jeudi 21 septembre 2017

Retour hivernal dans l'Arthur's Pass National Park et l'Hakatere Conservation Park pour deux treks épiques, grandioses... et drôlement froids!


Salut le monde!

En cette veille de grand départ vers l'Amérique du sud, pleins à ras bord de cette si particulière et délicieuse excitation qui accompagne l'attente d'un grand tournant dans le voyage, nous voilà de retour pour continuer notre petite session de compte-rendu trekking, avec un récit s'étalant du 11 au 26 mai 2017.

Et attention, ça va envoyer du lourd! Le Richmond et le Clarence, c'était mignon, plus que ce que nous imaginions, et nous nous y sommes bien remis dans le bain de la crapahute sauvage et coupée du monde (pour ceux qui ne l'auraient pas encore lu, l'article est ici), mais nous attendions surtout deux choses de ce deuxième tour de l'île sud :

De retourner dans l'Arthur's Pass National Park pour enfin y réaliser une rando de plusieurs jours. Cela fait des années, depuis la préparation de notre Petit Tour pour être exact, que nous parlons de ce parc et qu'il constitue notre Valhalla de la montagne néo-zélandaise. Malheureusement, la dernière fois que nous y sommes passés, la météo pourrie ne nous a laissé qu'une journée pour une ascension au sommet de l'Avalanche Peak qui nous a scotché par sa beauté et nous a fait attendre avec encore plus d'impatience le jour où enfin nous pourrions parcourir le grandiose parc durant plusieurs jours.

Ensuite, faire un nouveau passage par l'Hakatere Conservation Park. Nous nous y étions arrêtés en coup de vent durant les dernières vacances pour aller nous percher au sommet du tout petit Mont Sunday, l'Edoras des films du Seigneur des Anneaux, mais ce très léger aperçu nous avait tellement décalqué la rétine que nous nous sommes résolu à profiter de la première occasion pour retourner explorer l'Hakatere de manière un peu plus approfondie.

Si vous voulez vous rafraîchir la mémoire sur ces deux premiers et formidables aperçus, c'est par ici.

Il est rare que nous revenions dans des endroits que avons déjà passés, mais autant le dire tout de suite : nous avons réalisé tous nos projets, et comme vous allez le voir, nos attentes, bien que très haut placées, ont été comblées à tous les niveaux par deux treks dont nous souviendrons pendant longtemps. C'était beau, c'était grand, c'était intense, bref, c'était super!

Le petit truc en plus qui a pimenté un peu les choses, c'est que c'était aussi l'hiver! Et oui, en plus de nous faire craquer les jambes et les yeux, nous avons vécu l'arrivée du froid, et le grand retour de tout ce qui l'accompagne et qui a fait le charme de nos vadrouilles d'antan. Ainsi, nous avons retrouvé avec nostalgie (et quelques grincements de dents) le givre à l'intérieur de la tente, les bouteilles d'eau gelées au réveil, le douloureux démontage de la guitoune sous température négative, et autres nuits en pointillés par -12 degrés sur un sol couvert de glace ou de neige...

Pas de souci me direz-vous, après notre traversée de l'Europe en 2013 et notre tour des Annapurnas, nous sommes rodés... Bah visiblement nous nous sommes grandement déshabitués à tout ça, parce que la chute des températures nous a fait beaucoup plus drôle que ce que nous imaginions! C'est que ça faisait longtemps que nous n'avions pas eu froid...


Winter is coming!


Le fait est que la vicissitude des saisons à travers le monde combinée au hasard de nos cabrioles trans-hémisphériques a entraîné une conséquence que nous n'avions pas forcément prévue mais à laquelle nous nous sommes sans problème habitués :

Entre notre départ d'Australie en août 2015 et l'arrivée des premiers froids néo-zélandais, nous n'avons pas connu le moindre hiver au sens où on l'entend dans nos pays au climat tempéré! Nous avons en effet passé l'automne et l'hiver européens 2015 sous les tropiques de l'Asie du sud-est, et nous sommes rentrés en France à la fin février 2016, aux portes du printemps, avant de décoller en octobre vers la Nouvelle Zélande, au tout début de l'automne chez nous, pour arriver dans l'hémisphère sud pile poil en même temps que les beaux jours. Résultat ? Quand l'hiver pointe finalement le bout de son nez en Nouvelle Zélande, cela fait plus d'un an et demi que nous ne vivons qu'une succession quasi-ininterrompue et paradisiaque de printemps, d'étés et de climats tropicaux!

Nous savions bien que cet éden saisonnier n'allait pas durer éternellement, c'est d'ailleurs ce qui nous a motivé à investir dans de nouveaux duvets avant de partir histoire de ne pas revivre certaines des nuits glaciales de la première partie de notre Petit Tour, mais c'est quand même avec une certaine appréhension que nous avons vu le froid nous rattraper finalement en Nouvelle Zélande, à la fin de l'apple picking. Ma chère et tendre Léonore, particulièrement, a vécu avec un désespoir croissant la chute progressive mais inéluctable des températures.

Dans un sens, nous somme plutôt bien lotis : à choisir, nous préférons indéniablement les grands froids à la pluie, et si l'hiver sur l'île nord est réputé pour ses orages et ses averses incessantes, sur l'île sud il amène avec lui un climat beaucoup plus froid mais aussi plus sec. Si l'on se fie aux moyennes pluviométriques saisonnières, il est d'ailleurs intéressant de noter qu'il pleut moins en automne et en hiver qu'en été sur l'île sud!

Je vous parle de saisons, mais il faut savoir qu'une telle notion est assez vague en Nouvelle Zélande : s'il y a effectivement une saison plus chaude et une autre plus froide ainsi que deux solstices marquant le jour le plus court et le jour le plus long de l'année, il n'y a pas de périodes précises matérialisant le début et la fin des saisons d'un point de vue météorologique. Nous avons découvert ça à la fin du picking, début mai, lorsque, tandis que nous préparions le départ pour notre second tour de l'île sud, nous demandions quand débutait l'hiver, pour nous entendre répondre parfois qu'il était déjà commencé, parfois que nous étions au milieu de l'automne et qu'il ne démarrait pas avant le mois d'août, entre autres sons de cloche... Gné ? Interloqués par l'amplitude de la fourchette de dates obtenue, nous avons effectué quelques recherches, pour apprendre qu'en effet, les saisons ne sont pas du tout gravées dans la roche ici. Visiblement, le climat pour une période donnée varie tellement d'une année à l'autre que la distinction entre l'automne et l'hiver ou le printemps et l'été, niveau météo, ne signifie pas grand chose, et de ce fait n'est pas caractérisée officiellement.

Enfin bon, les avis de nos collègues néo-zélandais étaient quand même assez unanimes : nous allions nous les geler...

Tout cela allait entraîner, de notre point de vue, des avantages et des inconvénients : d'un côté, cette satanée pluie qui a complètement chambouler notre programme durant nos dernières vacances, notamment dans l'Arthur's Pass, devait se faire un peu moins envahissante, mais d'un autre, même si techniquement nous avons tout le temps qu'il nous faut pour crapahuter, les montagnes n'allaient pas tarder à devenir infréquentables à cause de la neige, du blizzard et autres avalanches qui ne manquent pas de sévirent à outrance en hiver dans les hauteurs du pays des kiwis. Ainsi, si dans notre précédent article je vous annonçais que nous étions résolus à prendre notre temps, nous ne pouvions pas non plus lambiner pour effectuer les dernières marches que nous voulions absolument faire.

Avant d'attaquer, resituons un peu les événements : les dernières semaines de picking et nos deux premières balades nous ont montré que l'hiver arrivait effectivement à très grands pas, pourtant nous avons décidé, après une première semaine de vadrouille assez sportive, de laisser passer un miraculeux créneau de beau temps dans l'Arthur's Pass National Park pour nous poser quelques jours à Lincoln, petite ville tout confort providentielle située à une vingtaine de bornes au sud de Christchurch, où nous vous avions laissé la dernière fois...


Farniente, écriture et préparation sur la côte pacifique


Un camping gratuit sympa (pour info, il s'agit du Coes Ford Camping Ground), une bibliothèque au wifi fulgurant, le tout après deux mois de travail et 6 jours de randonnée, il ne nous en fallait pas plus pour nous décider à jouir de quelques jours de vacances dans un sens plus habituel du terme. Ca fait un moment que nous n'avons pas passer plusieurs jours sans rien faire !

Après avoir découvert Lincoln et ses facilités, nous nous y sentons tellement biens que nous y passerons finalement près d'une semaine !



Une semaine en forme d'ersatz de vie posée : nous habitons sur le camping au milieu des champs à 10 kilomètres de la ville, où nous laissons la tente montée telle une petite maison qui nous attend quand nous rentrons de nos tranquilles missions quotidiennes, consistant principalement à établir un nid à la bibliothèque pour travailler intensivement sur le blog et rattraper le retard que nous avons pris sur les articles, et occasionnellement à faire quelques courses.

Nous adoptons un rythme de vie très pénard. Avec la voiture, nous disposons d'un salon à côté de notre chambre dans lequel nous prenons notre petit déjeuner, passons nos soirées et des heures à bouquiner quand nous ne sommes pas en ville.

Côté hygiène, nous profitons de lavabos dans notre résidence campagnarde qui nous permettent de faire notre vaisselle, notre lessive, de nous brosser les dents et de nous rincer partiellement. Notre camping gratuit est bien traversé par une rivière, mais je ressors de mon premier bain dans ses eaux glacées littéralement bleu, et si nous nous sommes contentés de ce genres de choses par le passé sur des périodes autrement plus longues, à présent nous rêvons de plus hauts standards... Nous nous mettons donc en quête d'une alternative afin d'assouvir nos envies de luxe, pour découvrir un camping payant proche du nôtre permettant aux personnes externes de prendre une douche chaude pour un dollars. Que demander de plus ?

Comme pour nous contenter dans notre décision de rester poser un moment, le temps part en vrille : juste après notre arrivée, il se met à pleuvoir sans interruption pendant 3 jours, ce qui ne nous ennuie pas plus que ça, étant donné que nous sommes abrités la plupart du temps, n'avons aucune sortie de prévue dans l'immédiat, et que le ciel couvert est synonyme de températures moins fraîches.

Et puis un beau matin, nous émergeons dans un air froid et sec pour constater que la fermeture-éclair de la tente est complètement bloquée par la glace, et nous nous extirpons tant bien que mal de notre terrier pour nous rendre compte que la tente est couverte de givre. Une fois encore, de nombreux souvenirs nous reviennent en mémoire ! A partir de là, le ciel reste clair, nous offrant des journées ensoleillées et des nuits glaciales. La bouillotte de Léonore devient son amie la plus fidèle, et ma douce y reste cramponnée comme une naufragée à sa bouée de sauvetage. Nous dormons en revanche comme des loirs, et commençons à vouer un véritable culte à nos duvets qui nous préservent magistralement de la morsure du froid.

Bref, nous sommes biens. A dire vrai, nous ne nous sommes peut-être jamais retrouvés dans une situation aussi sereine : nous disposons de temps et d'argent en abondance, nous avons déjà prévu de retravailler en sachant que nos économies nous permettent de voir venir tout en nous faisant plaisir pendant encore plusieurs semaines en ayant le temps de trouver un bon plan boulot. Nous discutons souvent du déroulement de notre vadrouille en Nouvelle Zélande, pour aboutir systématiquement aux mêmes conclusions : quoiqu'il arrive par la suite, nous avons suffisamment anticipé tous les imprévus qui pouvaient se présenter pour considérer que d'ors et déjà, ce voyage est une réussite. Il ne nous reste plus qu'à transformer l'essai !

Mais ne parlons pas de choses qui fâchent. Pour l'heure, enjoy !

En plus de cravacher sur le blog, nous profitons de nos journées à la bibliothèque pour préparer la suite.

Comme je le disais, deux parcs se trouvent à présent dans notre collimateur, deux parcs dans lesquels nous nous sommes déjà rendus mais dont les sirènes nous rappellent pour les différentes raisons évoquées dans l'introduction : l'Arthur's Pass National Park, qui depuis plusieurs années constitue notre saint graal de la rando en Nouvelle Zélande et que nous n'avions pas pu explorer plus d'une journée durant nos dernières vacances à cause d'une météo déplorable, et l'Hakatere Conservation Park, que nous avions découvert à l'occasion de notre courte visite de la colline d'Edoras, moins connu sous le nom du Mont Sunday, et dont les étendues nous avaient tellement tapées dans l’œil que nous rêvons depuis d'aller y crapahuter plusieurs jours.

Dire que nous attendons ces deux virées avec impatience tient de l'euphémisme. Nous les avons complètement idéalisées, les transformant du même coup en projets les plus attendus depuis notre balade à l'Angelus Lake dans le Nelson Lake National Park. Dans nos esprits, tout est clair : ces deux prochains treks seront le cœur de notre deuxième tour de l'île sud, et vont forcément compter parmi les meilleurs que nous ayons fais dans ce pays. D'aucun dirait qu'attendre autant de quelque chose ouvre d'autant plus la porte à d'éventuelles déceptions, mais n'oublions pas que nous sommes en Nouvelle Zélande, et que nous sortons tout juste de deux balades dans des endroits sur lesquels nous ne savions presque rien et que nous n'attendions pas spécialement mais qui nous ont quand même très agréablement surpris. A présent, nous nous apprêtons à retourner dans deux parcs qui ont déjà eu l'occasion de nous fournir par le passé un aperçu fantastique alors que nous n'en avons qu'effleuré la surface. 

Ces deux parcs se trouvent à moins de 2 heures de route de notre position.

Lorsque nous sommes arrivés à Lincoln, nous avons joué la chance en laissant passer un créneau de beau temps dans l'Arthur's Pass, sachant que la météo y annonçait ensuite une semaine de pluie et de neige avant trois jours de soleil. Les prévisions étant ce qu'elles sont, en particulier dans ce pays, nous avons choisi d'attendre en espérant que ces trois jours de beau temps se confirment. Du côté de l'Hakatere, la météo nous est apparue beaucoup moins capricieuse.

Au fil de la semaine, étonnamment, les prévisions se maintiennent, et nous convenons d'aller dans l'Arthur's Pass en priorité, étant donné que le temps pourri qui y sévit constitue principalement, au-dessus de 1200 mètres, en des chutes de neige quotidiennes, et que nous ne voulons pas prendre le risque d'attendre plus longtemps. Si ça se trouve, les hauteurs du parc nous sont même déjà fermées à cause de la semaine de pause que nous sommes en train de prendre...

De par sa situation géographique, au beau milieu de l'île sud, balayé par un vent d'ouest qui amène l'air humide de la Tasman Sea à la rencontre d'un air chaud et sec venant de l'est, le parc présente un micro-climat complètement anarchique et imprévisible. On dit que dans l'Arthur's Pass, il y a 4 saisons par jour, et il n'est pas rare qu'une belle journée d'été ensoleillée s'y termine sous la neige. Dans un contexte pareil, trois jours de beau temps consécutifs tiennent du miracle !

Chose rassurante, le site du DOC n'annonce aucune alerte particulière concernant le parc, et nous commençons à nous mettre en quête d'une balade. Et la tâche s'avère ardue...

L'Arthur's Pass National Park, première étendue de l'île sud à avoir été classé parc national en 1929,  fait partie de la grande chaîne des Alpes du Sud, dont les reliefs ont été sculptés par les mouvements des glaciers et l'érosion. A cause des conditions climatiques particulières qui y règnent, les effets de cette dernière ont été très intenses dans le parc au fil des millénaires. A titre d'exemple, on estime que le Mont Cook a grandit de 10000 mètres depuis sa formation et, raboté continuellement, il culmine à présent à 3724 mètres, tandis que les montagnes de l'Arthur's Pass ont quand a elles poussé de près de 18 kilomètres pour ne pas dépasser aujourd'hui 2500 mètres. Il en résulte un massif de type alpin extrêmement escarpé, et les nombreux itinéraires de marche qui le parcourent comptent parmi les plus difficiles du pays.

Au fil de nos recherches, nous constatons que si le parc en lui-même ne tombe pas sous le coup d'alertes météos particulières, les itinéraires qui le traversent font quant à eux l'objet de tout un tas d'avertissements : ponts retirés pour l'hiver car situés en plein couloir d'avalanche, éboulements et glissements de terrain à cause des intempéries, sentiers couverts de glace ou à tracer soi-même dans la neige, entre autres joyeusetés. Des liens sur les descriptifs de certaines balades renvoient directement à des conseils de survie en cas d’ensevelissement sous la neige ou de soudaines montées des eaux. Sans parler de la difficulté des bouzins, tous classés en niveau avancé ou expert...

De notre côté nous n'avons plus vraiment le cœur à nous embarquer dans une rando certes potentiellement épique mais qui pourrait rapidement virer au calvaire.

Heureusement, il y a tellement possibilités dans l'Arthur's Pass que finalement, nous trouvons notre bonheur, sous la forme d'une traversée de deux jours dans le nord du parc que nous élaborons en mélangeant plusieurs itinéraires.

Une première rude ascension d'environ 3 heures doit nous emmener au-dessus de la bushline jusqu'à la Caroll Hut puis au Kelly Saddle, un col perché à 1165 mètres d'altitude. De là, nous effectuerons un petit détour pour grimper au sommet de la Kelly Hill, 1408 mètre, avant de redescendre sur le col pour y passer la nuit. Le lendemain, nous suivrons une crête, la Kelly Ridge (je ne sais pas qui était Kelly, mais elle devait être sacrément célèbre dans le coin!), avant de descendre jusqu'à la jonction avec un autre itinéraire qui devrait nous faire longer une rivière, la Taipo, suivant un ancien chemin de 4x4 avant de rejoindre la route. Nous lèverons alors le pouce pour retourner au début du tracé et à la voiture.

Difficile mais pas trop, aérien sans être suffisamment haut pour être couvert d'un mètre de poudreuse, peu de rivières à traverser et le cas échéant seulement dans la vallée de la Taipo, aucune alerte... Impeccable ! D'autant que les descriptifs des différentes portions de la balade laissent présager une extraordinaire claque visuelle.

Ce joli petit programme nous laisse en plus une journée de libre pour quelques découvertes supplémentaires. Nous fouinons un peu pour jeter notre dévolu sur une marche tranquille de quelques heures aller-retour dans l'Otira Valley, une ancienne vallée glacière qui fait partie des spots populaires du parc.

Nous en profitons aussi pour dénicher une boucle dans l'Hakatere, dont je vous donnerai les détails plus tard. Pour l'heure, nos plans sont simples : rejoindre l'Arthur's Pass à la veille du premier jour de beau temps, passer la nuit sur l'un des campings gratuits qui jalonnent la route traversant le parc, faire notre traversée, dormir au camping, et prendre la matinée du lendemain pour explorer l'Otira Valley.

Notre semaine de farniente arrive ainsi tranquillement à son terme, et le 19 mai au matin, nous nous apprêtons à repartir en chasse. Nous retournons dans l'Arthur's Pass!


Retour triomphal dans l'Arthur's Pass National Park


Une fois le camp replié, nous repassons à Lincoln, un brin paranos, pour une dernière mise à jour météo rassurante qui annonce toujours un grand soleil dans le parc pour les trois prochains jours, avant de faire le plein de provisions et de nous mettre en route vers l'ouest en début d'après-midi.

Après une ou deux heures, nous retrouvons avec plaisir les belles étendues de collines rocailleuses et les plaines de tussock qui marquent les abords du parc, lequel révèle bientôt, au détour d'un virage, son imposante masse monolithique qui se dresse brutalement droit devant nous. Un épais couvercle de nuage est perché au-dessus, grosse tâche grise entourée de ciel bleu qui devrait avoir disparu demain matin. Le sourire jusqu'aux oreilles mais une persistante petite crainte au creux du ventre, nous longeons la vallée qui marque sa frontière est, nous gorgeant les yeux d'un paysage sublimé par le soleil couchant, avant de plonger entre deux murs de montagnes sous le couvercle de grisaille.

Nous arrivons en fin d'après-midi au Greyneys Camping Ground, le petit camping gratos où nous nous étions arrêtés avant notre fantastique ascension de l'Avalanche Peak, quelques 3 mois plus tôt. Nous voilà enfin de retour!

Un petit crachin nous arrose gentiment tandis que nous posons la tente avant de nous calfeutrer dans la voiture. Petit crachin qui se transforme, durant la soirée, en pluie franche et régulière... C'était prévu. Si cela fait belle lurette que nous n'accordons plus qu'une confiance limitée aux prévisions météorologiques dans ce pays, il faut bien admettre que les dites prévisions ne nous ont presque jamais fais faut bond quand nous partions en randonnée, et ce soir nous décidons de leur faire confiance. Cette fois-ci, c'est la bonne. Demain, il fera beau!

Il pleut à verse toute la soirée, et nous courons nous coucher en slalomant entre les gouttes.

Au réveil, à une heure pas très raisonnable, l'air glacé et piquant nous fait espérer un grand ciel bleu, mais nous mettons plusieurs minutes à sortir pour vérifier la chose : la fermeture-éclair de la tente est tellement gelée que je dois batailler pendant une plombe pour essayer de la faire céder en douceur!

Dehors, les montagnes nous cachent le soleil, et il règne un petit -5 vivifiant, mais le ciel est limpide. Joie!

Après le café, nous lançons enfin la tant attendue mission treking dans l'Arthur's Pass National Park!

Enfin, pas tout de suite après. Le ciel s'est visiblement dégagé tôt dans la nuit, faisant chuter les températures, et la tente trempée par la pluie de la veille s'est transformée en igloo... Je passe plus de 40 minutes à gratter la glace de la guitoune pour pouvoir la replier!

Nous décollons finalement vers 10h, déjà complètement frigorifiés, comprenant que les prochains jours s'annoncent polaires...

Suivant la route sinueuse encaissée entre les montagnes, nous faisons un arrêt à l'Arthur's Pass Village, petit bled touristique principalement constitué de petits hôtels et de gîtes bâtis sur l'ancien village de pionniers qui a servi de camp de base pendant la construction de la route qui traverse le parc durant la deuxième moitié du XIXème siècle.

Nous passons au quartier général du DOC, un chouia inquiets, pour demander si l'itinéraire que nous avons bricolé est cohérent, et surtout pour nous assurer que toutes ses portions sont praticables. Visiblement, nous avons fait du bon travail, notre tracé est parfaitement réalisable, et nous allons en prendre plein les yeux. Il s’avère même que notre choix de faire un détour pour aller nous percher au sommet de la Kelly Hill va nous faire découvrir l'un des points de vue les plus impressionnants du parc!

Finalement, notre itinéraire comporte une seule petite difficulté qui va pimenter plutôt agréablement les choses : les quelques kilomètres que nous avons à parcourir sur la Kelly Ridge entre le col et notre plongée vers la vallée de la Taipo River ne sont pas balisés, et aucun chemin n'est tracé sur la crête. Si cette dernière est apparemment assez évidente à suivre, pour ne pas rater l'entrée du sentier qui descend vers la Taipo, un peu à l'écart et en contrebas du sommet, la boussole ainsi que quelques rudiments d'orientation sont en revanche indispensables. Nous faisons l'acquisition d'une carte topographique détaillée de la zone, sur laquelle on nous indique l'endroit exact où débute la descente.

Apparemment, il est presque impossible de se repérer sur cette portion sous la pluie ou le brouillard, mais côté météo, les choses se confirment : nous sommes vernis! On nous annonce un ciel sans aucun nuage. En ce qui concerne l'enneigement et le gel, là encore, c'est du velours : nous apprenons qu'il y a tout juste suffisamment de neige en altitude pour magnifier le paysage sans pour autant rendre les chemins impraticables, et que nous ne devrions normalement jamais nous retrouver sur un sentier couvert de glace. Normalement...

En fait, un seul paramètre risque de véritablement picoter : le froid, comme il fallait s'y attendre. Quand nous expliquons que nous dormons sous tente, la ranger qui s'occupe de nous ouvre de grands yeux, avant de nous annoncer que sous un ciel aussi pur, la nuit que nous allons passer aux abords du col promet d'être intéressante, grâce à des températures qui devraient flirter avec les -10 degrés au-dessus de 1100 mètres... En revanche, nous n'aurons visiblement aucun problème pour trouver un coin où poser la tente dans les hauteurs.

Et bien tout cela s'annonce plutôt bien!

Nous mettons les voiles pour rejoindre l'entrée du circuit, 17 kilomètres plus loin. Profondément encaissée entre deux murs de montagnes, la route est visuellement sensationnelle! A ceux qui voudraient effectuer la balade, sachez que l'entrée en question n'est pas indiquée depuis la route : il faut passer le petit village d'Otira, puis continuer sur trois kilomètres jusqu'au pont enjambant la Kelly Creek. Tout de suite après le pont, un chemin de terre s'ouvre sur la gauche, et mène après un petit kilomètre supplémentaire au début du sentier.

Sur place, nous bouclons les sacs et nous enfonçons dans la forêt. C'est parti!

Il était temps : entre le réveil tardif, le dégivrage de la tente et l'arrêt au village, nos montres indiquent 11h30 lorsque nous attaquons enfin... Nous ne nous embarrassons jamais de considérations horaires particulièrement rigoureuses quand il s'agit de partir crapahuter : nous avons la tente, du rab de nourriture, nous pouvons bien prendre tout le retard que nous voulons ! et puis de toutes façons, ''pourquoi, quand on a quelque chose d'important à faire, il faut toujours se lever aux aurores ?'' (Guenièvre, 5 : 1). Si nous nous fions aux estimations, nous allons mettre trois heures à grimper jusqu'au Kelly Saddle. Si nous mettons moins longtemps, nous ferons notre détour par le sommet de la Kelly Hill aujourd'hui, sinon il sera toujours là demain matin !

Pour le moment, premier objectif, le col. Notre balade débute grosso-modo à 700 mètres d'altitude, et nous n'avons qu'un peu plus de 400 mètres à prendre pour le rejoindre, mais l'estimation de trois heures annonce d'ors et déjà une costaude grimpette.

Effectivement, après quelques centaines de mètres relativement plats et une petite traversée de rivière, le chemin bifurque et file droit dans la pente. Nous montons un véritable mur, au milieu d'un sous-bois touffu et sacrément joli, sur un minuscule sentier bordé de fougères, principalement constitué de hautes marches naturelles formées par les pierres et les racines des arbres. En quelques minutes, nous sommes en nage : l'ascension n'est pas aussi rude que celle qui nous avait menée au sommet de la French Ridge dans l'Aspiring, mais peu s'en faut, et nous passons plus de temps à escalader des amalgames de racines et de rochers affleurant en nous accrochant aux troncs d'arbres qu'à véritablement marcher.

Nous prenons notre temps pour profiter de la forêt, magnifique et changeant continuellement : de sous-bois à peu près dégagés, nous passons en quelques dizaines de mètre à d'étouffants couloirs de fougères et de rideaux de lichen qui traversent une végétation tellement dense qu'elle nous cache la lumière du jour. La pénombre est parfois telle que nous avons l'impression que le crépuscule s'installe déjà alors qu'il fait encore plein jour!



Le tracé monte continuellement, violemment, et à ce train là, nous mettons peu de temps à approcher, suants, des limites de la forêt. La végétation se clairsème, et les halliers laissent place à de grands arbres droits ou au contraire petits et buissonneux, aux troncs noueux, étrangement tordus et couverts de mousses.



Nous quittons finalement le bois, harassés et les jambes en feu. Que de violence ! Nous avons mis environ une heure et demi pour grimper quelques 300 pauvres mètres...

Le sentier arrête enfin de grimper comme un fou furieux pour se mettre à suivre le flanc de la montagne en montant tranquillement au milieu de courts buissons et de pierriers. La forêt n'est plus là pour nous cacher la vue, et nous pouvons enfin profiter du grandiose panorama sur la vallée et les montagnes de l'Arthur's Pass, qui nous attend comme une récompense après l'ascension. Ca valait le coup !



Tandis que nous avançons le nez en l'air pour bien nous rincer l'oeil devant le paysage, le bruit de nos pas devient crissant, et nous baissons les yeux pour constater que le chemin commence a se piqueter de neige et que la végétation autour de nous est couverte de givre.

Quelques minutes et dizaines de mètres de dénivelé plus tard, une petite surprise nous attend, et les choses commencent à devenir intéressantes : contrairement à ce que nous ont affirmé les rangers du DOC, le sentier est complètement recouvert d'une fine couche de glace, néanmoins trop épaisse pour se briser sous notre poids, et nous nous retrouvons à tailler des marches à grands coups de pied et de cailloux pour pouvoir avancer à peu près confortablement.

Forcément, la progression est lente, mais on se marre bien et la vue se fait de plus en plus fantastique!



Nous atteignons finalement un petit plateau vallonné juste en contrebas du Kelly Saddle, et nous quittons l'ombre de la montagne pour nous retrouver sous un soleil radieux, face à une vaste étendue de tussock. Le cadre est grandiose, et la claque visuelle magistrale ! Des plaques de neige d'un blanc immaculé et de glace cristalline sont éparpillées un peu partout au milieu des touffes de hautes herbes dorées, et nous sommes entourés de sommets enneigés.



L'avancée à travers ce décors éblouissant est assez laborieuse : le soleil a pas mal tapé sur le col, et le chemin, mélange de gadoue et de neige fondue, est encaissé entre les touffes d'herbes et de hautes mottes de terre, et nous le quittons rapidement pour progresser dans la broussaille et la neige en direction du Kelly. Nous passons la Caroll Hut vers 14h, et une dizaine de minute plus tard, nous voilà sur le col, au bord d'un petit lac complètement gelé. L'endroit est un régal pour les yeux, et nous nous arrêtons pour grignoter un morceau et établir notre itinéraire le long de la crête pour demain.



Première chose, visualiser correctement le nord. Ou plutôt, les nords... Et oui jeune aventurier insouciant, il ne faut pas oublier que le nord magnétique, indiqué par une boussole, est décalé par rapport au nord géographique représenté sur les cartes. C'est ce qu'on appelle la déclinaison magnétique : depuis la Nouvelle Zélande, la direction du nord magnétique se trouve ainsi à 23 degrés est de celle du nord géographique, ce qui signifie que si on aligne la flèche indiquant le nord d'une carte sur l'aiguille d'une boussole, on se retrouve en fait à pointer sa carte 23 degrés trop à droite du vrai nord, ce qui peut entraîner deux ou trois soucis quand il s'agit d'établir un cap avec un minimum de précision...

Il convient donc de matérialiser le nord magnétique en tenant compte du décalage sur sa carte, pour pouvoir orienter correctement cette dernière par rapport à sa boussole. Mais dis-moi Jamy, qu'est ce que c'est y qu'y faut faire ? Pas de panique, impétueux baroudeur étourdi, je vais te le dire :

si tu as une boussole a peu près élaborée comportant un cadran gradué fléché, tu connais probablement déjà tout ce qu'il y a savoir sur la déclinaison magnétique et sa compensation. Si en revanche, comme nous, tu as obtenue ta boussole dans une pochette surprise, il faut bricoler : il suffit de placer sa boussole sur la carte, centrée sur la base de la flèche indiquant le nord en alignant cette dernière avec l'aiguille de la boussole, avant de faire pivoter la dite-carte de 23 degrés sur la...? gauche, merci, heureusement qu'il y en a qui suivent, en utilisant la boussole comme rapporteur. Il ne reste plus qu'à tracer une nouvelle flèche alignée sur l'aiguille qu'on utilisera pour orienter sa carte à l'aide de sa boussole.

A noter que si vous randonnez en France, et en Europe en générale, vous n'aurez pas à vous souciez de compenser la déclinaison magnétique : depuis notre pays, le nord géographique et le nord magnétique sont presque parfaitement alignés, et la déclinaison est nulle.

Bref. En étudiant notre carte, nous constatons que nous n'allons pas avoir à faire d'orientation de haute volée : nous n'avons que 5 kilomètres à parcourir sur la crête dont le sommet, vu les courbes d'altitude, paraît relativement plat. Nous nous apercevons en plus que la Kelly Ridge est mouchetée de petits lacs, qui vont être autant de points de repères immanquables. Nous nous contentons de calculer nos caps d'un lac à l'autre, puis du dernier que nous devons passer à la croix indiquant la reprise du sentier.

Entre la pause casse-croûte et la cartographie, nous nous mettons à bouger vers 15h. L'aller-retour au sommet de la Kelly Hill, toute proche, est censé nous prendre une petite heure, et nous décidons de nous y rendre dès à présent, mais... Impossible de trouver la jonction avec le chemin qui y mène ! Nous avons beau arpenter à plusieurs reprises la portion du sentier où est censé débuter la voie d'accès vers le sommet, nous ne trouvons aucune piste, aucune indication, aucun panneau, en dehors des poteaux à flèches orange qui font office de balises le long de l'itinéraire principal. La Kelly Hill se dresse non loin, nous la voyons clairement, mais nous ne distinguons aucun tracé ni aucun balisage sur ses pentes abruptes et enneigées. C'est dans ces moments là que nous regrettons de ne pas avoir de jumelles !

Nous finissons par nous dire que l'accès au sommet ne doit pas être tracé ni balisé, repérons une crête un peu moins raide qui descend sur un côté de la colline et décidons de couper à travers le champs de tussock pour la rejoindre et la suivre jusqu'au sommet.

Nous nous apprêtons à quitter le chemin lorsqu'un détail nous fait tiquer : la flèche d'un des poteaux est tournée en direction de la Kelly Hill... A l'aide de l'appareil photo, nous zoomons sur la zone indiquée, pour constater qu'effectivement, au pied de la pente qui part du col, un misérable petit bâton blanc dépasse du sol... 20 ou 30 mètres au-dessus, un deuxième, blanc également, se distingue à peine de la plaque de neige sur laquelle il est planté.

Nous prenons deux minutes pour louer le génie du gars qui a eu la formidable idée de mettre en place un balisage blanc dans un endroit couvert de neige la moitié de l'année, puis nous abandonnons nos sacs derrières un gros rocher avant de nous lancer tant bien que mal dans la plaine de tussock en essayant de ne pas perdre la balise des yeux.

Arrivée près du premier poteau, le suivant est clairement visible, juste au-dessus, mais aucun chemin n'est tracé entre les deux, ce qui ne pose pas de problème particulier : la pente est raide mais complètement dégagée, et les grosses touffes d'herbes ainsi que les rochers forment un réseau de marches dans lequel il est facile de trouver un passage à peu près confortable.

Après quelques minutes de grimpette, notre balade prend une nouvelle et formidable dimension : avec la prise d'altitude, nous nous retrouvons à marcher sur un terrain intégralement couvert de neige. Une bonne neige suffisamment dure pour ne pas enfoncer, qui a aucun moment ne nous place de traîtresses croûtes de glace sous les pattes, sur laquelle il est très agréable de crapahuter.



La petite demi-heure d'ascension est jouissive. Nous ne rencontrons pas de grosses difficultés techniques, encore que nous devons nous arrêter régulièrement pour scruter la pente et déterminer les passages les plus simples entre deux balises, et qu'il nous faut quand même rester vigilants sur les endroits où nous posons les pieds. En revanche, la grimpette est rude, ce qui présente au moins l'avantage de nous réchauffer! Mais surtout, en plus du fait de randonner dans la neige, qui nous a toujours mis dans des états de nirvana proche de la transe, nous nous en collons plein les mirettes : du manteau blanc dépassent des tiges dorées de tussock sublimées par une multitude de cristaux de glace translucides qui les transforment en véritables lustres. Tandis que nous nous élevons, l'Arthur's Pass dévoile un peu plus ses impressionnantes chaînes de montagnes, et derrière nous, en contrebas, la vue sur le Kelly Saddle est à tomber.



Paumés sur notre pente enneigée, seuls au monde, nous savourons la montagne et son exploration comme cela ne nous était pas arrivé depuis un bon moment. Le pied!

Nous débouchons tranquillement à la base de l'arrondi qui forme le sommet de la Kelly Hill. Le versant est très exposé, et de violentes rafales balayent au ras du sol une brume de neige. Il n'y a presque plus de végétation autour de nous, seulement de la neige, de la glace aux formes étranges sculptées par le vent, et de la caillasse.



Nous avançons encore quelques minutes en essayant de ne pas nous vautrer sur un sentier plat mais complètement gelé, avant d'atteindre une ancienne station météo qui marque le sommet de la colline.

Perchés à 1465 mètres, nous découvrons ce que l'on nous a décrit comme l'un des plus beau panoramas de l'Arthur's Pass National Park. Et on ne nous a pas menti! Des montagnes, des montagnes et encore des montagnes, grandioses, qui se dressent devant l'horizon tout autour de nous à l'exception de l'ouest, où la vue porte tellement loin que nous apercevons la Tasman Sea!



Nous faisons le tour de la station en nous frayant un chemin dans la neige, avant de nous poser pour profiter du coin. Enfin, quand je dis "poser", je veux dire que nous sommes debout, les pieds enfoncés dans vingt centimètres de neige, passant en quelques minutes d'un état chaud et suant à un état frigorifié et grelottant à cause d'un vent très violent et surtout bigrement glacial...

Le froid est tel que, malgré la vue impressionnante, nous ne tenons pas longtemps sans bouger, et nous ne tardons pas à redescendre, d'autant que le soleil est en train de tomber et que nous ne sommes pas trop emballés par la perspective d'être encore dehors quand il se couchera. Il est temps de chercher un coin où dormir.

Nous replongeons dans la pente, à l'abris du vent, pour descendre doucement sur le col en suivant les traces de pas que nous avons laissé à la montée.

Une fois redescendus et les sacs récupérés, nous faisons le tour du col à la recherche d'un endroit où poser la tente, en vain, avant de décidé d'attaquer la Kelly Ridge dans l'espoir d'y être plus chanceux. Inutile de revenir sur nos pas, nous n'avons repéré aucun coin suffisamment plat dans les pentes abruptes précédant le col.

Il y aurait bien la solution d'aller squatter le refuge, complètement désert à cette époque de l'année, mais il est payant, cher, nous n'avons aucune envie de raquer, et bien que nous soyons hors saison touristique et qu'en dehors de quelques faucons et keas nous n'ayons pas croisé âme qui vive depuis le début de la balade, nous courrions toujours le risque de nous faire réveiller à 5h du mat par un ranger agitant une prune de 200$ sous le nez des petits resquilleurs que nous sommes. Et puis bon, dormir dans un refuge full-serviced en trek... Pourquoi pas la chambre double avec draps de soie et jacuzzi?

Nous continuons donc sur le chemin principal qui bifurque en direction de la crête, et qui d'après notre carte se poursuit encore sur un ou deux kilomètres avant que le tracé et le balisage ne disparaissent.

Pendant une quarantaine de minutes, sur fond de soleil couchant, nous nous élevons lentement le long des pentes douces et rocailleuses qui mènent du col au sommet de la Kelly Ridge, en nous arrêtant tous les cents mètres pour passer au peigne fin les alentours du sentier. Quand nous y dénichons un replat, il est soit couvert de grosses mottes de tussock, soit formé par une dalle de roche sur laquelle il est impossible de planter le moindre piquet, et il est hors de question de monter la tente avec les seuls arceaux sur un versant qui se prend de plein fouet les puissants vents d'ouest soufflant depuis la Tasman Sea. Dans tous les cas, nous comprenons que nous avons de grandes chance de passer la nuit sur une plaque de neige...

Nous découvrons bien un carré de mousse moelleuse aux dimensions parfaites, complètement plat, mais nous ne nous y laissons pas prendre : la plupart du temps, ces tapis en apparence idylliques sont en fait des éponges gorgées de flotte qui ressort quand on s'allonge dessus pour faire passer une nuit glaciale et humide au campeur inconscient. De notre côté, nous vérifions la chose en sautant à pieds joints sur la mousse, pour entendre le “sprotch sprotch” caractéristique du piège.

Le soleil commence à raser l'horizon lorsque nous trouvons finalement notre bonheur, sous la forme d'un carré de terre plat en surplomb du chemin, miraculeusement vierge de toute neige. Seules quelques plaques de gel le parsèment.

Nous nous en contenterons, et nous commençons à déballer les affaires en nous demandant si nous testons la couverture de survie en tant que dessus de lit quand nous recevons une visite qui nous fait complètement oublier nos préoccupations : un kea curieux vient se poser à quelques mètres de nous, pour venir nous observer et prendre des pauses bien badass sur le fond de soleil couchant. Il est bientôt rejoint par un autre, tout aussi inquisiteur, et nous passons un bon moment à nous entre-observer.



Notre amour des bêtes nous perdra... Les deux compagnons ont retenu notre attention trop longtemps : lorsqu'ils s'envolent, le soleil a disparu derrière les montagnes.

La chute de température qui s'ensuit est fulgurante. Un vent glacial se lève, et nous cavalons pour monter la guitoune, les doigts rendus douloureux par le froid malgré nos gants. Un fois la chambre dressée, nous sommes déjà congelés, mais une mauvaise surprise nous attend : l'intérieur est couvert de paillettes de givre, restes de la nuit précédente...

La question ne se pose plus : nous déployons la couverture de survie sur le sol, avant d'y étaler notre plaid, d'installer l'intérieur et de nous glisser tout habillés dans nos duvets. Cette nuit, ils vont enfin nous montrer ce qu'ils ont véritablement dans le ventre!

Ca va mieux! Bien emmitoufler, nous nous réchauffons avec un thé qui rend leur sensibilité à nos mains, avant d'engloutir notre dose de nouilles quotidienne.

La soirée et la nuit sont relativement bonnes compte tenu de la situation, et représentent un véritable hommage à nos vadrouilles hivernales européennes et à notre tour des Annapurnas, même si nous sommes infiniment mieux équipés qu'à l'époque!

Comme prévu, la température frise les -10 degrés... mais par en-dessous! En effet, le mercure tombe à -12 pendant la nuit. Là on commence à parler! C'est aux alentours de ces températures que nous devions porter deux couches de vêtements pour dormir à peu près correctement avec nos anciens duvets, devant nous contenter de bouquins en guise d'oreiller. Avec les nouveaux, une couche suffit!

Léonore profite en plus du renfort de sa bouillotte, qu'elle trimbale en trek et qui est plus ou moins devenue partie intégrante de sa personne.

Il caille quand même méchamment, le froid mord impitoyablement le moindre centimètre carré de peau laissé libre, et nous ne tardons pas à nous saucissonner dans nos sacs de couchage en ne laissant dépasser que le bout de notre nez.

Un unique problème nous empêche de passer une bonne nuit : les duvets remplissent parfaitement leur office... excepté au niveau des contacts avec le sol où, comprimés, ils n'isolent plus vraiment. La couverture de survie, que nous pensions être suffisante en l'absence de tapis de sol, s'avère en fait très peu efficace (oui, nous l'avons mis dans le bon sens!). Résultat, nous avons à peu près chaud de partout, excepté aux épaules, aux hanches et aux genoux, qui constituent de douloureux points de froid. La nuit est donc quand même un peu rude et se déroule en pointillés.

Mais bon, on se dit qu'en ajoutant de simples tapis de sol à notre panoplie, nous passerions des nuits relativement confortables même à -12 degrés!

Le réveil s'accompagne lui aussi d'une réminiscence de souvenirs, lorsque nous découvrons l'intérieur de la tente complètement givré et que je doit cogner notre bouteille d'eau gelée contre le sol pour en extraire une espèce de granité que nous faisons fondre afin de préparer notre thé du matin.

Le soleil se lève, mais nous attendons qu'il réchauffe un peu l'atmosphère avant de nous extraire de notre terrier. Dehors, le froid est encore intense, mais le temps est radieux, il n'y a pas l'ombre d'un nuage dans le ciel, et nous découvrons le paysage que la précipitation nous a empêché d'apprécier hier. L'une des plus belle vues qu'on puisse imaginer au réveil!



Frigorifiés, nous ne sommes pas encore en état d'apprécier pleinement le panorama, et la sortie est difficile et riches en surprises, bonnes et mauvaises : si le vent a préservé l'extérieur de la tente du givre, les chaussures de Léonore, mouillées de la veille, ont gelé, et elle se retrouve à faire les cent pas pour se réchauffer les orteils tandis que je me casse les doigts à démonter la tente.

Vers 9h, nous partons d'un bon pas, et au bout de quelques douloureuses minutes, durant lesquelles nos extrémités retrouvent leur sensibilité, nous voilà chauds et parfaitement d'attaque.

Nous continuons notre progression vers le sommet de la crête dans une étendue vallonnée de tussock, avant de grimper une côte assez escarpée qui achève de nous réchauffer et nous amène sur la Kelly Ridge.



Notre arrivée sur la crete est grandiose. Nous avons repassé la ligne d'enneigement durant la montée, et nous nous retrouvons face à un décors éblouissant de blanc, d'or et de cristal, similaire à celui que nous avons traversé hier durant l'ascension de la Kelly Hill. Quelques petits lacs gelés forment des taches sombres sur le blanc immaculé, et la vue dégagée à l'ouest donne sur de hautes chaînes de montagnes, et par-delà sur la Tasman Sea.



Ah oui, je le précise dès maintenant : je n'ai pas oublier mes lunettes de soleil, et nous avons de la crème solaire!

Devant nous, il n'y a plus aucune trace humaine! Le sentier a disparu, les balises aussi, mais les alentours sont tellement dégagés que la progression est simple. Comme hier, la neige est dure sans former de croûte de glace, et la marche est simple, probablement plus que sans le manteau neigeux qui aplanit toutes les irrégularités du sol.

Dans un état proche de l'extase, nous sortons boussole, carte, et mettons le cap au sud-sud ouest, en direction d'un regroupement de collines, dont nous grimpons les pentes douces en slalomant entre les touffes d'herbes.

Arrivés au sommet d'un promontoire, nous découvrons la suite de la crête qui s'étale loin devant nous, complètement dégagée, comme prévu droite, large et relativement plate. A dire vrai, nous n'avons même plus besoin de la boussole grâce à tous les petits lacs qui jalonnent ce qui est plus un étroit plateau allongé qu'une véritable crête, et dont les formes particulières sont précisément représentées sur notre carte.



Physiquement et techniquement, la marche est simplissime : nous traversons une plaine totalement plate, il n'y a parfois même plus de touffes d'herbes à enjamber, et le tapis neigeux est lisse et régulier.

Ce qui nous convient parfaitement! Nous avons tout le temps de contempler le formidable cadre qui nous entoure, sans oublier de repérer les lacs que nous croisons sur notre carte et de rectifier occasionnellement notre cap à la boussole. Quand nous hésitons sur la direction à prendre pour traverser confortablement une étendue de tussock particulièrement touffue, nous suivons simplement les traces qu'un lapin a laissé dans la neige, ce qui s'avère bougrement efficace!

Dans ce décors de rêve, à marcher tranquillement dans la neige en savourant le sentiment que nous procure cette simple mais jouissive session d'orientation, tout est parfait, tout est là. La montagne, la découverte et l'exploration libres et gratuites, l'échappée sauvage et solitaire dans un endroit isolé et magnifique, sans aucune contrainte, pas même celle de devoir suivre un sentier... Nous nous amusons à penser que nous sommes les premiers à mettre les pieds sur la crête, gambadant sur le plateau, grimpant au sommet du moindre talus pour nous y percher tel de fiers explorateurs. Grisant!



Nous tombons parfois sur quelques poteaux rouillés qui semblent baliser un itinéraire. Etant donné qu'on nous a dit que la direction que nous devions suivre n'était pas marquée, nous en concluons qu'il s'agit peut-être d'un ancien parcours, et nous décidons de nous en tenir aux caps que nous avons déterminés. Pour info, nous ferons bien, car nous les perdrons de vue vers la fin de la crête pour ne plus les retrouver.

Encore une fois, notre progression sur la Kelly Ridge est une promenade de santé, mais c'est exactement ce que nous espérions de tout coeur après la rude ascension d'hier, la nuit assez éprouvante et le début de matinée douloureux qui nous ont conduit jusqu'ici. Il fait beau, il fait chaud, nous marchons sans nous casser les jambes ni dégouliner de sueur, et nous sommes ravis de profiter de cet instant de détente en forme de récompense et de nous amuser en nous baladant tranquillement à travers des paysages qui comptent parmi les plus beaux que nous ayons vu dans ce pays!

Bref, c'est le pied! En revanche, nous confirmons ce que les rangers du DOC nous ont dit : ne vous pointez pas là-bas si la visibilité est réduite! Si le sommet de la crête est globalement plat, il y a quand même quelques escarpements à contourner, les versants qui l'encadrent sont très abruptes, et à moins d'être capable de maintenir et de rectifier exactement son cap sur plusieurs kilomètres sans aucun point de repère, le risque de se perdre, ou pire, est réel.

Nous atteignons la dernière portion de la crête, et débouchons devant un beau cirque montagneux, dont les bords nous cachent le dernier lac que nous devons croiser avant de bifurquer pour trouver la jonction avec le chemin vers la vallée de la Taipo, qui apparaît au loin.



Nous descendons dans le cirque, avant de jouer de la boussole et de suivre les tracés de notre pote le lapin pour découvrir ce qui ressemble à une piste, minuscule bande blanche de neige au milieu des buissons et des rochers, que nous remontons pour emprunter la bordure ouest du cirque. Quelques centaines de mètres plus loin, nous tombons sur le lac au détour d'une colline. L'endroit est sublime, et nous nous posons au bord de l'eau pour profiter une dernière fois de la Kelly Ridge.



Bon, c'est là qu'il ne faut pas se gourer... Le lac est profondément encaissé dans une cuvette, et nous n'avons aucune visibilité sur les alentours. En revanche, la piste est toujours là, qui traverse la cuvette. Nous constatons qu'elle suit la bonne direction, continuons dessus en grimpant un coté de la cuvette, débouchons sur un replat, et paf : à l'une de ses extrémités, un poteau orange! Punaise qu'on est bon.

Il est temps de descendre de nos sommets! Derrière le poteau, la piste a disparue, mais une pente dégagée et abrupte descend vers de petits lacs pour donner sur un versant parcouru de petites ravines. Bon signe, la Taipo Valley est juste en face de nous!



Nous descendons avant d'attaquer la traversée du versant. Nous passons plusieurs ravines sans rencontrer de difficulté particulière : le relief cache la vue, mais depuis un poteau le suivant est toujours visible, bien que souvent très éloigné. Il s'agit juste de trouver un passage pour descendre et remonter les ravines sans se retrouver bloquer. Là encore, ne pas s'enfiler là-dedans si la visibilité est mauvaise!

La neige disparaît peu à peu tandis que nous perdons de l'altitude, arrivant bientôt sur un petit replat depuis lequel le chemin plonge littéralement dans une pente raide de gros buissons de toutes formes.



Il n'y a toujours aucun chemin, seulement des poteaux plantés à intervalle régulier entre lesquels nous devons nous frayer un passage parmi les buissons, en suivant de minuscule tranchées de terre qui doivent probablement servir de lignes d'écoulement pour l'eau de pluie.

La descente est raide, l'avancée laborieuse, les buissons griffent et fouettent, les petits lits d'écoulement sont plein de graviers glissants, et maintenant que nous ne sommes plus en altitude, il commence à faire chaud... Un bon passage de bourrin, que nous ponctuons de plusieurs pauses pour admirer un vue toujours aussi magnifique!



La descente s'achève aussi brutalement qu'elle a commencé, et nous atterrissons sur un promontoire juste au-dessus de la lisière de la forêt, où nous retrouvons pour la première fois depuis ce matin un vrai sentier. Nous avons à peine le temps de souffler que le bougre plonge comme une brute en plein dans les bois...

Il se calme néanmoins après un moment pour descendre beaucoup plus progressivement, nous faisant traverser une magnifique forêt qui comme d'habitude évolue sans cesse au fur et à mesure de la descente. Descente un peu moins raide que la montée soit dit en passant! Le chemin est de bonne taille, et puis... Bah c'est un chemin, pas un enchaînement de marches énormes de racines et de pierres! La progression reste quand même sacrément sportive, et la forêt s'emballe par moment, ne nous laissant que peu de place pour progresser. Nous devons parfois ramper sous un énorme tronc d'arbre couché, quand nous ne nous trompons pas de direction à cause d'une vicieuse petite liane qui cache une balise... Une portion du chemin a été visiblement coupée en deux sur toute sa longueur par un glissement de terrain, nous offrant quelques mètres un peu trop aériens à notre goût!



Définitivement, les pentes de l'Arthur's Pass, c'est quelque chose!

Nous mangeons nos sandwichs dans la forêt, et atteignons la vallée en début d'après-midi, sortant brutalement du sous-bois pour nous retrouver face une grande étendue plate de couverte de pierres et de rochers, servant de lit à de nombreux petits cours d'eau en route pour la Taipo River.



L'ancien chemin de 4x4 que nous devons suivre jusqu'à la route est censé débuter de l'autre côte, et nous suivons l'étendue de caillasse en direction de la Taipo, mais un fois arrive au bord de la large rivière... Il n'y a plus de chemin! Il y en a pourtant un qui apparaît sur notre carte, traversant le large lit de pierre, mais nous avons beau chercher de tous côtés, nous ne voyons aucun cairn, aucune balise, pas la moindre indication matérialisant un passage à travers le lit.

Nous devons finalement trouver nous-même une voie à travers le chaos de roche et par-dessus la myriade de torrents et de ruisseaux qui serpentent au milieu... Nous voilà crapahutant dans la pierraille ou jouant les équilibristes au-dessus des flots en sautant de rochers en rochers, en espérant ne pas nous retrouver bloquer devant un torrent infranchissable.



Nous mettons plus de vingt-minute à franchir les quelques 50 mètres du lit... Dans un sens, nous avons du bol : à aucun moment nous ne devons faire demi-tour, nous découvrons toujours un passage au-dessus de chaque cours d'eau qui nous barre la route.

De l'autre cote de l'étendue de roches, une bute coiffée d'une ligne d'arbres et de buissons marque la limite du lit rocheux, et nous la remontons vers l'amont jusqu'à tomber sur le début du large chemin.

A partir de là, nous allons suivre la Taipo sur un terrain qui devrait être relativement plat. Comme toutes les fin de balade, celle-ci n'est pas exceptionnelle. Néanmoins, elle reste sympa, mais évidemment sans commune mesure avec ce que nous avons traversé hier et aujourd'hui!



Nous quittons peu à peu les montagnes, nous retrouvant encadrés par de hautes collines boisées, à l'ombre desquelles le chemin tout plat serpente, et nous traversons des endroits qui ne doivent pas voir le soleil de tout l'hiver, où tout est couvert de givre. Nous croisons nos premiers êtres humains depuis hier matin, sous la forme d'un couple de cyclistes en balade et de deux personnes en quads.

Nous nous retrouvons face à quelques affluents de la Taipo qui se laissent franchir sans trop de problèmes. Finalement, une seule fois nous nous retrouvons devant un cours d'eau sans trouver la moindre pierre pour traverser, et nous devons quitter nos chaussures et passer à gué en serrant les dents sous la morsure de l'eau glacée.

Il est 16h lorsque nous arrivons sur le parking marquant la fin du chemin et nous allons directement lever le pouce au bord de la route toute proche. Le soleil se couche dans une heure, et nous voulons rejoindre la voiture, à une trentaine de kilomètres de là, avant la nuit.

L'un des conducteurs de quad qui nous a croisé un peu plus tôt vient nous voir pour nous demander où nous allons. Il ne se rend malheureusement pas au même endroit, mais propose de nous poser un peu plus loin, au carrefour avec la route qu'il doit prendre. C'est mieux que rien, et nous acceptons. Refaire un brin de stop nous fait très plaisir, et nous discutons bien avec notre chauffeur jusqu'au carrefour... Qu'il passe sans s'arrêter, en nous annonçant qu'il va nous ramener jusqu'à la voiture! Ces néo-zélandais décidément... Le gars va se taper un aller-retour de près de 60 bornes pour nous arranger, alors que la nuit tombe et qu'il doit encore conduire sur une centaine de kilomètres supplémentaires pour rentrer chez lui, sur la côte est! Une digne conclusion à notre fantastique balade.

En chemin, nous parlons de tout et de rien. Alors que nous évoquons la conduite en Nouvelle Zélande, notre bienfaiteur nous raconte une anecdote amusante : apparemment, il faut faire très attention lorsqu'on conduit aux alentours de l'aéroport de Christchurch, car les touristes chinois qui arrivent en masse chaque jour se mettent au volant de leurs voitures de location dès la sortie de l'avion, et que fatigués par le voyage et le décalage horaire, certains oublient qu'ici on conduit à droite et provoquent des accidents en roulant en sens inverse... La chose ne nous étonne pas, se retrouver derrière une voiture ou un camping car conduit par des vacanciers chinois constituant notre hantise sur les routes du pays. Systématiquement, ils sont carrément dangeureux et se repèrent de loin, freinant brutalement sans la moindre raison, ralentissant inexplicablement à 30 km/h en pleine ligne droite, slalomant de panique au milieu de la route dès qu'il s'agit de croiser un autre véhicule... Quand nous tombons derrière une de ces voitures, nous gardons nos distances!

Revenus au parking à l'entrée de la balade, nous trouvons notre monture complètement couverte de givre et de cristaux de glace, et notre chauffeur nous dit qu'il va attendre de voir si notre voiture démarre bien avant de partir! Qu'est ce qu'on l'aime ce pays!

Il n'y a pas de problème, et nous quittons notre ami avec de grands signes de main avant de retourner au camping gratuit à l'entrée du parc.

La nuit est tombée, et nous montons le camp avant de retrouver, avec un certain soulagement il faut l'avouer, la chaleur des soirées dans la voiture.

Notre randonnée d'importance dans l'Arthur's Pass National Park est terminée. Concernant nos impressions dessus... Ai-je besoin d'ajouter quelque chose? Nous l'avons attendu. Nous l'avons repoussée. Et finalement, elle a comblée toutes nos espérances, à tous niveaux, nous offrant tout ce que nous attendons et aimons dans un trek. Variée techniquement, physiquement et visuellement ; exigeante mais pas trop ; magnifique, sauvage, intéressante et distrayante ; totalement déserte à l'exception des deux ou trois derniers kilomètres. Finalement, nous pouvons dire sans hésiter que c'est la balade de plusieurs jours que nous avons préféré en Nouvelle Zélande après notre indétrônable trek dans le Nelson Lakes National Park.

Nous discutons un peu de la suite durant la soirée. Demain, nous prendrons la matinée, comme prévu, pour aller faire un petit tour dans l'Otira Valley. Après ça, notre trek dans l'Hakatere nous attend! Mais pas tout de suite : nous sommes le 21 mai, et après-demain Léonore fête ses 26 ans. Bizarrement, nous rechignons à célébrer son anniversaire à coup de paquets de nouilles déshydratées sous la tente dans le froid de la montagne...

Nous décidons donc de retourner à Lincoln demain après-midi, pour prendre un ou deux jours de repos et fêter dignement les 26 ans de Léo avant de repartir pour trois gros jours de crapahute dans l'Hakatere.

Le lendemain matin, nous laissons la tente montée et partons pour la vallée d'Otira, juste à côté du petit village du même nom.

L'itinéraire, sagement nommé Otira Valley Track, remonte le long d'une ancienne moraine avant de la suivre à travers des étendues de tussock et d'arbustes subalpins jusqu'à un pont. La balade aller-retour, très facile et accessible, prend environ 1h30, et permet d'apprécier de beaux paysages alpins et une flore caractéristique des environnements montagnards néo-zélandais.

Rien de particulier à dire sur cette marche ultra simple, si ce n'est que nous ne regrettons pas du tout d'avoir gardé un peu de temps pour la faire, car elle est belle comme tout!

Le chemin, terreux et pierreux, parfois parsemé de neige ou de gel, monte doucement dans la broussaille. Le parcourt sur la moraine traverse quelques pierriers et un ou deux passages demandent un peu d'attention pour être négocier correctement, principalement à cause de la glace et de la neige qui couvre les rochers, les rendant glissant. En été, le parcours ne doit présenter aucune difficulté.

Depuis le pont, le fond de la vallée s'aperçoit plus loin, tandis que derrière, nous profitons d'une superbe vue sur les montagnes et les crêtes qui encadrent la vallée.



Nous terminons en milieu de matinée.


Joyeux anniversaire Léonore!!!


Sur le chemin de retour vers le camping, nous embarquons deux auto-stoppeuses françaises qui se rendent à Christchurch, repassons au camping pour replier le camp, et mettons les voiles en direction de l'ouest, faisant nos adieux au grandiose et magnifique Arthur's Pass.

Nous atteignons la côte est vers midi, faisons un petit détour par le centre-ville bien moche de Christchurch pour déposer nos passagères, et retournons à Lincoln. La météo est avec nous : les prévisions annonce de la pluie dans l'Hakatere pour aujourd'hui et demain, puis un grands soleil pour les trois jours suivants!

Nous passons acheter de quoi festoyer, et décidons de nous faire plaisir. En fait, nous craquons complètement! Et puis zut, on a des sous, autant en profiter.

Nous embarquons déjà tout le nécessaire pour nous préparer des nouilles frites aux crevettes dignes de ce nom, à coup de vrais nouilles chinoises fraîches et de crevettes entières. Nous ne cracherions pas sur un peu de fromage, mais comme l'intégralité des pays du monde, la Nouvelle Zélande ne tient pas la comparaison avec la France à ce niveau là. Nous trouvons tout de même un bleu d'Australie que nous avions gouté là-bas, excessivement chère mais moins pire que la plupart des absurdités qui hantent les rayons ici. Quand on tombe sur un formage portant la mention "real camembert from Netherland", on se dit qu'il y a des baffes qui se perdent... Nous complétons avec quelques amuses-gueule type chips de riz, sour cream et sauce sweet chili. Pour l'arrosage, nous prenons un petit vin local. Il s'avère que la Nouvelle Zélande se défend plutôt bien sur ce terrain! Mieux que l'Australie selon nous.

De retour au camping, nous passons l'après-midi et la soirée à nous gaver. Un superbe anniversaire!

Le lendemain, nous peaufinons notre rando dans l'Hakatere et la suite.

Nous allons suivre le Mount Somers Track, une boucle moyennement difficile de 26 kilomètres autour du Mt Somers. La boucle complète, faisant partie des classiques néo-zélandaises, se parcourt en deux jours, et traverse des environnements variés de forêts, de tussock, de hautes falaises, de crêtes et de collines.

L'entrée du circuit se trouve non loin du petit village de Staveley, à un peu plus d'une heure de route de Christchurch. A savoir qu'à partir du village, le chemin d'accès, suivant une route en terre, est indiqué.

Pour plus d'information sur la Mount Somers Track, voyez ici.

La durée estimée de deux jours implique des temps de marche compris entre 6 et 8 heures par jours, aussi décidons nous, afin de parcourir le tracé plus tranquillement, d'attaquer demain après-midi pour avaler quelques kilomètres et réduire ainsi les temps de marche des deux jours suivant. Nous passerons donc deux nuits dans le parc.

Après cette dernière virée dans l'Hakatere, nous voulons retourner dans le Mount Cook/Aoraki National Park pour explorer un plus le coin. Nous ne comptons pas forcément y faire de grosses randos de plusieurs jours, seulement de petites balades de quelques heures. Nous repérons un camping gratuit situé à seulement une soixantaine de kilomètres du parc, avant de consulter la météo... Déplorable. Nous aviserons plus tard.


Au coeur de l'Hakatere Conservation Park


Le lendemain, grâce à notre opération "pas de violence, c'est les vacances!", la matinée est relax, et débute par une bonne grasse mat et un réveil tout en douceur avec quelques thés, avant de se poursuivre par un peu de lecture en attendant que la tente sèche complètement. Nous avons même le temps de papoter un peu avec nos voisins de camping avant de tranquillement nous mettre en route après un petit pique-nique sous le soleil.

Nous traversons les belles étendues de campagne du Canterburry, et arrivons sur le petit parking perdu dans les bois où débute et s'achève la boucle vers 14h30. Nous décidons de marcher une petite heure et demi avant de commencer à chercher un coin ou dormir. Pénard je vous dis!

Le trek débute en pleine forêt, par une petite ascension d'environ 400 mètres sur un chemin raide mais parfaitement dégagé et régulier.

Après un court passage plat dans un sous-bois clairsemé, nous perdons toute l'altitude que nous venons de prendre lorsque le sentier plonge dans une ravine boisée.

Nous atterrissons au bord d'un torrent que nous longeons un moment, durant une sympathique portion qui nous fait même passer sous une cascade, avant de le franchir par un pont suspendu. Une fois sur l'autre rive, le sentier se remet à grimper, d'abord doucement en lacets, puis droit dans la pente, se faisant très escarpé et beaucoup moins facile à suivre. Et bien, ces premiers kilomètres savent y faire en cassage de rythme et de jambes!



La fin d'après-midi approche, et sous sa dense canopée, la forêt s'assombrit rapidement. Nous commençons à scruter les abords du chemin en quête d'un endroit où dormir, mais sans trop y croire : nous sommes en pleine pente, et la végétation est très dense.

Nous ne nous affolons pas : il est 16h, le soleil se couche dans une heure, et si nous ne trouvons pas notre bonheur d'ici là, d'après les descriptions de l'itinéraire, nous serons alors à moins d'une heures de marche de la sortie de la forêt et de la fin de la pente, qui est censé déboucher sur un plateau de tussock. De plus, nous ne sommes pas très haut, et le chemin est définitivement moins technique que celui que nous avons suivi dans l'Arthur's Pass. Va-t-on finir la journée par une petite session nocturne à la frontale ?

Et bien non! Il fait presque nuit lorsque nous tombons sur une petite fougeraie dépourvue d'arbres et relativement plate qui s'ouvre juste à côté du chemin.

En vérité, un seul petit carré de fougères couchées s'avère être suffisamment plat pour pouvoir dormir dessus, et notre tente y tient tout juste. Evidemment, étant situé en dehors de l'abri des arbres, il est couvert de neige...

Nous sertissons le camp tant bien que mal au milieu d'un écrin d'envahissantes fougères, et remettons en place notre dispositif d'isolation, tout en connaissant déjà son manque d'efficacité.

Une fois posé dessus, le tapis de fougère se révèle très confortable mais sacrément irrégulier, et nous ne prenons pas le risque de préparer le thé et les nouilles à l'intérieur, préférant le faire sous le vestibule et nous les geler plutôt que de risquer une inondation d'eau bouillante à l'intérieur de la tente.

La température chute rapidement en-dessous de zéro, et nous nous calfeutrons dans nos duvets tout de suite après le dîner. Il n'est pas 20h.

Comme dans l'Arthur's Pass, la soirée, la nuit et le réveil sont rudes. Et comme dans l'Arthur's Pass, le problème ne vient pas de la température. Celle-ci tombe à -8 pendant la nuit, mais nos duvets sont définitivement très bien conçus et efficaces, même en-dessous des minimales préconisées par le fabriquant.

En revanche, la moindre partie du corps qui touche le sol se retrouve douloureusement gelée en quelques minutes.

Mais bande de loutres, pourquoi vous ne prenez pas vos tapis de sol ? Vous dormez très bien dessus, même quand les températures sont négatives ! Et bien parce que ceux-ci étaient fournis avec la voiture, et qu'ils sont plutôt bas de gamme. En conséquence de quoi, s'ils isolent correctement du sol, ils sont énormes, encombrants, et 20 centimètres plus larges que nos sacs une fois roulés. Nous avons bien envisagé d'investir dans ces nouveaux tapis de sol auto-gonflant qui une fois repliés ne prennent presque pas de place, mais ils coûtent les yeux de la tête, et nous avons déjà mis pas mal d'argent dans les achats matos, entre des chaussures de marche neuves pour tous les deux et la nouvelle tente.

Et quand bien même nous en disposerions, seules nos nuits seraient plus confortables. Nous serions toujours obligés de nous pieuter à 19h à cause du froid, et la sortie du duvet au petit matin serait toujours aussi douloureuse.

Nous pensions être toujours en mesure de nous accommoder de tout ça, pour la simple et naïve raison que nous l'avons déjà fait, dans des conditions plus mauvaises encore et sur des périodes autrement plus longues, mais pas aujourd'hui. Sur le coup, nous nous demandons sincèrement comment nous avons fait pour vivre comme ça pendant plusieurs semaines en Grêce et en Turquie! Avec du recul, les réponses sont assez évidentes : le début grisant et exaltant du voyage avec une volonté de vivre avec le minimum, l'idée bien ancrée et péremptoire que c'était ça ou le retour anticipé, cette même idée qui nous a permis d'accomplir notre première année de voyage avec moins de 7000 euros.

Aujourd'hui, ça ne passe pas. Nous ne voulons plus être obligés de nous coucher tous les jours juste pour nous réchauffer alors que nous savons que nous n'allons pas trouver le sommeil, nous ne considérons plus que nous réveiller toutes les heures à cause du froid est normal et inéluctable.

Lorsqu'à cinq heure du matin, nous nous retrouvons côte à côte à nous frotter les épaules et les genoux, comme nous l'avons fait si souvent durant les premiers mois de notre Petit Tour, nous nous disons que cette fois nous en avons déjà marre et que notre session de trekking hivernale va vivre sa conclusion avec la fin de cette balade.

Nous somnolons jusqu'à 7h, avant d'accumuler un peu de chaleur dans nos mains en les serrant contre notre tasse de thé puis de sortir dans la fougeraie complètement givrée pour replier la tente en faisant une pause après chaque geste pour nous réchauffer les mains.

Nous nous relançons dans la pente vers 9h. Le démarrage en pleine côte est plutôt brutal et nous réchauffe un peu trop, mais une heure plus tard, le sentier s'aplanit enfin, nous sortons de la forêt et débouchons sur un plateau couvert de buissons et bordé de falaises.



Le repos est de courte durée, et le chemin se remet bientôt à grimper, mais nous prenons de la hauteur et les alentours enfin dégagés dévoilent un paysage à couper le souffle!



Nous voilà sur la face nord du massif. Les buissons laissent place au tussock, nous atteignons le pied des falaises, et le brisage de jambe recommence : le tracé franchit une succession de ravines, et nous passons notre temps à descendre puis à remonter des pentes très escarpées, encore et encore, sur de la caillasse et de la glace, à travers des pierriers bien casse-pieds ou par-dessus de hautes marches rocheuses ou terreuses...

Nous nous tapons de bonnes suées, mais ça dégage, le soleil brille, les oiseaux chantent, et le décors est impressionnant!



Nous atteignons finalement le sommet d'une petite crête, pour constater avec soulagement que le sentier à visiblement décidé de faire un break dans les montées-descentes : il suit calmement le flanc d'un versant en pente douce, avant de traverser une plaine de tussock bien plate jusqu'à un petit col. La progression se fait beaucoup moins bourrine, et côté visuelle, les mirettes en ont pour leur compte! Plus nous avançons, plus le paysage donne dans le vaste et le sublime, et nous nous délectons par avance de ce que va nous offrir la suite, étant donné que d'après nos calculs, le passage du col va nous permettre de découvrir la vue sur la vallée de la Rangitata River, où se dresse le mont Sunday.



A l'approche du col, le sentier disparaît parmi les touffes de tussock, et nous suivons notre flair sans nous poser de question en avançant droit devant avant de grimper l'une des collines qui encadrent le col. Une fois au sommet, nous commençons à nous dire que cela fait un moment que nous n'avons pas vu la moindre balise...

Nous regardons autour de nous, en contrebas, au loin... Pas un seul poteau de marquage en vue! Nous sommes visiblement perdus, et nous n'avons aucune idée de l'endroit où nous avons quitté le tracé balisé, pour la bonne raison que nous marchons le nez en l'air sans trop nous préoccuper du chemin que nous suivons depuis une bonne demi-heure!

Sur le coup, on se dit que la recherche du sentier attendra, car la colline se poursuit sur une crête qui a l'air d'aboutir à quelque chose de grand.



Nous avançons dans la broussaille, tandis que le paysage devant nous se dévoile de plus en plus, et nous arrivons finalement à la fin de la crête, sur un promontoire ouvert face à la vallée que nous découvrons les yeux écarquillés, en nous disant que nous paumer ici était la meilleur chose qui pouvait nous arriver, et en nous demandant pourquoi diable le tracé ne passe pas par là.

Un gros rocher plat nous offre un siège confortable pour nous poser et profiter de ça :



Qu'est ce qu'on a bien fait de venir se percher là-haut!

Il fait bon, une légère brise souffle, et nous restons un long moment silencieux à laisser nos yeux vagabonder sur la grandiose immensité qui s'étale devant nous en savourant le calme environnant.

Après plusieurs dizaines de minutes de contemplation oublieuse, il est temps de remettre les pieds sur terre et de nous souvenir que nous sommes complètement paumés! Loin, très loin devant, nous voyons la suite du sentier sinuer entre les collines, mais son origine nous est cachée, et nous ne sommes même pas sûr qu'il s'agit de celui sur lequel nous devons atterrir. Je me met à faire le tour de notre perchoir arrondi en quête de point de repère. Au nord, une profonde gorge inaccessible. A l'ouest, notre promontoire donne dans une pente infranchissable de pierriers. Finalement, perché au sommet du versant sud de la colline, je retrouve le sentier... Au fond d'une étroite gorge encaissée, quelques cent mètres plus bas. Effectivement, nous avons du rater un virage...

Impossible de voir jusqu'où il remonte, et nous rechignons à faire demi-tour pour trouver le début de la descente dans la gorge. Vu la profondeur, nous avons du quitter l'itinéraire balisé depuis un bon moment.

Les épaisses touffes de tussock, qui nous donnent tant de soucis quand il s'agit de poser la tente au milieu, présentent quand même certains avantages : en plus de magnifier un paysage de leur belle couleur dorée, elles transforment la moindre pente en une sorte d'escalier. Le versant sud de la colline est raide, mais abordable, et grâce aux marches de tussock, nous parvenons sans trop de soucis à rejoindre le chemin.

Nous laissons les grandioses paysages dégagés dans les hauteurs, mais la gorge est très sympa à parcourir, et présente un aspect minérale et poussiéreux de canyon, tandis que le peu de végétation qui borde le chemin est du genre buissonneuse et colorée.



Nous faisons notre pause déjeuner au milieu d'une prairie d'herbes sèches, avant de poursuivre en direction d'un refuge censé marquer l'endroit où le chemin tourne progressivement pour rejoindre la face sud du massif du Mont Somers.

Notre marche reprend une allure de promenade, le sentier est large, plat et régulier.



En début d'après-midi, nous arrivons en vue du refuge, devant lequel nous apercevons quelques randonneurs. Ce sont les premiers que nous voyons depuis que nous sommes partis!

Nous ne les approchons pas, en bestioles farouches et sauvages que nous sommes, et poursuivons le long d'une rivière entre deux rangées de collines escarpées. Le paysage change, la végétation aussi, et le sentier nous offre quelques petites embûches marrantes, des traversées de rivières, une violente grimpette dans un pierrier, et un pont suspendu entre deux falaises. Nous avons repris de l'altitude tandis que le chemin a bifurqué progressivement vers le sud, et c'est tout un nouveau et grandiose paysage que nous découvrons.



Et le bourrinage recommence de plus belle : une fois le pont passé, les enchaînements de ravines à franchir reviennent en force, pour le plus grand plaisir de nos cuisses. Et vas-y que je grimpe 20 mètres, et vas-y que je t'en redescend 40, et que j'en remonte 30... Chaque fois que nous atteignons le sommet d'une pente, c'est pour découvrir un nouveau creux de l'autre côté! Ce Mount Somers Track est définitivement très sportif.

Et très magnifique! En deux petite heures, nous traversons belles forêts et vastes étendues de collines broussailleuses, longeons des falaises torturées, des corniches rocheuses et des torrents aux eaux bondissantes. Le cadre change constamment, et à chaque fois que nous prenons de la hauteur ou que nous suivons une falaise, nous profitons d'une nouvelle vue formidable sur le parc.



Epuisant tout ça! Mais nous sommes ravis : la marche est intense, le terrain varié, et le paysage grandiose.

Nous débouchons finalement, après une dernière grimpette dans la caillasse, sur un vaste plateau de tussock. Il est près de 15h30, l'heure n'est pas encore venue de poser la tente, mais la tentation de le faire est grande : autour du sentier, les hautes touffes d'herbes ménagent régulièrement de beaux carrés dégagés et bien plats, comme pour nous narguer et nous pousser à faire nos loques!



Dans l'absolu, le fait de nous poser plus tôt que d'habitude ne nous pose pas de problème, surtout quand nous venons de nous enfiler des passages comme celui que nous venons de traverser, mais nous sommes encore loin de la fin de la boucle, et nous voulons avancer le plus loin possible aujourd'hui pour achever le tour tôt demain et avoir le temps de rejoindre le Mont Cook avant la nuit.

Nous traçons notre route tandis que le soleil décline. Après le plateau, le chemin bifurque et rejoint la face sud du massif.



Nous voilà à l'ombre de la montagne, et en face de nous s'étale la pente douce d'un immense versant dégagé, traversé de nombreuses lignes plus sombres qui doivent être formées par le feuillage des arbres qui emplissent le fond de probables ravins. Encore un paquets de montées-descentes en perspective... En revanche, ce serait bien le diable si nous ne trouvons pas de quoi poser la tente sur le versant!

Au sud, le paysage s'est métamorphosé : plus de montagnes et de relief, mais une immense plaine qui s'étend à perte de vue.

Nous attaquons la traversée du versant, pour rapidement nous apercevoir que l'ombre et la distance nous ont joué des tours : en fait d'espace dégagé, la pente douce n'est qu'un gigantesque et dense hallier d'énormes buissons! Le chemin est plat, mais ses abords sont infréquentables pour la nuit...

Nous avançons sur le versant, franchissant parfois un ravin emplit d'arbres que nous fouillons en vain pour y dénicher un petit espace dégagé. L'heure tourne, tourne... et la nuit tombe. Bigre.

Nous avons à peine le temps de réfléchir à un plan de secours que la main du destin nous en fournit un tout beau tout chaud : il est presque 18h, et tandis que la pénombre se fait de plus en plus importante et le froid de plus en plus mordant, nous voyons soudain apparaître devant nous les murs en tôle d'un abri!

Il s'agit d'un abri d'urgence, mis en place sur le parcours pour accueillir les randonneurs en cas de gros temps. Et ils ont visiblement une définition particulière de la notion d'abri d'urgence en Nouvelle Zélande : nous découvrons une grande cabane avec terrasse en bois, porte vitrée et fenêtres. A l'intérieur nous attendent des bancs, une table en fer blanc, des bougie, et... Punaise, des vrais matelas!

Un panneau rappelle que le coin n'est pas un refuge, seulement un abri en cas de besoin. Mais bon, nul part il n'est écrit qu'il est interdit d'y dormir, il y a des matelas, et de toute façon nous pouvons plus ou moins légitimement nous considérer comme étant dans le besoin : voilà 9 heures que nous sommes partis, nous sommes épuisés, et dehors, il fait presque nuit noire et il gèle.

Le sourire jusqu'aux oreilles, nous décidons de profiter de l'aubaine, surtout qu'elle est gratuite. La nuit s'annonce des plus luxueuses! Rendez-vous compte : c'est la première fois que nous allons dormir sur des matelas depuis que nous avons quitté le verger!

Nous installons les bouzins par terre, sortons nos affaires, et passons ce qu'on pourrait décrire comme une soirée dans un chalet avec vue sur les montagnes accompagnée d'un dîner asiatique aux chandelles.



Après avoir profité de la terrasse pour admirer un ciel étoilé fantastique, nous nous couchons dans notre lit king-size et nous endormons comme des loirs.

Au réveil, nous sommes tout requinqués après une nuit de rêve comme nous n'en avions plus passée depuis longtemps ! Nous nous mettons en route vers 8h, pour découvrir l'extérieur blanc de givre. La nuit à dû être froide...

Quatre ou cinq heures de marches nous attendent pour boucler la boucle. Nous quittons le hallier pour nous élever dans la forêt, passer un col et déboucher sur une crête étroite et rocailleuse qui descend par paliers vers la vallée.

La fin de la balade, paisible, permet à nos pauvres pattes percluses de courbatures de prendre un peu de vacances après la violente journée d'hier, et le tracé très aérien qui suit le sommet de la crête nous offre un sacré point de vue, avec le mont Somers à gauche et l'interminable plaine du centre Canterbury en face et à droite. Bon, le quadrillage de champs et de pâturage piqueté de fermes ne vaut pas les collines de tussock et les montagnes de l'Hakatere, mais ça change, et ça reste très sympa! La vue porte tellement loin que nous apercevons les collines de la péninsule des Banks.



Après une heure ou deux, le sentier plonge dans la forêt et descend en zigzagant jusqu'au parking, que nous atteignons vers 11h, beaucoup plus tôt que prévu.

Pour tout dire, nous sommes plutôt soulagés d'en avoir fini... En effet, nous retenons principalement deux choses du Mount Somers Track : la grandiose variété de ses paysages et de ses terrains, et... son exigence physique. Techniquement, la boucle ne présente presque aucune difficulté, et se parcourt sans problème, le chemin étant toujours à peu près régulier et bien tracé, si l'on met de côté quelques petites portions où il ne faut pas perdre le balisage des yeux... En revanche, les montée-descentes a répétition sont éprouvantes, et le rythme de la marche est plutôt chaotique et impitoyable pour les guibolles! Evidemment, il faut s'attendre à ce genre de chose quand on fait le tour d'une montagne aux pentes sculptées de ravins, de crête, de gorges et d'arrêtes. Encore une fois, c'était sportif, ce qui n'est pas plus mal!

A côté, l'itinéraire traverse des environnements sans cesse changeant, toujours magnifiques, et permet de découvrir des paysages grandioses qui évoluent au fur et à mesure que l'on tourne autour du massif.

Et comme dans l'Arthur's Pass, nous avons pu avoir le parc quasiment pour nous tous seuls : en dehors des quelques pèlerins que nous avons aperçu au loin à côté de la hutte hier, nous n'avons croisé absolument personne.

Nous voulions explorer l'Hakatere un peu plus en profondeur, et nous ne sommes vraiment pas déçus du voyage!

C'est donc comblés mais épuisés que nous balançons nos sacs à l'arrière de la voiture, avant de partir sous le soleil, cheveux au vent, vers le sud et la suite de notre tour...

Ainsi s'achève, pour le moment du moins, notre session grande randonnée post-picking.

Si notre virée dans le Mout Richmond Forest Park et notre incursion dans le Clarence nous ont bien dégourdi les pattes tout en étant beaucoup plus belles que ce à quoi nous nous attendions, nos retours dans l'Arthur's Pass et l'Hakatere nous ont vraiment offert l'apothéose tant espérée, et ce à tous les niveaux.

Ce n'est pas encore aujourd'hui que nous trouverons de quoi pondérer le sentiment jouissif qu'en Nouvelle Zélande, on peut aller vraiment n'importe où en étant sûr de se faire péter la rétine tout en s'échappant dans la nature! Ce n'est pourtant pas faute de chercher...

Sans mauvais jeu de mot, l'arrivée de l'hiver a quand même bien refroidi nos ardeurs, plus rapidement que prévu. Nous savons bien que nous aurons encore de nombreuses nuits glaciales à passer sous la tente, ici ou en Amérique du Sud, mais alors nous ne devrons le faire que spontanément, en montagne, sur des périodes données et entrecoupées de séjour en basse altitude, au printemps et en été. Parce qu'en ce moment, certes, nous nous les caillons en montagne, mais... nous sommes en hiver, et nous nous les caillons aussi le reste du temps! Même à Lincoln, sur la côté, nos nuits étaient loin d'être chaudes quand le ciel était clair, et nos soirées comme nos matinées en dehors des duvets étaient plutôt éprouvantes. Passer une semaine à se les geler pour effectuer un gros trek en montagne avant de rejoindre la chaleur de la vallée est une chose, mais savoir qu'à la fin de ce trek on va continuer à dormir sous températures négatives pendant des semaines en est une autre, qui nous fatigue beaucoup plus qu'il y a trois ans...

Nous allons donc faire une pause avec les épuisantes alternances entre les nuits à -10 et les nuits à -1, pour essayer de ne conserver que les nuits à -1, ce qui est déjà largement suffisant!

Coup de bol, la suite de notre périple va nous conduire à effectuer presque uniquement des marches et des visites durant au maximum une journée, qui si elles nous amènent en montagne nous en ferons redescendre pour dormir!

Dans notre prochain article, la fin de notre deuxième tour de l'ile sud, une fin que les résolutions citées plus haut ont forcément rendu plus posée que le début! Au programme, quelques petites mais magnifiques balades dans les alentours du Mont Cook, l'exploration du nord du Fiordland National Park, avec notamment la découverte du célèbrissime Milford Sound, suivie d'un peu de tourisme seigneur-des-anneauxiens autour de Glenorchy près de Queenstown, pour terminer avec un retour dans la belle région de Wanaka et les retrouvailles avec Florian avant son départ pour la Thaïlande.

A bientôt!