nous coûter les yeux de la tête, et que dans tous les cas un airbag qui ne fonctionne pas n'a jamais empêché une voiture de rouler. Encore un fois, nous n'avons pas le choix si nous voulons continuer de parcourir les routes de l'île sud avec notre fidèle opel.

Quelques semaines plus tard, Léonore rate donc une demi-journée de travail pour se rendre à Nelson. Elle y passe plus de 4h, le temps pour le garagiste de réparer la fuite et... de s'apercevoir qu'il ne peut rien faire pour le voyant d'airbag. Notre voiture est trop vieille, et il est impossible pour leurs appareils de communiquer avec ses systèmes électriques, opération indispensable pour localiser la source du problème. Léonore rentre néanmoins avec l'adresse d'un autre garage, spécialisé dans l'électronique, et la perspective de devoir perdre encore de précieuses heures de travail pour régler ce satané problème.

Nous prenons rendez-vous dans le garage en question quelques jours plus tard pour la semaine suivante.

Nous avons aussi profiter de notre première visite à Nelson pour régler un autre souci, matériel cette fois. Depuis que nous sommes rentrés, notre tente vietnamienne contrefaite, déjà bien mise à mal, n'en fait qu'à sa tête. La chambre a en effet exprimé plusieurs fois des envies de liberté, trop coincée qu'elle était sous son double-toit...

Ainsi, quelques jours après le début du picking, nous rentrons d'une dure journée de travail pour constater que notre guitoune a voulu changer de look pendant la journée : elle a pour cela cassé l'un des arceaux pour se donner un style plus "tipi", avant que le dit-arceau ne traverse le double toit, qui je le rappelle ressemble déjà a une couverture de grand-mère rapiécée tant il est couvert de carrés de toile de rechange. Nous réparons tant bien que mal le tout, et notre malheureuse tente doit bien regretter ses folles coquetteries lorsque nous amputons à la scie 10 centimètres d'arceau fendu avant de tenter une chirurgie réparatrice à coup de ruban adhésif de plomberie et de bouts de tuyau. La section réparée s'étend à présent sur près de 40 centimètres... Le double toit quant à lui reçoit un énième carré de toile-rustine.

La tente montée, bien que d'une allure plutôt bancale, tient encore la route, mais nous nous rendons à l'évidence : sa fin est proche.

Elle arrivera quelque jour plus tard. Un arceau se brise à nouveau, à une dizaine de centimètres de l'ancienne réparation. Même avec toute la bonne volonté du monde, l'arceau est inutilisable, sans parler des trous dans le toit et des coutures qui ne tiennent que grâce à de généreuses couches de colle étanchéisante et qui commencent malgré tout à lâcher.

Nous abattons une dernière fois la vaude, mettant fin à ses souffrances. Notre chagrin est sans commune mesure avec ce que j'avais éprouvé en regardant notre chère et regrettée T2 emportée dans un camion poubelle : malgré les aventures que nous avons vécu ensemble, nous ne nous sommes jamais attachés à la vaude, achetée par défaut dans le seul magasin de camping d'Hanoi. Trop lourde, pas fonctionnelle, infiniment moins pratique, résistante et ergonomique que sa soeur aînée, la pauvre restera la mal-aimée, celle que nous n'avons pas choisi... Qu'elle repose néanmoins en paix.

A Nelson, après être passés au garage, nous nous mettons donc en quête d'une nouvelle maison. Cette fois, nous sommes en Nouvelle Zélande, le pays du trekking et des escapades sauvages, et nous espérons bien trouver ce que nous cherchons dans l'un des nombreux magasins de camping, de sport, de chasse et de pêche de la ville. Durant ces quatre dernières années, nous avons dormi, et même vécu, un temps non négligeable dans une tente. A présent nous savons très exactement ce que nous demandons à notre nouvelle maison : un espace chambre-salle à manger, un coin cuisine, des espaces de rangement, une buanderie extérieur pour caler les sacs, et éventuellement une véranda abritée pour profiter de l'extérieur en cas de pluie. Autrement dit : tente igloo avec double toit à montage indépendant et vestibules. Côté terrasse et jardin, on s'en occupe.

Après une ou deux heures de recherche, nous trouvons notre bonheur : notre nouvelle maison est un modèle australien, la Vertex 2, joli bébé de 2.4 kilos. Bienvenue et longue vie à elle!


Encore des pommes, toujours des pommes...


L'heure n'est pourtant pas encore venue de la tester dans les formidables montagnes de Nouvelle Zélande... Nous nous mettons à travailler sans interruption. Nous effectuons le deuxième picking de korus et de sonya, ramassons deux variétés de poire différentes, et commençons la cueillette d'une nouvelle variété : les bien connues fujis.

Nous avons passe la moitié de la saison, et doucement la saturation s'installe, tandis que les journées s'enchaînent sans pause. Nous travaillons ainsi pendant 10 jours consécutifs, le temps de boucler le troisième et dernier picking des korus et des sonya, et de finir le premier picking de fujis.

Avec cette variété, que nous allons ramasser en deux passages, nous restons dans le domaine d'un color picking des enfers, qui en devient d'autant plus difficile que le ras-le-bol commence à se faire franchement sentir, et que je ne peux pas vraiment vous expliquer, pour la simple et bonne raison que nous n'avons jamais complètement saisi quelle était la bonne couleur... C'est toujours une histoire de rouge, sauf que cette fois-ci, il n'est pas brillant si la pomme est mûre, mais violet-sombre. Le problème étant que si du vert se trouve sous le rouge, ce dernier adopte quand même une teinte sombre, mais le fruit n'est pas mûr... Les fujis sont les pommes qui ont le plus souffert du gel et de la grêle, et les fruits sont très abîmés malgré le thinning appliqué que nous avons fait subir aux arbres il y a quelques mois, ce qui ne facilite pas la tache.

Très franchement, au bout d'un moment, nous arrêtons de nous prendre la tête et pickons un peu au petit bonheur la chance, ce qui bizarrement donne de bons résultats!

Si le ciel est bleu la plupart du temps, la température chute beaucoup, et le froid s'installe doucement. Le début de journée, aux alentours de 8h, est particulièrement glacial. De cet état de fait résulte un désagrément qui va vite nous pourrir la vie : durant les froides nuits se déroule une intense condensation, et au matin, les passages entre les rangées d'arbres dégouttent de flotte. Nos pieds sont trempés après seulement quelques minutes, commencent à brûler dans l'après-midi, et lorsque nous enlevons nos chaussures le soir, nous découvrons peau fripée et profondes et douloureuses crevasses. Chacun trouve des moyens de palier à ce problème : Robin et Paco investissent dans des bottes, et de mon côté je passe deux paires de chaussettes par jour, une le matin, une l'après-midi. Flo se couvre les pieds de sacs-plastique avant de mettre ses chaussures, mais le manque d'aération qui résulte de cette méthode lui pourri beaucoup plus sûrement les pattes que l'humidité extérieur...

Comme je le disais, la saison a été retardée, mais cela ne signifie pas que les acheteurs sont près à attendre trop longtemps... La compagnie qui s'occupe de vendre les pommes du verger demande à ce que les korus et les sonyas lui parviennent rapidement, et nous nous retrouvons à travailler sous la pluie pour achever ces deux variétés. Le picking sous la pluie est épuisant, tant physiquement que psychologiquement. Et bien sûr, au lendemain d'un jour pluvieux, un autre problème se pose, même sous le soleil : les chemin sont couverts de boue, glissant, et plus la journée passe, plus le tracteur qui déplace les bins remue l'immonde bouillasse dans laquelle nous pataugeons. Nous nous ramassons dans la gadoue, voir dans la bin quand un de nos pieds ripe tandis que nous vidons nos sacs dont le poids nous entraîne en avant.

Oui, ce n'est pas facile. Mais c'est ce travail qui veut ça. Nous sommes très loin du calvaire : Brian nous ménage le plus possible, nous ne sommes jamais obligés de travailler quand il pleut, et il nous le demande qu'en cas de coup de bourre, sans nous forcer. Durant la réunion juste avant le début de la saison, Tracey nous avait d'ailleurs prévenu que nous pourrions être amenés, en cas de besoin, à travailler sous la pluie. Il nous suffit de voir Brian dans le verger pour voir qu'il fait tout son possible pour nous faciliter la tâche et qu'il lui répugne de nous faire travailler dans ces conditions : Walter manage, Marc conduit le tracteur, nous pickons... Et Brian fait tout ça à la fois. Il transporte les bins, passe voir tout le monde pour demander si tout va bien, avant d'enfiler un sac et de se mettre à nous donner un coup de main. Toutes les pommes qu'il ramasse alors, il les place dans nos bins... Quand la pluie devient trop forte, il nous demande d'arrêter et de rentrer nous mettre au chaud, mais avant il nous remercie pour notre travail. La nuit, il n'est pas rare de l'entendre sur son quad sillonner le verger pour préparer le lendemain, placer nos échelles et nos caisses, tandis que nous allons nous coucher. Il est parfois plus de 22h.

Bref, c'est un patron qui donne envie de travailler pour lui, et de travailler correctement. Lorsqu'il vient nous demander les yeux plein d'excuse si nous voulons bien aller travailler malgré la pluie battante, tout le monde attrape son sac sans discuter.

Walter nous encourage et nous aide aussi beaucoup, et nous l'apprécions, même s'il fait preuve de techniques de management assez particulières, souvent contradictoires, qui à défaut d'assurer une transmission efficace nous font au moins bien rigoler...

Comme durant le thinning, le travail est pénible, mais tous les à-côtés sont formidables.


Voiture, pognon et vacances


Enfin tous... La voiture, qui aurait pu se faire discrète étant donné que le renouvellement de son warrant of fitness est sur le grill, se remet à faire des siennes. Bon, à l'origine, c'est de nous que vient le problème : nous nous apercevons un après-midi que la batterie est à plat. Forcément, les phares sont restes allumes toute la nuit... Décidément, un rien suffit à la contrarier, cette capricieuse opel. Bref, coup de chance pour nous, Chris possède des câbles, et il vient à notre rescousse. Malheureusement, nous constatons alors que la tirette qui sert à ouvrir le capot est cassée, seul un malheureux fil de fer pendouille tout seul à l'endroit où devrait se trouver la petite manette en plastique. Nous parviendrons tout de même à ouvrir le capot : je tire comme un fou sur le fil tandis que Chris s'appuie de tout sous poids dessus. La méthode fonctionne, mais l'outillage requis, à savoir une pince et un canadien baraqué d'environ 90 kilos. risque de poser problème à l'avenir... Heureusement, nous constaterons qu'un simple Flo, plus facilement transportable, fait l'affaire.

En parallèle, la résolution du problème de voyant d'airbag allumé continue, pour passer de nombreux crans supplémentaires dans l'épique et le péplum : le rendez-vous que nous avons pris à Nelson dure seulement quelques minutes, et le garagiste ne nous le fait pas payer, pour la simple et bonne raison qu'il ne peut pas nous dire quel est le souci : bien que spécialisé dans l'électro-technique, il ne dispose pas lui non plus du bon appareil pour communiquer avec notre voiture... Apparemment, notre modèle de vectra de 1995 se trouve être le premier de cette catégorie de véhicule à disposer d'un airbag, et son système électrique ne correspond à aucun standard actuel... Selon le garagiste, la seule solution serait de se rendre directement dans un garage officiel du constructeur en espérant qu'il dispose encore de l'antique machine... Un garage spécialisé... Ca va douiller sec! Dans notre malheur, un rayon de soleil : il y a justement un garage Holden à Nelson. Nous y filons directement pour prendre rendez-vous.

Quelques jours plus tard, tandis que nous travaillons, Léonore se rend donc à Nelson au rendez-vous. Partie aux aurores, elle rentre en fin de journée, vers 17h, après avoir passé une journée du genre de celles qui vous font profondément regretté de vous être levés le matin... Après être descendue de la voiture avec le regard de celle qui abattra froidement quiconque oserait lui prendre la tête, elle nous en fait le récit.

Arrivée à Nelson en début de matinée, elle s'arrête à un feu rouge près du centre ville. Quand le feu passe au vert... La voiture ne redémarre pas. Plusieurs passants se précipitent pour l'aider à pousser le véhicule hors de la chaussée, et l'un d'eux se propose de l'emmener au garage Holden. Sur place, elle explique les problèmes, anciens et nouveaux, et le garagiste lui annonce qu'il peut aller remorquer la voiture jusqu'au garage et s'occuper du souci d'airbag, et des autres qui visiblement font que la voiture s'arrête toute seule... Léonore doit revenir vers midi, ce qui lui laisse tout le temps de pleurer en pensant à combien va coûter tout ce bazar. A partir de là, son histoire prend une tournure proprement légendaire : à son retour, la voiture a redémarré, mais le garagiste lui explique qu'il ne peut rien faire pour l'airbag, car... ils n'ont pas le bon appareil pour communiquer avec les systèmes électriques... Le garage officiel du fabriquant de notre bagnole ne peut rien faire pour elle! On lui fournit quand même l'adresse d'un quatrième garage (raaa!!!), où, peut-être, l'appareil mythologique se trouverait... Histoire de redonner un peu de courage à notre pauvre Léo, on lui offre le remorquage et l'intervention. Et voilà Léonore qui repart dans Nelson en direction d'un nouveau garage, qui s'arrête à un feu rouge... Et qui se voit dans l'impossibilité de repartir! Le moteur s'est encore coupé tout seul au milieu d'une grosse 3 voies en plein centre-ville... Dans la voiture, Léonore hurle de rage, tandis que de nouveaux et serviables passants accourent pour pousser notre épave. C'est une Léo en furie qui débarque à pied dans le quatrième garage, où on lui annonce qu'on peut remorquer la voiture, mais pas avant une heure. En attendant, notre pauvre infortunée se pose sous un abris-bus comme une malheureuse, une part de pizza à la main, affrontant la tourmente qui se déchaîne, commençant à se dire qu'elle va devoir abandonner la voiture en ville et rentrer en stop... En fin d'après-midi, elle retourne au garage, pour trouver la voiture qui entre-temps a été remorquée. Bien évidemment, le garagiste ne dispose pas du bon appareil, mais selon lui il y a de grandes chances que tous les problèmes, voyant d'airbag et autres, viennent de la batterie. Il propose de la changer et de bidouiller les systèmes de la voiture pour que le voyant d'airbag ne s'allume plus, ce qui permettrait de passer le warrant of fitness. Et loué soit ce cher garagiste, car une fois la nouvelle batterie installée, il n'y a plus aucun problème, la voiture démarre et roule correctement, et le voyant d'airbag ne reste pas allumé! Victoire! En prime, Léonore se voit offrir son deuxième remorquage de la journée. Ils sont cool ces néo-zélandais!

Epique je vous dis. Finalement, cette journée éprouvante trouve une fin heureuse : tout est réparé, et tous les frais supplémentaires qui auraient pu être occasionnés par le nouveau problème du moteur qui s'éteint ont été offerts par de gentils garagistes. Au final, malgré tout ce bazar, Léonore n'aura payé que la nouvelle batterie et la main d'oeuvre pour l'installer.

Le lendemain, nous vivons finalement la conclusion de cette grande épopée en obtenant enfin le certificat de warrant of fitness.

Côté travail, les jours passent, la fin de la saison approche, et ce n'est pas dommage : plus les journées s'enchaînent, plus le ras-le-bol s'intensifie, et plus notre sante mentale dégringole... Il faut entendre les conversations qui se déroulent entre nous après les journées de boulot, durant lesquelles nous vantons la supériorité gustative d'une sonya deuxième picking sur une koru troisième picking, tout en admettant que les fujis premier picking passent mieux dans les tartes... La saturation atteint son paroxysme, tout le monde rêve au moins une fois de picking pendant la nuit. La pomme a retrouvé dans nos esprits son statut de maîtresse des ténèbres, de fruit démoniaque qui occupe tout notre temps sans aucun répis.

Mais nous commençons à en voir le bout : Bryan nous annonce bientôt que la récolte des pink ladies est proche. Cette variété est toujours cueillie en dernier, et son picking marque les derniers jours de la saison. Une façon de garder le meilleur pour la fin... Parce que oui, les pink ladies sont ignobles à cueillir! Là encore, rendez-vous sur l'article du picking australien pour plus de détails sur la petite princesse fragile et capricieuse du monde des pommes.

Le bon point, c'est que les ladies ont souffert comme les autres variétés de la météo exécrable de cette année et sont très en retard du point de vue de la maturité. Elles ne sont pas du tout prêtes pour la cueillette, et nous bénéficions d'une semaine entière de congé avant d'attaquer cette ultime variété! Un repos qui tombe à pic après de nombreuses journées de labeur consécutives.

Cette semaine de repos sera plutôt calme niveau mouvement, mais tout de même active.

Déjà, Léonore et moi replions la tente et migrons dans la chambre double de notre maison, battant en retraite devant les affres de l'hiver. C'est un événement de grande envergure qui nous bouleverse totalement. Vous ne l'avez peut-être pas noté, mais nous n'avons pas touché de lit, ni même de matelas, et nous dormons sous une tente depuis notre dernière nuit chez Craig, au lendemain de notre arrivée dans le pays, 6 mois plus tôt! Autant dire que le retour dans une chambre avec un vrai plumard et des oreillers remplit d'autre chose que nos fringues roulées en boule équivaut pour nous à débarquer dans la piaule du roi à Versaille.

Niveau administratif et gestion, nous nous lançons avec vaillance dans le transfert de fonds international, afin d'envoyer nos deniers chèrement gagnés sur le compte français de Léonore.

De nombreuses compagnies permettent de transférer de l'argent entre des comptes de différents pays, et il est préférable de passer par elles plutôt que par les banques. En effet, les établissements bancaires vont avoir tendance à sucrer des sommes faramineuse pour tout transfert (jusqu'à 10% de la somme transférée!) et à appliquer leur propres taux de change, le plus souvent désavantageux, tandis que les compagnies spécialisées, par des méthodes qui nous échappent totalement, permettent de transférer de l'argent à frais réduit en profitant des taux de change réels du marché mondial.

Ce blog n'a jamais eu vocation de comparatif ou de liste de bons plans, je ne vous dresserai donc pas un descriptif des différentes compagnies par lesquelles il est possible de passer, toutes les infos là-dessus se trouvant déjà partout sur internet.

De notre côté, nous avons choisi CurrencyFair. La procédure, de leur côté au moins, est plutôt simple : on créé un compte en ligne, on enregistre ses différents comptes bancaires (en fournissant comme justificatif un scan de RIB et de passeport), on envoie la somme que l'on veut transférer à la compagnie qui le place sur le compte en ligne, on l'échange dans la devise de son choix, et on la transfert sur un des comptes enregistrés.

Comme je l'expliquais dans un précédent article, nous avons quitte la France avec 7000 euros en poche, et nous voulons arriver en Amérique du sud avec cette même somme. Au fil de nos mois de voyage, avant de commencer à travailler, nous avons dépensé a peu près 3000 euros, et le taux de change du dollars néo-zélandais oscille entre 0.60 et 0.70 euros. Il nous faut donc transférer environ 5000$ pour recharger à bloc notre compte français.

Pourquoi ne pas continuer d'utiliser notre compte néo-zélandais en Amérique? D'une part parce que nos cartes de retrait ne nous le permettent pas, et d'autre part parce que notre compte à la KiwiBank ne dispose d'aucune options international, contrairement à notre compte en France, et que l'utiliser à l'étranger occasionnerait de gros frais à la moindre transaction.

Notre compte CurrencyFair paramétré, nous passons à la banque pour envoyer 5000$ dessus. Le compte de la compagnie se trouve en Angleterre, et la KiwiBank nous facture le virement 25$. Un papier rempli plus tard, la somme est partie. Ca fait un peu bizarre d'envoyer comme ça 5000$, plus de 3000 euros, sur le compte d'une société en ligne, même en nous étant bien renseignés avant sur la fiabilité du service!

Au moment où nous démarrons la procédure, le dollars néo-zélandais vaut 0.67 euros, un excellent taux, malheureusement la KiwiBank se montre excessivement lente pour effectuer le transfert, et quand l'argent arrive finalement sur notre compte CurrencyFair, il est tombé à 0.63... Avant de demander l'echange en euros, nous étudions les fluctuations du dollars au cours des dix dernières années, pour constater qu'à chaque fois qu'il a commencé à tomber, il a chuté dramatiquement dans les mois qui ont suivi. Nous décidons d'échanger dès maintenant (et grand bien nous en a pris, étant donné que le cours du dollars a continué de se casser la figure durant les mois suivant...).

Finalement, en passant par une compagnie, nous n'avons eu qu'environ 20 euros de frais, dont seulement 3 pour CurrencyFair, le reste ayant été ponctionné par la KiwiBank pour envoyer l'argent.

Voilà notre compte français rechargé à bloc! Si l'on se fie à nos dépenses moyennes en voyage, 7000 euros devraient nous permettre de voyager environ un an en Amérique du Sud. Là encore, nous reconsidérerons ces prévisions quelques jours plus tard... J'y reviendrai.

A côté de ces petites cabrioles financières internationales, la semaine de congé est formidable : quand nous ne sommes pas à Richmond en train de bosser sur le blog, nous passons du bon temps à la maison. Nous sommes devenus très proches de Paco et de Robin, et nous passons l'essentiel de notre temps avec eux, que nous occupons en tarots, discussions, rigolades et boustifaille. Paco est un cuisinier hors pairs, et durant nos semaines à la ferme il s'exerce à la préparation des desserts, discipline qu'il n'a pas souvent pratiqué. De notre côté, nous jouons le rôle des cobayes avec plaisir, car notre ami fait preuve d'un talent inné, et nous régale de glace et de gâteaux. Robin de son côté réalise une étude sur la tarte aux pommes et ses variations. Quand à nous, nous nous spécialisons dans la préparation de plats asiatiques, quand nous ne sommes pas en train de faire griller bacon, saucisses, toasts, oeufs et pancakes pour des repas so british.

Nous saturons du tarot, probablement à cause du fait que nous disputons une vingtaine de parties par jour de congé depuis trois semaines, et je m'attaque à la création d'une campagne de jeu de rôle, que nous jouons durant plusieurs soirées.

En prévision de notre arrivée en Amérique du Sud, je me met aussi sérieusement à l'espagnol, grâce à des cours du CNED et autres leçons téléchargés en ligne et à un dictionnaire que m'a trouvé Paco dans un magasin d'occaz à Nelson. J'apprend donc des leçons d'espagnol en français et traduit des textes en m'aidant d'un dico anglais-espagnol secondé de notre dictionnaire anglais-français en cas de besoin. Je me retrouve en effet parfois à devoir traduire de l'espagnol à l'anglais, puis de l'anglais au français...

Que du bonheur!


Equipée du dimanche au Victoria Forest Parc


Nous profitons de la fin de semaine pour bouger quand même un petit peu. En effet, nous en avons marre d'attendre la fin du travail pour aller crapahuter : en milieu de semaine, nous préparons avec Robin et Paco un petit trek. Si vous vous souvenez de notre article sur le Nelson Lake National Park, vous devez vous rappeler qu'un autre parc titillait notre attention : le Mount Richmond Forest Park, juste à côté de Nelson. Et bien cette semaine... Nous n'irons pas là-bas. La météo y prévoit de la pluie et des orages pour une durée indéterminée... Je peux vous dire que le jour où nous pourrons enfin y mettre les pieds dans celui-là...

Nous nous rabattons sur un autre parc, le Victoria Forest, situé au sud-ouest de Nelson, juste à l'ouest du Nelson Lake National Park. Nous y repérons une grande boucle de 40 kilomètres, le Kirwans Track, qui grimpe à travers la forêt avant de redescendre pour suivre la vallée de Waitahu, creusée par la rivière du même nom. Le départ du trek, d'une durée estimée de deux à trois jours, se trouve à quelques kilomètres de Reefton, petit village historique situé à trois heure de route de Nelson.

Plus d'infos sur la boucle et le parc ici (en anglais).

Nous prévoyons deux jours pour parcourir la boucle tout en gardant un petit dernier jour de repos avant d'attaquer les pink ladies.

Nous quittons la ferme tôt le matin, les sacs déjà bouclés dans le coffre.

Un peu moins de trois heures plus tard, nous arrivons à une dizaine de kilomètres au nord de Reefton, où s'ouvre la Boatmans Road, petit chemin de terre qui mène à l'entrée du Kirwans Track après quelques kilomètres à travers la cambrousse. Tandis que nous avons laissé le nord sous la grisaille, ici le temps est radieux!

Nous attrapons nos bardas et partons à travers une jolie vallée en direction de la forêt. Première étape : la Kirwans Hut, refuge situé juste au-dessus de la bushline, 1000 mètres plus haut, à la jonction avec le chemin qui descend dans la Waitahu Valley. Nous sommes à 12 kilomètres du refuge, et les panneaux annoncent une marche de 6 heures pour le rejoindre, ce qui promet un itinéraire escarpé.



Nous plongeons dans les bois pour de fantastiques premiers kilomètres. Le sentier monte en pente douce parmis de grands arbres, et nous fait traverser ponts suspendus au-dessus des torrents et même une grotte!



Nous suivons une rivière pendant environ une heure et demi, au coeur d'une belle forêt, sur un chemin qui grimpe toujours aussi gentiment, avant de croiser un panneau indiquant que nous avons parcouru la moitié de la distance jusqu'a la Kirwans Hut. Donc normalement, c'est à partir de la que ça va commencer à grimper sec!



Comme prévu, les 6 derniers kilomètres se déroulent sur un chemin toujours aussi dégagé mais assez raide. Nous faisons chauffer les cuisses, profitant d'une végétation qui évolue au fur et à mesure que nous grimpons.



Dans les hauteurs, la forêt se fait plus quelconque et moins verdoyante : la mousse abandonne les troncs des arbres et les abords du chemin, et un tapi de feuilles mortes remplace les vastes fougeraies qui couvraient le sol plus bas.

Nous atteignons le refuge un peu moins de quatre heures après notre départ. L'après-midi touche à sa fin quand nous sortons de la forêt pour découvrir une cabane qui se dresse au milieu d'une étendue dégagée couverte d'herbe rase.

Comme d'habitude, nous avons prévu de passer la nuit sous la tente, et les abords du refuge couverts d'herbe nous tendent les bras. Nous n'avons parcouru qu'un peu plus de douze bornes sur les quarante de la boucle, mais nous savons qu'après le refuge, le sentier plonge en direction de la vallée suivant un itinéraire apparemment très escarpé, qui ne nous offrira sans doute pas de coin camping avant d'arriver sur les rives de la Waituha River. Nous décidons de nous arrêter là pour aujourd'hui, et de partir tôt le lendemain pour une journée qui s'annonce déjà intense, puisque nous devrons parcourir d'une traite les 28 kilomètres restants.

La nuit au refuge est payante, mais on peut gratuitement en profiter si on pose sa tente à côté. Face à la petite prairie où se dresse la hutte, une pente complètement dégagée offre une vue formidable sur la vallée et les montagne à l'ouest, et nous montons le camp face au panorama.



Nous avons juste le temps de profiter du coucher du soleil avant que le ciel se couvre de nuages et qu'une pluie battante se mette à tomber. Nous nous abritons dans le refuge, inoccupé à l'exception d'un autre randonneur néo-zélandais, et finissons l'après-midi sur une petite dizaine de parties de tarot...



Mis a part la forêt durant les premiers kilomètres de l'ascencion et la vue sublime depuis le refuge, cette première journée ne nous a pas montré de folies, pourtant nous y avons pris beaucoup de plaisir grâce à nos deux compagnons : pour une fois, nous ne sommes pas seuls à nous paumer au fin fond d'un parc, et nous sommes ravis de partager cette balade avec nos amis.

Nous dînons à la frontale avant d'aller nous coucher, nous pelotonnant au fond de nos duvets. La température sur notre perchoir est glaciale, et c'est l'occasion de tester notre matos dans des conditions un peu plus extrêmes que celles qui règnent dans les vallées ensoleillées de la baie de Tasman où nous travaillons. Nous dormons comme des loirs, sans aucun problème de froid. Quand à la nouvelle tente, pour qui c'est la première sortie en pleine nature, nous en tombons instantanément amoureux!

Au réveil, après le pti dèj, nous mettons les voiles, après avoir profité une dernière fois de la vue sur la vallée couverte de brume au petit matin.



Il est 8h passé, mais avant d'attaquer la descente vers la Waitahu Valley, nous voulons effectuer une petite balade qui part de la boucle pour grimper au sommet de la Kirwans Hill. 1h30 sont nécessaires pour effectuer l'aller-retour jusqu'à la colline, qui se dresse à 1297 mètres d'altitude.

Le sentier qui y mène grimpe à travers un bois aux arbres couverts de mousse avant de déboucher sur le flanc dégagé de la colline. La progression y est plutôt difficile à cause des buissons et de la broussaille dans lesquels il faut se frayer laborieusement un chemin. La piste rejoint ensuite une crête rocailleuse avant de nous conduire au sommet de la colline, arrondi et couvert de tussock. La vue de là-haut est sublime!



Nous replongeons dans le bois pour rejoindre l'itinéraire principal. Avant de descendre vers la vallée, le sentier nous fait traverser une forêt très lord of the ringienne, aux arbres noueux ou au contraire droits, couverts de mousse et de lichens de toutes les couleurs, qui laisse parfois place à de belles vues sur la Waitahu Valley.



Le chemin, tout plat, nous fait croiser de temps à autres des "vestiges historiques"... Il s'avère que la zone accueillait beaucoup de mines d'or au siècle dernier, et le Kirwans Track permet d'apercevoir des restes de cette époque. En fait de véritable vestiges, c'est plutôt des bouts de métal rouillé ou de tôle qui s'étalent régulièrement le long du chemin, et c'est moche. Comme le dit très sagement Robin sur le coup, "on a du mal à faire la différence entre le vestige historique et la pollution". C'est le même problème que nous constations en Australie, et qui doit être l'apanage des pays jeunes : on sent qu'ils se cherchent une histoire en posant le panneau "site historique" sur la moindre babioles ou cabane en bois qui a plus de 50 ans, même si le site en question ne ressemble à rien.

Nous arrivons au bout de la section plate, et le sentier plonge droit dans la pente en direction de la vallée. La descente est raide, nous nous retenons aux troncs et aux branches, il nous faut parfois escalader d'énormes troncs d'arbres, et tout le monde se vautre au moins une fois dans la terre du sentier ou les fourres qui le bordent, mais dans l'ensemble, la progression reste simple et sans véritables difficultés.

La forêt enchantée des hauteurs laisse place au même genre de bois plutôt quelconque que nous avons traversé hier, mais plus nous descendons, plus la végétation redevient impressionnante, foisonnante et luxuriante. Les arbres se font plus gros, plus grands, et les fougères de toutes tailles envahissent à nouveau le moindre centimètre carré de sol.



C'est durant cette descente que survient la tuile. Une toute petite douleur sur le côté de mon genou se fait de plus en plus lancinante et intense, et au bout d'une heure de dégringolade, je peux à peine plier la jambe sans serrer les dents tant la douleur qui enflamme à présent toute l'articulation est violente... Vla autre chose...

Je sens mon genou qui enfle, et me voilà bientôt obliger de descendre en gardant ma jambe droite tendu, et en ne posant jamais le pied droit plus bas que le gauche. Ce qui est étrange, c'est que lorsque le chemin monte, toute douleur disparaît, tout comme sur du plat ou à l'arrêt. Mais en descente, la chose est difficilement supportable. Habitué des blessures en tout genre, je me met à craindre le pire...

Coup de bol, nous atteignons bientôt le fond de la vallée et les rives d'un affluent de la Waitahu River, et le sentier redevient plat. Nous croisons un nouveau et un peu plus impressionnant vestige : il s'agit du mécanisme qui actionnait le câble sur lequel descendaient les chariots remplis du minerai extrait des exploitations situées dans les hauteurs.



Le sentier suit ensuite tranquillement les abords d'une petite rivière dans une belle forêt.



Notre chemin se rapproche ensuite du cours d'eau, pour trois bornes ignobles qui nous font monter et descendre les ravines creusées par les petits ruisseaux qui descendent de la montagne, et qu'il nous faut franchir sur des rochers glissants, des fondrières de boue et des racines humides. La succession des creux et des bosses ainsi que le terrain escarpé ont raison de mon genou : la douleur devient très violente, et j'avance difficilement.

Vers midi, enfin, nous arrivons à la Waitahu River et la Montgomerie Hut, un refuge situé au bord du large cours d'eau qui serpente paresseusement entre deux chaînes de montagne couvertes de forêts. Nous y faisons une pause pour manger, et je peux respirer. Un instant avant, la douleur était à la limite du supportable, mais à l'arrêt, mon genou se comporte comme si de rien n'était! Je me demande ce qu'est ce nouveau maléfice, tout en rageant en pensant au fait qu'une pauvre balade de deux jours sur un sentier tout gentil sans aucune difficulté me rétame le genou au point que je peux à peine marcher, alors qu'il nous est arrivé de suivre des itinéraires infiniment plus difficiles et casse-pieds sans encombres. Il est beau le randonneur!

Après avoir englouti nos sandwichs, nous nous remettons en route, et je tremble à la perspective des 4 heures de marches qu'il nous reste encore à accomplir. Ce n'est pas comme si nous avions le choix : nous sommes au coeur du parc, et aucune route ne passent dans les parages.

Notre chemin suit une ancienne route pour 4x4 sur laquelle la nature a repris ses droits : des plantes couvrent les bords des anciennes ornières, qui par endroit se sont transformées en véritables étangs qu'il nous faut contourner en nous enfonçant dans la forêt.



Apres une petite heure de marche pourtant tranquille, j'ai envie de me couper la jambe. Impossible de tenir encore trois satanées heures comme ça, et notre glorieuse troupe se rassemble pour évaluer la situation. En jetant un oeil sur la carte de la boucle, nous constatons qu'il est possible de quitter l'itinéraire avant la fin pour rejoindre une route. Le sauf-conduit ne raccourcit pas le chemin de beaucoup, mais m'épargnerait une heure de marche, ce qui dans mon état est toujours ça de pris.

La communauté va se séparer : Léonore et Paco vont partir devant en mission de sauvetage, et finir la boucle rapidement pour aller chercher la voiture au parking. Robin reste avec moi, et nous allons rejoindre la route au point de sortie le plus proche où Léonore et Paco viendrons nous récupérer.

Nous déchargeons mon sac au maximum, j'englouti une poignée de paracétamols, Léonore et Paco partent au pas de course et disparaissent au loin tandis que je boitille aux côtés de Robin. Il nous reste tout de même 2 heures de marche avant d'atteindre le premier point de sortie, et nous marchons d'un bon pas sur le chemin de 4x4 plutôt facile à parcourir.

Quand je marche sans m'arrêter, la douleur passe, et nous maintenons un bon rythme tandis que le chemin suit la rivière. J'ai un peu de mal à profiter de la vue...



Robin assure l'ambiance, et nous papotons bien tout en marchant, jusqu'à tomber sur un os : le chemin quitte les rives de la rivière pour s'enfoncer dans la foret, et nous tombons sur un large cours d'eau qui coule en direction de la Waitahu et nous barre la route, sans aucun moyen de passage. Nous fouillons les rives, la forêt, mais ne trouvons aucun pont de pierre ou de bois. Le feuillage des arbres avance beaucoup au-dessus de l'eau, nous coupant la vue vers l'amont ou l'aval, et nous rechignons à traverser à pied dans l'eau, d'autant que nous ne voyons aucune indication de l'autre côté qui indique que ce chemin est le bon. Ni balises, ni poteaux, ni panneaux. Nous avons du rater un embranchement.

Nous faisons demi-tour, pour découvrir un sentier qui rejoint les rives de la Waitahu River, larges et couvertes de galets et de gros rochers. Nous crapahutons dans la caillasse en suivant le cours d'eau, lorsque dans un banc de sable nous apercevons deux lignes de traces de pas, dans un seul sens. Léonore et Paco ont dû passer par là! Nous suivons les traces à bonne distance, elles disparaissent dans les galets, et nous nous retrouvons bientôt face à l'endroit où l'affluent qui nous bloquait la route se jette dans la Waitahu. Toujours aucun passage à l'horizon...

Nous nous résignons à traverser à pied dans l'eau. Malheureusement, de l'autre côté, impossible de retrouver le chemin, nous avons dû trop nous en éloigner en longeant la rivière. Ce n'est pas vraiment le moment de se paumer, et nous décidons de rebrousser chemin pour retourner sur la voie de 4x4 et traverser à pied. Trempés pour trempés...

Nous remontons la rivière, tentons une pause, mais une nuée de sandflies nous chasse sans pitié. Nous gardons le sourire, et éclatons même franchement de rire lorsque, repassant près du banc de sable de tout à l'heure et l'étudiant d'un peu plus près, nous nous apercevons que ce que nous avions pris pour les traces de Léonore et de Paco sont en fait des traces de biche ou de cerf... Des trappeurs pareils, il faudrait les encadrer!

Nous retournons finalement sur le chemin de 4x4 et ne nous embarrassons pas, traversant sans nous arrêter droit à travers le cours d'eau. Le problème de savoir si ce chemin est le bon se résout tout seul : de l'autre côté, après un virage, nous découvrons des traces de pas, humaines cette fois, ainsi qu'une balise orange qui aurait gagné à être placée au niveau de la traversée de la rivière, ce qui nous aurait épargné une bonne demi-heure de vaines recherches... Au moins, nous aurons bien rigolé.

Rien de spécial à dire sur la dernière heure de marche. Le chemin de 4x4 après la rivière paraît être toujours utilisé, plat et entretenu, et il se suit sans problème. Le décors que nous traversons devient totalement inintéressant, entre forêts d'arbres morts et clairières couvertes de terre battue. La balade devient carrément moche lorsque nous débouchons sur une route de bitume (de bitume?!) bordés de terrains vagues ou d'étendues agricoles... 

Nous compensons la perte d'intérêt visuel par de grandes discussions sur le voyage et nos projets de vie futurs, et finalement nous arrivons sans nous en apercevoir à la jonction entre le chemin qui rejoint le parking et celui qui quitte la boucle pour déboucher sur la route.

Arrivés sur celle-ci, il est près de 17h30, et je m'effondre sur le bas-côté, soulageant enfin mon pauvre genou qui a doublé de volume. Une demi-heure plus tard, nous entendons un bruit de moteur, l'équipe de secours arrive, et nous embarquons pour mettre le cap au nord et rentrer à la ferme tandis que la nuit tombe. 

Je boite, nous sommes tous trempés jusqu'aux genoux, la voiture s'emplit d'un délicat fumet de pieds moisis tandis que nous retirons nos chaussures couvertes de boue, et nous nous contons nos aventures respectives. Nous apprenons que pendant que nous nous paumions misérablement en suivant par erreur des traces d'animaux que nous prenions pour des traces de chaussures, Léonore et Paco étaient au prise avec un redoutable troupeau de vaches qui leur barrait le chemin jusqu'au parking...

Les jambes tirent, et nous sommes bien fatigués après cette intense journée : en comptant le petit créneau au sommet de la Kairwans Hill, c'est plus de 30 bornes que nous avons parcouru aujourd'hui!

Le chemin du retour est quand même bien animé, principalement occupé par une séance d'échange linguistique franco-espagnol, et nous arrivons à la ferme vers 21h.

Le Kairwans Track ne restera définitivement pas dans les annales de nos plus belles balades : en mettant de côté mon genou qui m'a bien gâché la moitie du trek, cet itinéraire ne nous a pas vraiment emballé. En dehors des belles vues qui s'offrent au regard depuis le refuge et le sommet de la colline, et de quelques sympathiques passages en forêt et en bord de rivière, le tracé n'arrive pas à la cheville de la plupart des balades que nous avons faites en Nouvelle Zélande. Ce n'était pas mauvais, c'est juste qu'il y a beaucoup, beaucoup mieux. Comme je le disais plus haut, le principal intérêt de ces deux jours de randonnée a plutôt résidé dans le fait que nous les avons partagés avec Robin et Paco, et que notre glorieuse équipe de randonneurs du dimanche s'est bien marrée d'un bout à l'autre!

En ce qui concerne mon genou, nous ne comprendrons jamais ce qui c'est passé : le lendemain de notre retour, mon articulation a complètement dégonflée et je peux marcher sans problème, et lorsque nous nous remettrons au travail, les montées et descentes successives sur l'échelle n'occasionneront qu'une petite tension en fin de journée. 

Car oui, après une semaine de repos, il est grand temps de se remettre au travail, et le surlendemain de notre retour, Bryan vient nous voir : les redoutables pink ladies sont prêtes. Nous les pickerons en deux passages. Le premier, comme souvent, est déprimant, pour les mêmes raisons que sur les autres variétés : couleurs difficile à cerner, pas assez de pommes mûres pour remplir une baignoire, etc... A tout cela s'ajoute les travers inhérents à la variété, et notamment son incroyable fragilité.

Mais l'ambiance de travail est tellement nimbée d'une saveur de fin de saison que nous n'avons plus qu'une envie : en finir. Nous travaillons d'arrache pied, pour terminer le plus rapidement possible.

Après deux jours, le premier picking est fini, et... Bryan nous annonce qu'il faut attendre une semaine supplémentaire avant le deuxième et dernier. Alors quand les vacances tombent entre deux longues périodes de travail, nous sommes contents. Mais là, nous savons qu'au sortir de cette semaine de congé qui intervient après seulement une journée et demi de boulot, seulement deux jours de travail nous attendent... Nous aurions préféré enchaîner le tout et achever ce satané picking une bonne fois pour toute. Nous avons le sentiment que la saison s'éternise, mais c'est ainsi.

En début de semaine, Brian et Tracey invitent toute l'équipe chez eux, au milieu des vergers, pour célébrer la fin de la saison avec une grande make-your-own-pizza party sur leur terrasse. L'occasion pour nous de passer un très bon moment tous ensemble, de rencontrer la famille de nos adorables patrons et de discuter voyage et projets.

Après quelques jours d'intense glandouille, Paco reçoit la visite de deux de ces amis, Marc et Gerard, et nous passons avec eux quelques formidables jours en forme de grande célébration finale. Car oui, Paco doit quitter la ferme avant la fin du picking : il s'envole pour la Thaïlande sous peu, et nous devons dire au-revoir à notre ami. Au-revoir seulement, car il prévoit de revenir en Nouvelle Zélande dans quelques mois après sa vadrouille asiatique, et nous le recroiserons surement. Une émouvante séparation, durant laquelle nous lui offrons notre jeu de tarot...

Le deuxième et dernier picking arrive. Une première journée passe. Le lendemain, nous terminons une rangée d'arbre, remplissant notre quatrième bin du jour, puis allons voir Marc, le conducteur du tracteur, pour lui demander où nous devons aller ensuite. Nous sommes le mardi 2 mai, il est midi, le ciel est bleu, les oiseaux chantent, et il nous répond par les mots que nous avons attendu pendant de nombreuses semaines : "that was your last bin guys!"

Nous levons les bras aux ciel en poussant un "youhouuuuu" retentissant, avant de jeter un regard où se mélangent haine et amour sur notre dernière caisse. Cette dernière bin si symbolique. Nous calculerons par la suite qu'il s'agit de la 368ème, probablement la dernière saleté de caisse de pommes de notre vie, encore que nous nous pensions la même chose à la fin du picking en Australie...

Robin a du mettre les voiles dans la matinée, pour partir faire un tour de l'île sud dans le campervan de Paco, que ce dernier lui a prêté jusqu'à son retour, et il est venu nous saluer dans les vergers. Lorsque nous rentrons chez nous, nous revoilà tous les trois, et notre maison communautaire est bien vide.

C'est officiel : l'apple picking est fini! L'heure est au bilan. Les lignes qui suivent peuvent vous intéresser si vous envisager ce travail O combien formidable et valorisant qu'est l'apple picking, et nous y apportons la réponse à la grande question : combien?

Combien de temps? Combien de caisses? Et surtout... Combien de dollars? Les chiffres que nous donnons ci-dessous sont valables pour Léonore et moi, qui pickions à deux.

La saison s'est donc étalée du 23 février au 2 mai, soit un peu plus de deux mois de travail. Nous avons eu en tout 2 semaines de vacances, plus quelques jours de congé éparpillés par-ci par-là ainsi que quelques journées ou demi-journées qui ont sautées à cause de la pluie. Au total, nous avons donc travaillé grosso-modo entre 40 et 50 jours sur ce laps de temps, à raison de 8 à 9h de travail pour une journée complète.

A nous deux, nous avons rempli 368 bins, ce qui représente une masse d'environ 129 tonnes de fruits (soit l'équivalent de 51 600 kiwis communs, ou encore de 99 opels vectra).

Comme dit plus haut, chaque bin nous a rapporté entre 28 et 36$ brut. A notre salaire hebdomadaire étaient directement retirés le montant des taxes (12.40%), et notre loyer (60$ par semaine et par personne). En plus du salaire net après taxe et loyer, nous avons gagné quelques centaines de dollars supplémentaires grâce à l'équivalent néo-zélandais des congés payés.

Après tout ça, au total et à deux toujours, nous avons rentré très exactement 10 120$ net durant cette saison de picking, soit, à l'heure où nous écrivons, 6505 euros.

Ramené à la journée, ceci représente entre 100 et 126$ net par jour et par personne.

Si on ajoute la somme que nous avons gagné durant le thinning, on arrive au total de 17 800$ (11 460 euros) net pour deux, après taxes et loyer.

Paf. Comme nous l'expliquions dans un précédent article, notre objectif durant notre working holiday visa néo-zélandais était de rassembler suffisamment d'argent pour rembourser les dépenses que nous avions faites sur notre compte français avant de nous mettre à travailler, acheter nos billets d'avion pour le Chili et couvrir tous nos frais en Nouvelle Zélande pour l'année, afin d'arriver en Amérique du Sud avec la somme que nous avions en quittant la France, à savoir 7000 euros.

A notre arrivée, en fonction de nos dépense prévisionnelles, nous avions calculé que, pour remplir cet objectif, nous devions gagner 15 000$ net. Après une seule recherche d'emploi qui aura durée deux jours, et alors qu'il nous reste encore plus de 5 mois dans le pays pour voir les choses venir, nous avons déjà explosé cet objectif de 2800$!

Du coup c'est bon, nous n'avons plus besoin de travailler... Ba en fait si. Car les estimations de nos dépenses moyennes mensuelles à l'origine se sont avérées grandement sous-évaluées en comparaison de la pratique, même en tenant compte du fait que nous avons dénicher des billets pour le Chili à un prix très inférieur à celui que nous avions prévu .

Nous étions partis de nos dépenses moyennes en Australie, à savoir environ 1000$ par mois pour deux. Sauf que le dollar néo-zélandais a quand même beaucoup moins de valeur que le dollar australien. De plus, nous avons eu pas mal de frais supplémentaires : nous avons acheté une voiture, qui en plus des gros frais supplémentaires de carburant nous aura coûté au final plus de 500$ en réparation. Les achats matos ont aussi crevé le plafond, entre la nouvelle tente et des nouvelles chaussures de marche pour tous les deux. Enfin, il faut dire que nous nous faisons beaucoup plus plaisir point de vue niveau de vie, en particulier pour l'alimentaire : fini le régime pâtes-nouille perpétuel qui était le nôtre au pays des kangourous, bonjour les légumes, les saucisses, la viande, le poisson, les petits plaisirs en tout genre. Non seulement nous ne nous laissons plus mourir de faim comme en Europe, mais en plus nous avons grandement rehaussé le niveau gastronomique en comparaison de l'Australie. On pourrait ajouter que le coût de la vie en Nouvelle Zélande est élevé, encore que la chose ne nous a pas vraiment choqué : les grandes marques et les produit frais coûtent en effet excessivement cher, mais les prix de l'alimentaire bas de gamme ne sont pas si élevés que ça du moment qu'on reste dans les produits de base.

Finalement, nos dépenses mensuelles moyennes se situent plutôt entre 1500 et 1800$ par mois pour deux.

Ainsi, lorsque le picking s'achève, les billets d'avion pour l'Amérique du Sud sont dans la poche, le compte en banque français est plein, et il nous reste 4000$ sur les 17 800 pour voyager. Nous avons donc, suivant nos nouvelles estimations, de quoi voir venir pour au minimum 2 mois et quelques avant de devoir nous remettre au travail. Nous pourrons revoir cette durée à la hausse en prenant en compte le montant des taxes que nous allons récupérer à la fin de l'année fiscale (je reviendrai là-dessus), la vente de la voiture qui va nous rapporter un petit quelque chose, et le fait que nous pouvons sans trop nous priver diminuer un peu nos dépenses, mais nous devrons quoi qu'il arrive retravailler si nous voulons tenir jusqu'en octobre sans toucher à notre compte français.

Dans l'absolu, nous pourrions faire tenir ces 4000$ jusqu'à la fin, mais cela nous demanderait de revenir à des standards de vie sur la route ultra-économes que nous n'avons pas forcément envie de retrouver. On se fait vieux...

Ce n'est pas plus mal. Il nous reste 5 mois à passer ici avant de décoller pour l'Amérique du Sud, et nous risquons de nous ennuyer au bout d'un moment. De plus, la somme de 7000 euros représente le minimum que nous nous sommes fixés. Plus d'argent nous permettrait de voyager plus longtemps, puis de rentrer en France avec quelques économies (oui, j'ai dis "rentrer en France"!).

Si seulement nous pouvions nous épargner le recherche d'un nouveau travail... Si seulement nous pouvions trouver un bon employeur, dans une bonne ferme... Mais, attendez...

Nous expliquons à Brian que nous désirons voyager un ou deux mois, et que nous voulons ensuite nous remettre au travail, il nous sourit, et promet de nous contacter s'il a quelque chose à nous proposer. Pour l'heure, il n'a plus besoin de nous : après le picking se déroule le pruning, c'est-à-dire la taille des arbres. Malheureusement, en ce qui concerne les pommiers, cette opération nécessite des compétences techniques et un savoir-faire professionnel que le petit voyageur lambda ne possède pas. En revanche, Brian nous annonce qu'il pourra peut-être nous proposer du travail vers juillet-août.

De notre côté, nous avons prévu de passer un ou deux jours à la ferme avant de nous remettre en route, afin de ranger la maison et de préparer la suite de nos vadrouilles. De longues vacances bien méritées nous attendent, et nous allons les remplir de toutes les balades que nous n'avons pas pu faire durant notre premier road-trip, en y ajoutant quelques autres que nous avons déniché pendant ces deux mois.

Deux mois. Deux mois passés à ramasser 129 tonnes de pommes. On le redit, mais pour franchir une saison de picking, il faut s'accrocher! Le boulot est dur, éreintant, tant physiquement que psychologiquement. Plus le temps passe, plus il devient difficile de se secouer pour continuer de remplir son sac un minimum rapidement, et même l'argent ne suffit parfois plus à faire remonter la motivation.

Ce n'est pas le plus beau travail du monde, c'est un fait, même si on peu lui trouver quelques avantages. Travailler en extérieur, dans les arbres et la verdure, souvent sous le soleil, et pas devant le tapis roulant d'une chaîne d'emballage ou d'une caisse de supermarché. Ou encore... Ba c'est tout en fait...

Et puis il y a le résultat, ce que permettent au final ces deux mois de picking : près de 18 000$ d'engrangés, plus de 11 000 euros, entre le thinning et le picking. Notre but était de ne pas nous retrouver dans la même situation qu'en Australie, où jusqu'au tout dernier mois de notre visa nous ne savions pas encore si nous allions pouvoir continuer notre voyage. Aujourd'hui, alors que nous avons à peine passé la moitié de notre working holiday (et oui, déjà!), les billets pour l'Amérique du Sud sont payés, la somme avec laquelle nous voulions y aller est mise de côté, et nous avons plusieurs mois de réserve pour continuer notre vadrouille néo-zélandaise et prendre notre temps pour trouver un nouveau job, sans pression ni urgence. On nous a souvent dit qu'il était difficile de faire des économies en Nouvelle Zélande, c'est pourtant ce que nous avons fait jusqu'à présent sans problème. Pour être honnête, nous avons rarement été aussi sereins depuis le début de notre voyage!

Finalement oui, le boulot est dur, oui les salaires sont inférieurs à ceux que nous touchions en Australie, mais le constat est le même : cela peut rapporter gros. Il faut juste se bouger.

Un taf pareil dans une mauvaise ferme avec une équipe de clampins aurait été infernal, mais comme je l'ai souvent dis, les à-côtés étaient formidables, nous avons rencontré grâce à ce travail des personnes qui resterons des amis chers, et nous avons passés de très bon moment avec eux tout en prenant du bon temps à côté du picking. Nous garderons longtemps en mémoire nos festins, nos heures de tarots, nos discussions interminables, nos soirées film et tout le reste, et nous avons d'ors et déjà prévu, avec Paco et Robin, de nous retrouver un de ces jours, ici ou ailleurs.

Quand aux conditions de travail, à la ferme, à Brian et à Tracey... Quand nous sommes arrives là en décembre dernier, nous nous sommes dis "c'est génial le travail en Nouvelle Zélande!". Des patrons adorables, arrangeants et patients, un boulot payé au rendement ET à l'heure, avec un salaire doublé pour les jour fériés, des arbres faciles à picker, la plupart du temps jeunes, pas trop grand et très bien taillés, une baraque entière et privée pour 60$ (environ 40 euros!) par personne et par semaine tout compris... Et puis nous avons discuté, pour nous rendre compte de notre chance : que ce soit Dave et sa femme, qui travaillent dans la pomme depuis 27 ans à travers tout le pays, Walter, qui dirige des fermes et supervise des équipes depuis presque 10 ans, ou Calen, qui a écumé tous les vergers du coin pendant des années, tout le monde a été catégorique : nous ne trouverons pas d'aussi bonnes conditions de travail dans une autre exploitation en Nouvelle Zélande. Au moins nous sommes prévenus...

Nous avons donc eu la chance de tomber dans ce qui est peut-être la meilleur ferme fruitière du pays, mais encore une fois nous l'avons cherché. La chance, ça se provoque, on le dira jamais assez.

Chance ou pas, tout ça constitue une preuve supplémentaire que l'argent pour voyager, ça se trouve et ça s'économise. Même en se faisant plaisir!