dimanche 13 décembre 2015

Le prodigieux site d'Angkor et le Temple de Preah Vihear : un grandiose voyage à travers 700 ans d'histoire khmer



Dernier article sur le Cambodge, et pas des moindres...

Nous y voilà. Par où commencer?

Je ne sais pas combien de milliers d'articles traitent des célèbrissimes temples d'Angkor au Cambodge parmis tous les sites de voyage créés depuis l'apparition d'internet, mais peu importe. En voici un de plus! Comme nous le disons souvent, chaque expérience est différente, et c'est à nous, aujourd'hui, d'apporter notre pierre à l'édifice.

Quand on évoque le Cambodge, absolument tout le monde connait au moins une chose : Angkor. Même en étant incapable de situer le pays sur une mappemonde, même en ignorant tout de son histoire, tout le monde a déjà au moins une fois entendu ce nom résonnant de mystères exotiques, de légendes et de grandeur.

Nous racontons souvent que la préparation de notre voyage a été très limité. L'une des seules idées à peu près certaines que nous avions à l'esprit était ''on s'en va''. Pour le reste en revanche...

Nous avions quand même, dans notre grande naïveté, certains noms de sites dans la tête, des noms tellement célèbres que malgré notre ignorance, nous connaissions, et sur lesquels nous n'avions pas à nous renseigner pour savoir que nous irions visiter les sites en question si d'aventure nos pas nous emmenaient dans les pays où ils se trouvent. Venise, Dubrovnik, l'Acropole, Istanbul, le Taj Mahal, la Baie d'Halong etc...

Bien sur, le complexe religieux d'Angkor faisait partie de cette courte liste, celle des inratables, des merveilles du monde, des gros poissons du patrimoine mondial, des sites à l'intérêt culturel, historique et/ou esthétique tellement incontestable que les rater tient du sacrilège.

Et nous y avons été. Nous avons foulé de nos pieds le plus fantastique parc archéologique d'Asie du sud-est.

Nous allons essayer de vous faire partager la chose grâce à ce récit, avec après ça en petit cadeau bonus une dernière visite très appréciable en dehors des sentiers battus au fin fond du nord cambodgien. Parce que évidemment, avec les sentiers, que dis-je, les routes d'Angkor, inutile de préciser que nous sommes dans le domaine du battu-laminé-fracassé au rouleau compresseur...

Mais commençons par le commencement. Nous venons de débarquer de notre pirogue à Otres Beach, Sihannoukville, après trois jours coupés du monde sur l'île de Koh Ta Kiev.


En route pour Siem Reap


Nous voilà les deux pieds dans le sable, chargeant nos sacs avant de rejoindre la route en terre d'Otres Beach. Avant toute chose, nous trouvons un bouiboui pour dévorer une omelette avec un morceau de pain en guise de petit dèj. Après trois jours de nouilles chinoises, des oeufs passés à la poêle ont des airs de repas gastronomique!

Bon, on arrête le papillonage, fini de rigoler, aujourd'hui nous avons un cap, et un gros. L'heure est venue d'aller visiter les temples d'Angkor.

Nous avons décidé de visiter le site par nous-même à vélo, moyen économique et très sympa. Le souci dont nous avons souvent entendu parler, c'est que la visite en indépendant sans guide est quand même beaucoup moins intéressante : les temples sont magnifiques, mais ce sont leur histoire et les légendes qui les entourent qui les rendent véritablement passionants. En furetant un peu à Otres, nous découvrons un vendeur de bouquins au rabais, et faisons l'acquisition pour une pincée de dollars d'un guide papier complet d'Angkor qui se chargera à merveille de nous renseigner et de nous guider parmis les centaines d'édifices. Ca c'est fait!

La plupart des explications que nous allons donner ici (pas trop non plus, ne vous inquiétez pas!) sont donc tirées du guide Angkor de Marilia Albanese, édité par National Geographic, en plus de nos découvertes sur place.

Le camp de base pour la visite du parc archéologique se trouve être la ville de Siem Reap, dans le nord-ouest, à une dizaine d'heures de route de Sihannoukville.

Nous fiant à nos précédentes expériences, nous passons par une agence pour acheter nos billets de bus. Le prix ne nous fait pas trop grincer des dents, même si ce n'est pas donné : 15$ par personne...

Le bon point, c'est que nous ferons la route de nuit, promesse d'un trajet rapide et reposant en bus couchette. Après avoir dormi 6 heures en trois nuits sur l'île à cause de la chaleur sous la tente, une couchette dans un bus équivaut dans mon esprit à la suite royale d'un palace 5 étoiles...

Notre bus part ce soir, et nous passons la journée à vagabonder entre la plage et la terrasse d'une petite gargotte qui propose de formidables cafés glacés à moins de 50 centimes, avant d'embarquer dans un mini-bus pour le centre-ville où nous attend le car. Une fois en route, nous nous endormons en l'espace de 5 minutes...


Du coup, Siem Reap?


Nous rouvrons les yeux au levé du soleil à la station de Siem reap. Nous sommes à 7 kilomètres du centre-ville, et aucune ligne de bus locale ne passe... Nous rencontrons une française et partageons avec elle la course en tuk-tuk, avec un chauffeur qui sitôt l'affaire conclue commence à nous angoisser avec son programme de visite des temples d'Angkor... Ce n'est vraiment pas le moment, d'autant que nous avons déjà décidé de notre moyen de locomotion pour les jours qui viennent, et nous gueulons un peu avant que le bougre marchand de tapis ne daigne enfin démarrer...

Nous arrivons bientôt au coeur de la ville. Alors Siem Reap, nous en avons tout entendu. Au dire de certains, c'est la ville la plus monstrueusement chère du pays. D'autres en revanche nous ont certifié qu'ils n'avaient jamais payé si peu cher pour dormir et manger au Cambodge... Nous allons voir!

A première vue, tandis que nous cherchons une chambre, nous sommes tentés de donner raison aux premiers : dans les trois premiers établissements que nous passons, il n'y a pas une chambre en-dessous de 10$, et les rues que nous traversons, écrasés de chaleur, ne sont qu'un enchaînement de jolies terrasses de bar bien proprettes et de restaurants aux spécialités occidentales. Le tout, en bord de rivière, est bien mignon mais ne s'adresse vraiment pas au genre de clientèle que nous représentons...

Un peu effrayé, nous changeons de quartier. Longeant le centre touristique, nous nous en éloignons un peu pour trouver un dédale de ruelles toujours très touristique, mais du genre qui nous correspond plus : les terrasses sont beaucoup plus miteuses, les rues beaucoup moins propres, les bars un peu plus glauques et les cambodgiens que nous croisons ne sont pas tous des serveurs. Les nombreux autres voyageurs qui déambulent aux alentours portent plus les dread locks et le sarouel que la chemise.

Nous trouvons enfin notre bonheur dans une petite pension familiale, à 8$ la chambre. Là encore, c'est plus que ce que nous espérions, mais compte tenu de l'endroit et de la période, il ne faut pas trop en demander...

Les à-côtés, en revanche, nous rassurent : tous les petits restos du coin proposent leurs plats les plus basiques, nouilles, riz, omelettes, à 1$. C'est un autre aspect étrange du développement touristique au Cambodge : nous ne sommes peut-être pas allés dans les bons coins, mais systématiquement les gargottes vraiment locales sont plus chères que les petits troquets qui accueillent une clientèle majoritairement composée de baroudeurs.

Pour ceux que ça intéresse, le quartier se trouve à l'ouest du centre touristique, autour de la Sok San road. Plus vous vous éloignez, plus les prix baissent!

Au final, nous avons trouvé que le coût de la vie à Siem Reap dépend de ce que vous cherchez. De notre côté, en very low budget, les prix pratiqués ne nous ont pas paru excessifs, mais peut-être que les hôtels/restos moyens et hauts de gamme sont plus chers que leurs équivalents dans le reste du pays. Bref.

Nous finissons la journée en repérage, trouvons un coin où louer des vélos à 1$ par jour, écumons les bureaux de change pour trouver les meilleurs taux... Les habituels quoi.

Du temps que nous y sommes, je voulais revenir sur le particulier système monétaire cambodgien. Nous vous avions déjà expliqué que les dollars sont autant utilisés que les riels, la monnaie officielle. Cet état de fait devrait changer dans les années qui viennent, le dynamisme économique du pays ayant permis d'envisager une transition imminente vers la monnaie nationale unique, mais pour le moment, comment ça se passe?

Et bien nous tournons en tout sur pas moins de 4 monnaies depuis que nous sommes dans le pays : les dollars américains et les riels pour payer nos achats, nos dollars australiens que nous échangeons contre l'un et l'autre, et les euros de nos comptes en banques que nous retirons en dollars US au distributeur...

Globalement, pour régler les petites dépenses, entre 1 et 9$, nous utilisons les riels cambodgiennes. Ce choix n'est pas hasardeux : un dollars américain vaut environ 4150 riels. Mais si vous souhaitez régler un achat à 1$ en riels, on ne vous en demandera que 4000. Suivant le taux du jour, on économise ainsi techniquement entre 50 et 200 riels par tranche de 1$ réglée dans la monnaie du pays grâce à cette arrondit à 4000.

En revanche, nous nous sommes aperçus que pour des montants supérieurs à 10$, l'arrondit sur la somme en riels passe au millier supérieur. Nous utilisons donc des dollars américains pour payer ce genre de dépense.

C'est un coup de main à prendre, et beaucoup de temps passé à developper ses compétences de calcul mental! Fin de la parenthèse.

Une dernière chose avant d'attaquer : il faut savoir que nous avons étalé nos jours de visite sur une semaine, mais par souci de clarté nous en parlerons en une seule fois, avant de passer sur le déroulement des autres jours.


Angkor

 
Au matin, c'est parti pour les temples. Nous louons deux vélos à 1$, et nous mettons en route pour les 10 kilomètres qui nous séparent du parc, au nord du centre-ville. A mi-chemin, un premier arrêt aux guichets noirs de monde pour acheter nos passes. A noter que trois type de billets sont disponibles : un passe d'une journée pour 20$, de trois jours valables une semaine (vous pouvez répartir vos trois jours comme vous le désirez sur une semaine) pour 40$, et un passe d'une semaine valable un mois pour 60$. De notre côté, nous prenons le passe 3 jours.

Un petit coup de poinçon, quelques coups de pédales, et nous voilà dans le parc d'Angkor.

Avant de poursuivre, vous ne couperez pas à quelques lignes de contextualisation historique. Un site de cet envergure, forcément, ça ne se construit pas en un jour, et le symbolisme d'Angkor s'inscrit dans l'histoire longue et complexe d'un des plus grands et prospères empires de l'histoire d'Asie.

L'Empire Khmer prend sa source au 5è siècle, à travers la montée en puissance des premiers royaumes khmers, qui établirent leur première principauté au nord du lac de Tonle Sap, dans l'actuel Cambodge.

Entre le 5è et le 9è siècle, les différents souverains khmers étendirent leur territoire, transformant le royaume en empire, et déplaçant sa capitale à de multiples reprises.

La fin du 9è siècle marque le début de l'âge d'or de l'empire. La capitale est fixée dans la région d'Angkor, et l'art angkorien s'y épanouit grâce à une série de grands souverains bâtisseurs. Belliqueux et expansionnistes, ces grands rois se lancèrent également dans les conquêtes.

Cette âge d'or va durer plus de quatre siècles. A son apogée, à la fin du 12è siècle, l'Empire Khmer règne sur un territoire comprenant le Cambodge, une grande partie de la Thaïlande, de la Malaisie et du Vietnam, ainsi que la quasi-totalité du Laos actuel.

En parallèle, la cité d'Angkor, capitale de l'empire, connait une croissance et une évolution architecturale qui font passer le Londre ou le Paris de l'époque pour de minuscules villages campagnards...

Si aujourd'hui ne subsiste de cette cité que quelques temples (et par ''quelques'' j'entends plusieurs centaines!) et bassins qui luttent désespérément contre une jungle qui reprend ses droits, il faut savoir qu'au sommet de sa puissance, Angkor était une ville immense de près d'un million d'habitants, couvrant une superficie de 1000 kilomètres carrés. Il faut imaginer un gigantesque échiquier de bassins reliés par un formidable système hydraulique de canaux, entourant des milliers de temples (environ 3000 à l'époque!), de marchés, d'habitations, de rues encombrées de charrettes, de commercants, d'habitants.

La formidable patte architecturale des temples d'Angkor qui sont arrivés jusqu'à nous doit sa magnificence et sa complexité en partie à la succession d'influences religieuses, tantôt hindoues, tantôt bouddhistes, qui a marqué l'histoire de l'Empire.

Aujourd'hui, le parc archéologique d'Angkor, classé au patrimoine mondial en 1992, accueille environs un millions de visiteurs par an dans une enceinte de 400 kilomètres carrés abritant plus de 200 monuments et près de 600 sites archéologiques...

Démesuré, c'est le mot. Et lorsqu'on voit ce que ça donne aujourd'hui, on peine à imaginer ce que ça devait être au 12è siècle!

Histoire d'éviter les répétitions, passons tout de suite sur nos impressions positives (nous parlerons du reste au fur et à mesure...) : le site et sa visite sont absolument grandioses, gigantesques, formidables, et tout ce qui va avec. Ils brossent plusieurs siècles d'histoire à travers des édifices souvent immenses, fantastiques, fourmillant de détails historiques et visuels, de bas-reliefs, de sculptures, de statues, de colonnes, le tout au milieu de la forêt et souvent dévoré par la végétation qui ajoute alors une touche ''temple abandonné'' mystique incroyable.

Arrêtons là avec les superlatifs, en bref, globalement, nous avons adoré. Cela vaut le prix, cela vaut le déplacement, et cela vaut les quelques désagréments dont nous parlerons plus tard. Angkor, ça envoie le pâté de campagne aux morilles et à l'armagnac.

Nous avons trouvé que trois jours étaient suffisants pour ne pas se retrouver, sans prendre de plaisir, dans l'optique du listing ''ça s'est fait'', mais nécessaires pour faire le tour du principal et de tous les édifices secondaires intéressants, et le vélo s'est avéré être un parfait moyen de locomotion. A savoir que vous pouvez également prendre un tuk-tuk à la journée depuis Siem Reap pour environ 15$ sans trop négocier.

Bon bon bon. Il est temps d'attaquer. Massez vous les yeux, nettoyez les verres de vos lunettes, préparez le collyre, et plongez avec nous dans Angkor. Bonne visite!


Premier jour


Nous arrivons dans le parc par le sud et sa grosse route goudronnée, longeant de larges douves, pour atteindre le chef-d'oeuvre et le plus célèbre monument du site : Angkor Wat



Comme nous nous y attendions, il y a foule. Des voyageurs, des touristes de tout âge, mais surtout des hordes de groupes de chinois déversés par des dizaines de bus... Ca, nous le savions, et nous rejoignons le temple sans y penser par une grande allée de pierre.



Angkor Wat a été édifié par le roi Suryavarman II qui régna entre 1113 et 1150. Nous sommes donc en plein âge d'or de l'empire. Temple dédié à l'origine au dieu Vishnu, il fut converti en Wat, c'est-à-dire en monastère, lorsque le bouddhisme fut proclamé religion officielle au 13è siècle.

Cette immense complexe de 200 hectares renfermait à son apogée quelques 2000 personnes!




















L'une des galeries abrite une formidable série de bas-reliefs représentant des scènes du Mahabarata et du Ramayana, les deux grandes épopées indiennes, ainsi que des passages de la vie de Vishnu et du roi Suryavarnam.








Nous mettons ensuite le cap vers le nord, pour entrer dans l'enceinte d'Angkor Tom, le coeur de la ville, qui accueillait en ses murs la cour du roi, les prêtres, les haut fonctionnaires et les bureaucrates. Nous visiterons ce complexe plus tard, pour le moment nous ne faisons que passer ses monumentales portes de 23 mètres de haut, gardées par deux rangées de devas et d'azuras, les anges et les démons de la mythologie indienne.












Nous traversons le complexe d'Angkor Tom en essayant de ne pas trop poser les yeux sur les merveilles qui nous entourent pour rejoindre Preah Khan, un autre des plus grands temples du site.

Les routes d'Angkor sont effarantes : tout est goudronné, c'est véritablement un parc touristique complètement aménagé que nous parcourons. Avec l'affluence, nous avons l'impression de rouler en ville, au milieu de dizaines de tuk-tuks, de mini-bus et de cars.

Preah Khan, au nord d'Angkor Tom, a été construit à partir de 1184. Lieu bouddhiste, le temple abrite également des sanctuaires dédiés à des divinités hindoues, à des génies animistes locaux et aux esprits des ancêtres. Immense, l'édifice était une petite ville à part entière, autour de laquelle gravitaient près de 100000 personnes.

Consacré à Dharanindravarnam, le père du roi Jayavarnam VII, le temple était aussi un lieu d'enseignement célèbre. Nous passerons plusieurs heures dans le formidable Preah Khan, beaucoup plus calme qu'Angkor Wat.






















 


















Nous pique-niquons les délicieux sandwichs maquereaux à la tomate-pain de mie que nous confectionnons avec amour face aux Prasats du Khleang, sorte d'entrepôt servant aussi de lieu de résidence pour les hôtes de marque, et nous enchaînons.





Nous partons cette fois à l'est d'Angkor Tom, pour le temple Chau Say Tevoda. En comparaison des deux monstres que nous avons visité ce matin, celui-ci est minuscule!

Ce temple, édifié par Suryavarnam II, comporte nombres de bas-reliefs évoquant des scènes du Ramayana.






En face se dresse le Thommanon, dont l'architecture situe la construction vers la fin du 6è siècle ou le début du 7è.




Nous continuons notre folle pédalade vers l'est. Les routes goudronnées sont plates, et bien que nous aurions préféré parcourir des chemins de terre, il s'avère que rouler sur une route plate et régulière ne fatigue pas trop!

Nous arrivons au temple Ta Keo, grande pyramide rectangulaire dont la construction a débuté en 985. La vue du sommet est bien sympa.






Nous finirons là-dessus pour aujourd'hui. Et c'est déjà pas mal! L'immensité du site est impressionnante, et en comptant le retour à Siem Reap, c'est près de 40 kilomètres en vélo que nous avons effectué dans la journée!

Le retour est marqué par une triste et ahurissante surprise qui illustre bien l'étendue de la fréquentation du site : sur la route, nous voulons nous arrêter au temple de Phnom Bakheng, édifié au sommet de la colline du même nom en face d'Angkor Wat, où il est possible de profiter d'un point de vue réputé imprenable sur le coucher du soleil.



Sauf que sur place, c'est woodstock. Des centaines de cars et de minibus déversent un énorme et continu fleuve de touristes arborant des T-shirt aux couleurs de leur groupe et se lançant dans l'ascension de la colline pour le coucher du soleil. Nous ne savons depuis combien de temps la marée a commencé, mais nous nous asseyons, abasourdis, les yeux écarquillés devant ce... truc. Pendant près de 30 minutes, le flot s'écoule, ininterrompu, et il n'est pas encore tarit quand, dégoutés, nous décidons de zapper le temple et que nous partons. A vue de nez, nous avons du voir passer plus de 500 personnes, principalement des groupes asiatiques. Effarant. Sur notre guide, nous constatons que la colline est en plus toute petite! Comment peut-on prendre un quelconque plaisir à aller s'entasser par centaines quelque part, quel que soit ce qu'il y a à y voir? C'est sans doute la plus extraordinaire démonstration de tourisme de masse que nous ayons eu l'occasion d'observer depuis que nous sommes partis, et nous n'en revenons pas. Enfin bon...

Maigre consolation qui n'en est pas vraiment une, il s'avère qu'il est possible de grimper la colline à dos d'éléphant, et le pauvre pachyderme arrive au moment où nous partons.



Deuxième jour


Nous nous levons avant le soleil pour notre deuxième journée à Angkor, histoire d'aller admirer le bougre se lever au-dessus d'Angkor Wat.

Le spectacle vaut bien quelques cernes!



Aujourd'hui, nous continuons notre vadrouille du coeur du site.

Nous commençons par Phnom Bakheng, que nous avions décidé de zapper la dernière fois. Fait notable, le coin est presque totalement désert au petit matin! En revanche, nous n'imaginons même pas ce que devait donner le rassemblement d'un bon millier de touristes chinois dans les quelques 2 ou 3 kilomètres carrés du temple!




Nous nous lançons ensuite dans l'exploration du grand complexe d'Angkor Thom, à commencer par le Bayon, l'édifice le plus complexe de tout le site, et l'un de ceux que nous avons préféré. Le Bayon, pur exemple du génie architectural khmer, mélangeant symboles hindous et bouddhiste, a été construit dans le courant du treizième siècle.

En plus de bas-reliefs très détaillés présentant scènes de vie, souverains et divinités, le dernier grand temple-montagne d'Ankor comporte aussi des dizaines de gopuras et de prasats (tours), chacun sculptés de quatre imposants visages représentant le Buddharaja, le bouddha-monarque. Chaque visage est tourné vers l'un des quatres points cardinaux, protégeant l'empire khmer de son regard bienveillant, et l'ensemble forme une véritable forêt de têtes souriantes quand on observe le temple depuis l'extérieur.














Nous continuons vers le nord d'Angkor Thom pour rejoindre le palais royal, véritable complexe dans le complexe. Quand on vous dit que c'est vaste cette histoire!

Nous commençons par le Baphuon, achevé vers 1060, qui constituait le centre de la capitale sous Udayadityavarman II. Cet immense temple-montagne finit par s'écrouler peu de temps après sa construction... Les architectes khmers avaient eu les yeux plus grands que leurs compétences de bâtisseurs!

























Nous poursuivons par la visite de divers édifices du complexe, tel que le Phimeanakas...



...Et le temple de Preah Palilay perdu dans la jungle.












Nous atteignons ensuite la terrasse du Roi Lépreux. Sous ce charmant nom faisant référence à Yama, le dieu des morts, se cache... Ba oui une terrasse, évidemment une terrasse!

Ce n'est pas tant la terrasse que les murs qui la soutiennent qui sont intéressant. Ces derniers sont couvert d'immenses frises de bas-reliefs représentant plusieurs niveaux de divinités et de créatures mythologiques.







Au sud, nous découvrons la terrasse des éléphants, conçue pour les parades et les défilés de la cour.




Nous quittons ensuite Angkor Thom et tirons un peu plus loin  vers l'est pour rejoindre le Ta Prohm, temple consacré en 1186 à Brahma, le dieu créateur de la Trimurti hindoue, et à la mère du roi.

Nous nous apercevons vite que le site attire les foules, mais nous ne nous inquiétons pas trop. Jusqu'ici, nous avons réussi sans trop de mal à faire abstraction des foules, et un bon nombre des édifices secondaires que nous avons visiter se sont même permis de nous offrir des endroits presque déserts.

Cette fois pourtant, c'est différent...

Les choses s'annoncent bien au début, tandis que nous faisons le tour de l'enceinte intérieur. Le Ta Prohm a volontairement été laissé à l'étreinte de la jungle, et de grands arbres aux troncs tentaculaires poussent sur les ruines, tandis que la mousse et la végétation envahissent la moindre interstice, conférant à l'ensemble un côté sauvage et abandonné mystique très sympa.







Et puis nous pénétrons à l'intérieur de l'enceinte, et c'est le drame. C'est joli, labyrinthique, très étroit... et noooiiir de monde!

Nous nous retrouvons complètement bloqués entre un groupe de retraités québécois et une énième horde de chinois, l'un comme l'autre immobile mais très bruyant. Nous ne tenons pas, et prenons la fuite en nous faufilant à travers la foule et la forêt de perches à smartphones, tombant quand même au passage sur quelques coins un peu plus tranquilles dans les tréfonds du temple.






Nous partons en vitesse, zappant une bonne partie de la visite. Non parce que bon, le site attire du monde, beaucoup de monde, nous le savions, mais il y a des limites, quelque soit sa beauté.

L'après-midi touche à sa fin, nous vadrouillons depuis 5h du matin, mais nous ne pouvons pas terminer la journée sur une si mauvaise impression. Nous décidons de passer un dernier temple avant de rentrer nous poser.

Nous rejoignons le Banteay Kdei, et oh joie, l'endroit est beaucoup plus tranquille.

Ce temple, édifié en 1181 et dédié à Bouddha, servait probablement de logement pour les moines.




























Nous rentrons ensuite, exténués, le derrière endolori par cette nouvelle journée de plusieurs dizaines de kilomètres à vélo sous le cagnard.


Troisième jour


Dernière journée de visite à Angkor. Reprenant nos fidèles montures, nous nous lançons dans la grande boucle, un long trajet suivant la bordure du parc.

Nous attaquons la boucle au niveau du Banteay Kdei, où nous nous étions arrêtés la dernière fois, pour passer voir le Srah Srang, l'un des immenses bassins qui jalonnent tout le site. Conçu vraisemblablement au 5è siècle, il servait probablement d'annexe à un temple aujourd'hui disparu.

Les quais du bassin en cours de restauration


Et on pédale et on pédale... Nous rejoignons le Pre Rup, un chef-d'oeuvre du style temple-montagne pyramidal, consacré en 961 et dédié à Shiva.

Son nom actuel, signifiant grosso-modo ''tourner le cadavre'', fait référence au sarcophage qui se serait trouvé à l'entrée du temple, où était réalisé un rituel funéraire très particulier : le corps du défunt était brûlé, puis les prêtres reconstituaient une forme humaine avec les cendres du cadavre, en la tournant dans différentes directions.























Nous poursuivons notre tour (punaise qu'il fait chaud!) par le Mebon Oriental, également consacré à Shiva, construit en 952. Nous y voyons notamment de splendides éléphants monolythiques!






Nous atteignons ensuite Ta Som, temple érigé au 12è siècle, de dimensions réduites et surtout presque totalement désert! L'édifice est assimilé par certains spécialistes au Gaurashrigajaratna, qui peut se traduire par ''le bijou de l'éléphant blanc heureux'' (ils sont fous ces khmers!), un lieu où siégeaient 84 divinités du panthéon hindou.








Il y a trop de trucs à voir ici... Nous enchaînons avec le Neak Pean, un des monuments les plus significatif d'Angkor. Chose originale, l'édifice se trouve sur une île au milieu d'un immense bassin artificiel, que l'on rejoint par un grand chemin de planche.



Pour certain, le Neak Pean figurerait Anavatapta, le lac légendaire de l'Himalaya, où se baignaient les êtres divins et d'où ont jailli les quatre grands fleuves de l'Inde.



Non, on ne se lasse pas des temples! Nous roulons encore et encore, jusqu'au Krol Ko, construit sous Jayavarman VII, dont le nom actuel signifie ''enclot des boeufs''. A nouveau, personne ne nous dérange pendant que nous explorons les ruines!




Et... Non, ce n'est pas terminé! Et puis quoi encore? Nous arrivons ensuite au Prasat Prei, le sanctuaire de la forêt, érigé lui aussi sous Jayavarman VII, et lui aussi merveilleusement abandonné par les hordes de visiteurs, tout comme le Banteay Prei tout proche, la citadelle dans la forêt.





















Paf. Là c'est terminé. Nous ressentons une pointe de tristesse lorsque nous enfourchons nos vélos pour la dernière fois. Nous avons achevé notre visite des temples d'Angkor. Comme nous l'avons dit, c'était vraiment quelque chose, et à nouveau les photos ne rendent pas honneur à la majesté du lieu.

Nous avons déjà parlé de nos impressions positives, qu'en est-il des points négatifs de ces trois intenses jours d'exploration, d'histoire et de kilomètres parcourus? Tout le monde l'aura déjà deviné : l'affluence de visiteurs est le gros point noir. Nous disons souvent qu'éviter un endroit magnifique pour la seule raison qu'il attire les foules est absurde, mais à Angkor, même si la plupart du temps nous avons fait abstraction des hordes de visiteurs sans trop de problèmes, il y a eu quelques courts moments où le désagrément a commencé à attaquer sérieusement le plaisir de la visite, et c'est une grande première en ce qui nous concerne. C'est dire l'ampleur de la fréquentation du site! La seule autre expérience plus où moins équivalente, mais tout de même moins violente, que nous avons vécu durant le voyage s'est déroulée à l'intérieur du Taj Mahal en Inde, où nous avions du nous extraire difficilement d'une foule compacte pour fuir la zone.

Angkor possède aussi un déstabilisant côté ville touristique-parc d'attraction, avec ses routes goudronnées et sa circulation d'enfer.

Encore une fois, le site vaut bien d'affronter tout ça, et il est même possible de trouver des temples complètement abandonnés. Le parc d'Angkor rejoint donc définitivement Persépolis, Hampi (qu'il rappelle d'ailleurs beaucoup!) et le Qtub Minar au panthéon des sites archéologiques qui nous ont vraiment tapé dans l'oeil.


Et à côté?


Comme nous l'avons dit, nous avons étalé ces trois jours de visite sur une semaine en les séparant à chaque fois d'un ou deux jours de repos.

Que fait-on durant ces journées? Et bien, fidèles à nos aspirations du moment, pas grand-chose! Beaucoup de blogging évidemment, mais aussi pas mal de glandouille et de soirées films!

Le fait est que Siem Reap, comme Phnom Penh et la côte, comme tous les spots que nous avons visité au Cambodge en fait, est une ville très particulière. Et cette fois-ci, c'est de la façon que nous n'aimons pas du tout, ce qui ne nous encourage pas tellement à mettre le nez dehors...

Nous nous sommes éloignés du centre car nous avions eu vent de sa réputation de temple de la débauche (dont la rue principale porte tout de même le nom de ''Pub Street''...), mais même dans notre ruelle reculée, la fête bat son plein tous les jours, toute la nuit, du coucher au lever du soleil. Cela se traduit par de véritables murs de son à la terrasse de chaque bar, qui crachent les tubes technos dégueulasses que nous passions dans les booms de colos il y a trois ans pour nos ados...

La bière et la vodka coulent à flot, ingurgitées massivement par des groupes de djeun's voyageurs aux débardeurs vert-jaune-rouges (quand ils ne sont pas torse-nu) arborant fièrement un symbole ''Om'' hindou tatoué sur le biceps, qui se mettent la mine à n'en plus finir en provoquant un bordel incommensurable pendant toute la nuit...

Décidément, au Cambodge, ces ''pseudos-routards qui fréquentes les mêmes hôtels [...], ces consommateurs d'aventure et autres hippies de contrefaçons qui traversent la vie comme les rayons d'un grand magasin'', pour citer l'éditeur de William Sutcliff dans le résumé de son livre Vacances Indiennes, sont partout...

Jusque sous nos fenêtres... Nous nous sommes fais à l'idée qu'au Cambodge, pour bien dormir, il faut s'exiler. Tous les coins intéressants qui attirent du monde sont transformés en paradis du fêtard hardcore. Siem Reap ne déroge pas à la règle, et à nouveau, nos nuits sont courtes...

Loin de nous l'envie de vouloir jouer les vieux cons, c'est même le contraire, mais mince, il y a des limites à la bringue, et nous sommes depuis toujours de fervents militants du tourisme responsable. Ici, il suffit de voir le regard perplexe des habitants devant les hordes d'occidentaux déchirés à moitié à poil, vociférant des chansons paillardes à 3 plombes du mat...

Le fait est que l'Asie du sud-est propose à l'occidental, souvent fatigué de son monde pseudo-sécuritaire trop carré enfermé dans les règles et les lois restrictives, un univers très attirant de plaisirs interdits poussés à leur paroxysme, et qu'un étranger bourré, ça ne regarde pas à la dépense. Ainsi, Siem Reap a pris la même direction que Phnom Penh : fournir à ceux que le tourbillon asiatique débridé et ses excès ont emporté les moyens de dépenser un maximum pour assouvir leurs envies de débauche exotique dans une partie du monde où tout est possible, du moment qu'on y met le prix. Cela passe par l'alcool, la drogue et les filles en quantités massives. Et la défiguration d'un endroit que tout cela entraîne.

Nous passons, un soir, dans la fameuse Pub Street. L'endroit est hallucinant. On change littéralement de pays quand on rentre dans cette enchaînement ininterrompu de bars et de clubs qui rivalisent de niveau sonore, de part et d'autre d'une grande rue éblouissante de néons multicolores et clignotants. Il n'y a aucun endroit où on s'entend parler, les chauffeurs de tuk-tuk et les jeunes filles à la quantité de maquillage inversement proportionnelle à la surface de leurs vêtements s'alignent par dizaines le long des trottoirs, guettant la proie titubante qui leur fera gagner leur soirée. Ce n'est pas un autre pays en fait, c'est une autre planète.

Bref, c'est spécial... Histoire d'apporter un peu de nuance à tout ça, il faut préciser que nous ne sommes pas vraiment au bon endroit, ni au bon moment. Nous avons lu beaucoup d'histoires de voyageurs qui certifiaient que la campagne autour de Siem Reap était un paradis de calme, de verdure et d'authenticité.

Pour en revenir à notre soirée dans la Pub Street, une question se pose : que faisons-nous là? Et bien cela fait maintenant plusieurs semaines, et même plusieurs mois, que nous attendons impatiemment de pouvoir enfin goûter des insectes! Hors il parait que le centre touristique de Siem Reap est rempli de vendeurs de sauterelles et autre vers juteux.

Après quelques errances à observer, les yeux écarquillés, l'atmosphère effarante dont nous avons parlé plus haut, nous tombons enfin sur un vendeur ambulant et son étal de bestioles. Nous y achetons un petit assortiment : des grillons frits, un serpent et une mygale, que nous nous empressons d'aller goûter au calme sur les berges de la rivière.












Tout excités, nous croquons... Et non d'un chou, c'est bon! Les grillons en tout cas, croustillants et savoureux. Le serpent a bon goût (effectivement, ça rappelle la volaille), mais il a du rester un peu trop longtemps sur l'étal et est un peu sec et coriace. Quant à la mygale, je goûte une patte mais n'apprécie pas, contrairement à Léonore qui dévore l'intégralité de la bestiole, abdomen compris!

Nous validons l'expérience, c'est une chose à refaire!


Le Temple de Preah Vihear


Nous profitons aussi des journées que nous ne passons pas sur nos vélos à sillonner Angkor pour préparer aussi la suite. Et c'est un peu épineux. Au Cambodge, on se marre bien, on passe de bons moments, mais la pleine saison et la configuration des lieux que nous avons visité, systématiquement et n'importe comment orientée sur le tourisme, commencent à nous lasser. Et la Thaïlande, maintenant toute proche, nous attire irrésistiblement : après tous les avis contradictoires que nous en eu, nous voulons y aller, ne serait-ce que pour voir!

Nous prévoyions plusieurs arrêts au Cambodge avant de quitter le pays, nous décidons finalement de n'en faire qu'un avant de rejoindre Bangkok en Thaïlande. Reste à savoir lequel...

Nous envisageons le lac de Tonle Sap, mais tous les avis que nous recueillons dessus sont unanimes : arnaque, machine à pognon touristique, plus aucun intérêt. Sans vouloir nous baser sur les on-dits, cette fois nous voulons quelque chose de vraiment différent.

C'est là que nous nous souvenons des discussions que nous avions eu avec les deux françaises que nous avions rencontré à Kampot, à propos d'un mini-Angkor situé dans une ancienne zone de combat au nord de Siem Reap, abandonnée des touristes et magnifique, le temple de Preah Vihear...

Après quelques recherches, la chose titille de plus en plus notre curiosité : le Cambodge et la Thaïlande ce sont disputés jusqu'en 2008 le temple en question, situé quasiment sur la frontière Thaï. De grosses tensions frontalières ont agité la région pendant des années, débouchant parfois sur des affrontements armés pour la possession du temple. Après 2008, la zone demeura risquée pour les visiteurs, des affrontements éclatant régulièrement jusqu'en 2013, et ce n'est que tout récemment que le calme est complètement revenu. Ce contexte particulier fait que le Preah Vihear, bien qu'apparemment grandiose, n'a pas encore été envahi par le tourisme.

Bref, ça sent la digne conclusion hors des sentiers battus pour un voyage cambodgien définitivement atypique. C'est décidé!

Reste à nous rendre sur place... Et là, ça devient coton : zone militarisée oblige, l'accès au bouzin n'est pas des plus évidents, et les avis que nous recueillons sur la toile ne nous aident pas des masses. Visiblement, les rares visiteurs du Preah Vihear le rejoignent systématiquement via un tour organisé depuis Siem Reap... Ok, nous prenons déjà nos tickets de bus dans des agences, mais il ne faut pas pousser le bouchon trop loin non plus. Un tour organisé, et puis quoi encore? Nous nous débrouillerons. Il est apparemment possible d'attraper un bus pour Preah Vihear City, la ville la plus proche du temple. Et quand je dis proche, je veux dire 100 bornes. Il faut ensuite trouver quelqu'un sur place pour les parcourir, aucun bus ne circulant entre la ville et le site. Elle s'annonce marrante cette histoire...

Nous passons de longs moments à écumer les agences du coin. Une première fois pour nous apercevoir qu'effectivement, la plupart ne proposent que des tours tout organisé pour le temple, à des prix énormes, de 50 à...140$ par personne!

Et une deuxième fois pour trouver avant tout les agences qui vendent le billet de bus simple à destination de Preah Vihear city, puis celle qui nous le fera au meilleur prix. La veille du départ, après des heures de prospection, de comparaisons, et de haussement de sourcils (juste le bus? Z'êtes sûr?), nous négocions finalement un ticket de bus à 8$. Une chose de faite. Nous ne savons pas combien coûte l'entrée du temple, ni comment nous pourrons rejoindre la Thaïlande depuis ce trou paumé au fin fond du nord-ouest cambodgien. Nous verrons la suite au fur et à mesure.

Au matin, nous nous pointons au lieu de rendez-vous à 7h, pour un départ prévu à 7h30. A 8h, tandis que nous commençons doucement à nous demander si on ne nous a pas oublié, chose plus que probable dans ces contrées, un homme arrive à l'agence et nous invite à le suivre à travers les rues du centre. Il nous conduit jusqu'à un mini-bus, et c'est parti pour trois heures de route! ''Bo pe niang'' résonne dans nos têtes...

Nous débarquons à Preah Vihear pour découvrir une petite ville qui sonne déjà plus cambodgienne que les coins que nous avons traversé jusqu'à maintenant : fini les avenues immaculées, les bars éblouissants et les restaurants occidentaux, la rue principale poussiéreuse et animée n'est bordée que de gargottes, d'étals de rue, de magasins-marchés et de petits immeubles délabrés. L'anglais a disparu du tableau, et nous sommes les seuls étrangers à l'horizon.

Un seul et unique conducteur de moto-taxi vient nous voir pour nous proposer une course vers le temple. Nous n'avons pas vraiment le choix.

Et notre homme nous annonce son prix. Et nous manquons d'éclater de rire. 50$? Sérieusement? Nous ne répondons même pas jusqu'à ce que notre ami commence à descendre ses tarifs. Si nous n'avons pas le choix, il faut dire que lui non plus : nous sommes les seuls clients potentiels du coin!

Après une négociation tout en subtilité et pas si longue que ça, nous obtenons le 50% : l'aller-retour au temple en mobylette avec en bonus deux heures sur place à 25$ pour deux. En prime, le gars nous trouve même une chambre à 5$ dans le coin.

Nous partirons demain matin. Nous profitons de la fin de journée pour découvrir comment partir d'ici et rejoindre Bangkok, grâce à notre futur chauffeur décidément bien sympathique. Presque personne ne parle anglais dans le coin, et il nous emmène voir l'une de ses connaissances avec qui nous pouvons discuter. Déjà, nous sommes marrons pour aller directement à Bangkok en partant d'ici, il faut repasser par Siem Reap. Ensuite, le dernier bus pour Siem Reap passe à 13h, et même en partant tôt notre homme nous assure que nous ne serons pas encore rentrés du temple. Il nous explique que nous devrons retourner à Siem Reap en taxi... D'accord l'ami, on le connait le coup du ''pas de bus prends mon taxi!''. Et puis en fait non, nous nous apercevons que le gars est sincère quand il nous annonce le prix normal des taxis pour Siem Reap, à savoir 6$. C'est vrai que les taxis communs sont moins chers que les bus au Cambodge!

Un péplum, cette mission Preah Vihear...

Au lever du soleil, nous retrouvons notre chauffeur, et c'est parti. La campagne est belle, mais punaise le trajet... Il faut dire qu'à trois sur une pauvre mobylette pendant 100 kilomètres, ça arrache, il fallait s'y attendre...

Nous mettons deux bonnes heures à rejoindre le bas de la colline sur laquelle se dresse le temple, et nous mettons pied à terre le derrière douloureux et le pas titubant. Notre ami ne peut pas aller plus loin, et pour rejoindre l'édifice, nous devons en plus de l'entrée (10$ par personnes) payer deux autres mobylettes avec chauffeur qui vont nous y conduire. Au total, la facture s'élève à 30$... Il a intérêt à envoyer du lourd ce temple...

Nous attaquons la grimpette, et mine de rien ca fait plaisir de retrouver un peu de relief apres plusieurs semaines a arpenter un Cambodge tout plat.

Sur le chemin, agrippés à l'arrière de nos 2 roues, nous apercevons pas mal de postes militaires, simples cahutes en bambou où somnolent de jeunes soldats. Effectivement, tout est calme!

On nous dépose à l'entrée du complexe de Preah Vihear, au sommet d'une haute colline qui domine toute la vallée. De l'autre côté du relief, c'est la Thaïlande. Bientôt, bientôt...



Nous y voilà enfin. Nous l'aurons mérité notre Preah Vihear!

Aucun étranger à l'horizon, mais seulement quelques cambodgiens en vadrouille parmi les premières ruines qui apparaissent au milieu d'une verte prairie. Nous passons un premier temple, puis rejoignons le gros du site par un chemin en pierre bordé de statues.

Le Preah Vihear a été érigé durant la première moitié du 9è siècle, au début de l'âge d'or angkorien, et fut classé au patrimoine mondial de l'UNESCO en 2008.

Immense complexe religieux d'architecture khmer dédié à Shiva, il a été modifié au fil des siècles par les différents souverains de l'empire.

Et oui, il envoie du lourd. Etalé sur plusieurs centaines de mètres de long, nous y admirons des édifices retraçant plusieurs siècles d'histoire, parfois beaucoup mieux conservés et plus finement décorés que les pièces maitresses d'Angkor. Exit les hordes de touristes, l'endroit est calme et nous sommes tranquilles pour explorer les fantastiques ruines quasiment désertes en pleine nature, parmi les arbres et la verdure, où seul le gazouillis des oiseaux nous chatouille les oreilles. Pas un véhicule, pas un gramme de goudron, et cerise sur le gâteau, tout au bout du site, nous découvrons un magnifique point de vue sur la vallée, envahit par toute une famille de singes!
































Et bien nous sommes très, très contents et soulagés. Pour être franc, après tout le mal que nous nous sommes donnés pour arriver ici, nous ne nous serions pas contentés de quelque chose de sympa. Il nous fallait le top du top pour ne pas repartir déçus. C'est chose faite, et nous quittons les lieux plus que satisfaits de cette dernière expédition cambodgienne!

Nous redescendons la colline pour retrouver notre chauffeur. Et c'est reparti pour 100 bornes de route épuisantes sous un soleil de plomb...

Nous arrivons à Preah Vihear City complètement cramés en milieu d'après-midi, et trouvons un taxi grâce à notre chauffeur. On nous propose la course à 10$. Après une ultime négociation, nous la décrochons pour 6, et partons une heure plus tard, en compagnie de 5 autres personnes. Oui oui, nous sommes 8 dans une voiture 5 places... 4 à l'avant, 4 à l'arrière. Même le chauffeur partage son siège avec un passager! Un moment de grande convivialité...

L'heure est aux comptes : est-il, oui ou non, plus intéressant de visiter le Preah Vihear en indépendant qu'en tour organisé? Et bien la réponse est oui, à une condition. Le tour le moins cher que nous avions trouvé à Siem Reap coûtait 50$ par personne, donc 100 pour deux. De notre côté, nous arrivons à une note de 83$ pour deux, soit 17$ de moins que le programme le plus économique proposé en agence. La condition? Il faut négocier avec vaillance chaque étape de transport. Le premier bus, le moto-taxi, le taxi retour. Chaque véhicule est une occasion d'économiser ou de perdre des sous suivant la façon dont est menée la négociation.

On nous dépose dans le centre de Siem Reap à la tombée de la nuit, sous une pluie battante. Ainsi s'achève notre dernière vadrouille Cambodgienne.

Un voyage s'achève, un autre commence : nous sommes rétamés mais surexcités, car l'heure n'est pas au repos, et il est temps pour nous de rejoindre le quinzième pays de notre petit tour, un pays que nous avons attendu avec plus ou moins d'impatience au fil des témoignages que nous avons reçu à son sujet, j'ai nommé la Thaïlande. Parc d'attraction ultra-touristique sans âme et hors de prix, Australie asiatique où tout le monde va, pays du sourire, enchanteur et merveilleux? Il nous tarde à présent de le découvrir par nous-même. Nous sommes fatigués, exténués, mais nous décidons de ne pas nous arrêter, et nous nous mettons en quête de billets pour un bus de nuit à destination de Bangkok, trimballant tant bien que mal nos gros sacs dégoulinants dans la nuit pluvieuse de Siem Reap.


Et pour finir...


Au-revoir le Cambodge! Nous avons passé un bien étrange mois dans ce pays. La capitale, le sud, le nord... Nous avons enchaîné les spots populaires sans trop nous perdre dans des coins un peu plus atypiques, mais comme nous le disions nous avons beaucoup apprécié pour une fois.

De belles rencontres parmi les voyageurs. Un itinéraire construit sur les avis des dites rencontres. Des endroits qui proposaient, à la place de découvertes extraordinaires, des cadres parfaits pour nous poser. Du moins jusqu'à Angkor, site fabuleux mais dévoré par un tourisme de masse comme nous n'en avions jamais vu. Et puis l'exception de Preah Vihear.

Nous avons adorés notre voyage au Cambodge, mais nous sommes bien incapables de dire si nous avons adoré le Cambodge. En tout cas pas en nous basant sur notre simple expérience du pays. Que dirions-nous dans ce cas?

Que le pays se développe, et c'est très bien, mais que la manière dont il développe son tourisme en parallèle est précipitée, irréfléchie, et donne des résultats effrayants de dénaturation. On satisfait le visiteur maintenant, tout de suite. Des rues festives de Phnom Penh et de Siem Reap aux îles envahies par les resorts, en passant par les littoraux défigurés par les bars et les restaurants occidentaux, on a parfois l'impression que le Cambodge vend son âme au diable au profit du profit. Une zone touristique est une zone touristique, que les locaux ont désertés et dont la façade est pensée pour plaire aux étrangers. Les aménagements ne se fondent pas dans le décors, ils le remplacent.

Oui, nous ne nous sommes pas échappés dans la cambrousse, nous n'avons pas vagabondé au hasard au milieu des rizières, et il est clair que notre expérience ici est beaucoup moins profonde que celles que nous avons eu au Laos ou au Népal. Mais ce n'est pas le premier pays dans lequel nous traversons des endroits populaires. Nous en traversons dans tous les pays. Et nous avons bien vu qu'il était possible de garder une atmosphère et une âme particulières tout en accueillant avec le sourire des visiteurs par milliers. Les exemples sont multiples, entre l'Inde, le Vietnam, et j'en oublie. Ici, nous n'avons pas senti de charme, pas d'envoûtement.

La barrière entre voyageurs et locaux est dressée, très haute, et l'occidental reste un étranger, quoi qu'il arrive, et est traité en tant que tel. Quand on observe le comportement de certains visiteurs, on ne peut que comprendre le peu d'intérêt qu'ont les habitants pour les touristes. Entre le vieux pervers qui ne pense qu'à se lever une petite jeune asiatique et le post-ado attardé qui ne voient dans le pays qu'une immense salle des fêtes, il y a de quoi être déstabilisé... Ce qui n'empêche pas d'être ouvert et accueillant, et de ce côté là, rien ne nous a encouragé à développé une quelconque affinité avec la population. C'est triste à dire, mais vrai.

Tout ça participe à la construction d'un véritable mur entre le visiteur et le pays. Parqué dans un ghetto touristique bien délimité où qu'on aille, on se sent à l'écart, ailleur, un peu comme ce que nous avions ressenti durant nos premiers jours à Kathmandu... Sauf qu'au Cambodge, nous avons eu cette impression pendant un mois...

Enfin bon, nous n'avons pas creusé suffisamment dans le pays pour formuler un avis véritablement éclairé sur sa réalité actuelle, et nous n'irons pas plus loin que notre propre ressenti. Nous ne pouvons que vous encourager à approfondir la question.

Au final, le Cambodge était beau, relaxant, et nous nous sommes bien marrés en le parcourant. Nous y avons pris du plaisir, et c'est bien l'essentiel!

Rendez-vous très bientôt pour un premier article Thaïlandais consacré à la folle capitale, la grande et survoltée Bangkok!

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