lundi 23 novembre 2015

Phnom Penh : dégringolade au Cambodge et découverte de la capitale

Premier article sur le Cambodge, avec notre arrivée dans le pays et notre découverte de Phnom Penh, la capitale.

Capitale que nous avons dû rejoindre en catastrophe pour régler une petite formalité administrative...

Rappelons rapidement les faits : ayant parcouru durant notre voyage une bonne dizaine de pays classés ''à risque'' pour la tuberculose par le ministère de l'immigration néo-zélandais, nous sommes tenus de fournir une radio des poumons pour prétendre à l'obtention de notre working holiday visa. 

Problème, alors que nous pensions avoir le temps de faire ces radios, la veille de notre départ du Laos et dix jours après notre demande de visa, nous recevons un mail du responsable de notre dossier en Nouvelle Zélande, nous annonçant que nous n'avons que quinze jours à compter de la date de demande pour faire parvenir nos radios... Ce qui nous laisse cinq jours. Nous partons demain, donc quatres jours. Le centre de radiologie agréé le plus proche se trouve à Phnom Penh, la capitale du Cambodge, à une journée de voyage des 4000 îles. Et de trois jours...

Si cette explosive information ne change rien à notre date de départ du Laos, elle nous empêche de nous poser juste après la frontière pour organiser notre vadrouille au royaume des khmers. 

C'est donc parti pour une grande course vers la capitale Cambodgienne, à cheval sur le fol espoir d'obtenir nos radios à temps pour les faire parvenir à l'immigration avant la fin de l'échéance. Nous n'avons de toutes façons pas le choix, il faut que ça passe.

Le jour du départ de Don Khon, nous ne nous embarrassons pas de vaines conjectures ou de ''et si...?'' inutiles. Nous ne pouvons pas aller plus vite que les transports, les dés sont jetés, et nous mettre la pression ne changerait rien à rien.

Une fois n'est pas coutume, nous organisons notre trajet jusqu'à la frontière cambodgienne en agence. Deux agences en moins de deux semaines, ils s'assagissent les débrouillards me direz-vous... Mais il s'avère que dans notre cas, il est plus économique de passer par une agence que de tout régler soit-même à la station de bus, rapport aux prix spéciaux et officiels pratiqués avec les étrangers. Oui, ils sont forts, très forts... Bref, c'est fou, mais les tarifs des tours-opérateurs sont inférieurs a ceux qu'on obtient en se pointant directement au guichet.

A noter qu'il est possible de rallier directement Phnom Penh depuis les 4000 îles, mais dans ce cas le prix du visa cambodgien est plus élevé. C'est en effet votre chauffeur de bus qui s'occupera dans ce cas des formalités d'entrée en en profitant pour se mettre une petite commission dans la poche...

De notre cote, nous comptons rejoindre la frontiere, la passer seul, et recuperer un transport, si possible local, de l'autre cote.

Aux premières lueurs de l'aube, nous quittons notre petite île paradisiaque en pirogue, regagnons les rives du Mékong, et rejoignons la station de bus de Nakasang. Une petite heure plus tard, nous roulons en mini bus vers la frontière. 

Nous débarquons, faisons tamponner nos visas laos (2$ le coup de tampon!), et rejoignons à pied le côté cambodgien. Nous passons un premier poste de douane, remplissons quelques papiers, gagnons un autre bureau, et 35$ plus tard nous voilà en possession de beaux visas cambodgiens de trente jours. A noter que notre tentative de payer moins cher en nous occupant nous-même de nos visas est moyennement concluante : nous aurons économisé... 1$ chacun par apport à ceux qui se sont contentés de laisser leur chauffeur de bus régler les formalités...

Un homme nous harponne dans la minute qui suit pour nous proposer un billet de bus à destination de Phnom Penh. 

Il n'y a pas de transports locaux, seulement une compagnie de bus, et nous acceptons. En début d'après-midi, nous embarquons dans un nouveau van et roulons une petite heure avant un premier arrêt au milieu d'une grosse bourgade. Nous ne savons pas du tout dans quelle ville nous sommes, mais c'est ici que se séparent les voyageurs désirant rejoindre Siem Reap et ceux visant la capitale, et nous profitons de la pause pour fureter un peu en quête de quelques premières impressions. Sans dire que le bazar règne, le bled est quand même très animé, et l'activité fourmillante des alentours tranche radicalement avec le calme lao que nous venons de quitter. C'est le retour des immeubles de plusieurs étages, de la circulation assourdissante, des klaxons à tout-va et j'en passe... Mais le tout ne se départit pas des inconditionnels petits marchés grouillants et autres vendeurs ambulants asiatiques.

Nous tâtons pour la première fois le très particulier système monétaire cambodgien. Nous avons donc d'un côté le riel, la monnaie officielle. Un euro vaut grosso-modo 4500 riels à l'heure où nous ecrivons ces lignes. De l'autre cote, nous avons le bon gros dollar americain, utilise en parallele. Un dollars US vaut un peu plus de 4000 riels. Si dans quasiment tous les pays, il est parfois possible de payer directement en dollars, dans les grands magasins, les hotels de luxe, les compagnies de voyages etc... Au Cambodge, c'est different : les deux monnaies sont utilisées pareillement dans tout le pays, de la petite échoppe au gros hôtel, du vendeur de bananes ambulants à la gargotte du coin en passant par le restaurant et le marchand de poisson. Ce système bimonétaire n'est pas seulement utilisé par les touristes, mais aussi par tous les cambodgiens.

Nous allons vite nous apercevoir que l'exercice de jonglage et de calcul permanent qu'occasionne ce fonctionnement demande un petit temps d'apprentissage.

Prenons pour exemple notre premier casse-croûte en ville : nous trouvons un distributeur de billet, et retirons de l'argent en dollars, avant de dégoter un vendeur de sandwichs. Il nous donne son prix : 6000 riels, soit 1.50 $. Nous lui donnons deux dollars, et il nous rend notre monnaie en riels. Cette petite transaction ne paie pas de mine racontée comme ça, mais dans la pratique elle aura pris près de 5 minutes de calculs et de conversions entre les deux monnaies... C'est un coup à prendre!

En attendant notre bus, nous faisons connaissance avec quelques autres voyageurs français. Parce que oui, au Cambodge, nous allons pour la première fois depuis le début du voyage parcourir un pays en plein début de saison touristique. La chose ne nous emballe d'ailleur pas particulièrement, entre les prix qui s'envolent et les hordes de vacanciers... Ce n'est pas pour rien que nous voyageons hors saison depuis deux ans. Mais la période d'affluence comporte tout de même quelques avantages. Un climat moins brutal et plein d'amis avec des sacs sur le dos en font partie.

Aujourd'hui, nous rencontrons deux couples de tour-du-mondistes gaulois. 

Diane et Guillaume, sur la route depuis quatre mois, ont prévu un an pour faire le tour du globe. Nous ne passerons pas beaucoup de temps ensemble, et ils embarquent rapidement dans un bus à destination de Siem Reap.

Maxime et Tabatha, de leur côté, ont quitté la France en janvier dernier, et ils achèvent leur avant-dernier mois de voyage, après avoir traversé l'Amérique du sud, l'Océanie et l'Asie du sud est.

Nous prenons le même bus, et partageons quelques heures de route ensemble, évidemment insuffisantes pour échanger toutes les histoires de nos périples respectifs. Arrivés à Kratie, nos amis font halte pour quelques jours, et nous échangeons nos contacts avant de les laisser pour embarquer dans un troisième mini bus. 

Le soleil se couche, la journée s'éternise, et les mini bus successifs sont de plus en plus remplis. Et pas que de gens. Ce coup-ci, nous partageons le minuscule véhicule avec une quinzaine de personnes, des moteurs en pièces détachées, tout un tas de marchandises, et même une mobilette...

La nuit tombe, et nous traversons d'interminables zones très urbanisées, savourant difficilement le retour de la dense et anarchique circulation pas vraiment réglementée que nous avions laissé au Vietnam. En gros, la seule règle admise est que le plus massif a la priorité... 

Nous commençons à être franchement crevés par cette interminable journée de voyage, nous ne savons pas où nous allons arrivé, nous n'avons aucun point de chute, aucune carte de la capitale, aucune adresse, il fait nuit, nous avons faim, et en plus... Il pleuuut! 

Pas de panique, ce n'est pas la première fois. Pour nous activer un peu les méninges, nous commençons à discuter avec nos voisins de siège, deux jeunes français d'origine cambodgienne qui se rendent dans la capitale. En grands habitués de Phnom Penh, ils vont nous être d'un grand secour.

Après quatorze heures de voyage, une pirogue et quatres bus, nous débarquons sous la pluie près d'une station service au milieu des immeubles. Nous voila dans la capitale du Cambodge! Il est 22h, nous sommes éreintés, mais nos deux amis sont là. Ils envoient balader les chauffeurs de tuk-tuk qui nous encerclent dès que nous mettons pied à terre, et nous invitent à les suivre, pour nous emmener dans le quartier touristique, où se trouvent toutes les guest houses! Merci!

Enfin nous ne sommes pas encore sortis du sable... Il nous faut encore trouver un endroit où échouer! Nous nous trainons parmis les immeubles et la circulation dans les petites rues du centre, découvrant un très curieux premier aperçu de la ville et du Cambodge. A cette heure-ci, les rues sont encore très animées, et presque entièrement éclairées de rouge par les terrasses des trèèès nombreux bars à filles... Tous les dix mètres se trouvent ainsi des groupes de très (trop?) jeunes demoiselles courtement vêtues, qui aguichent de gros et vieux touristes aux bajoues tremblotantes et au teint rendu écarlate par le whisky et la bière. Repugnant.

En plus de l'agitation (le Laos nous manque déjà!), une deuxième claque nous arrive peu à peu en pleine courge : nous passons une guest house, puis deux, puis trois... Aucune chambre en-dessous de 15$. Nous tournons près d'une heure, désespérés par ces prix. Nous dégotons bien un ou deux établissements proposant des piaules à 10$, mais ils sont complets. 

Il est près de minuit lorsque la fatigue l'emporte et que nous nous résolvons la mort dans l'âme à claquer 15 précieux dollars pour poser nos bardas et nous effondrer sur un lit douillet. Nous n'avons pas payé une telle somme pour dormir depuis la Turquie, où nous nous étions retrouvés bloqués à Izmir à la tombée de la nuit... Enfin bon, nous y sommes, et c'est bien l'essentiel!

Au matin, nous continuons notre quête de la chambre pourrie, sillonant le quartier, et trouvons enfin une piaule à 10$ où déménager. 

L'heure n'est pas encore au repos, et il est temps de nous atteler à la tâche qui nous a conduit ici, en croisant les doigts pour que la chose se règle rapidement. Un petit coup de google map nous permet de localiser la clinique internationale agréée par l'immigration néo-zelandaise, et nous filons sur place. Coup de chance, elle n'est qu'à quelques dizaines de minutes de marche! 

C'est là que tout va se jouer... Première bonne surprise, le réceptionniste voit exactement ce que nous voulons, et il nous prend rendez-vous... Pour dans deux heures! Ouiiiii! La cerise sur le gâteau, c'est que la clinique peut envoyer directement les résultats de nos radios par internet au ministère de l'immigration en Nouvelle Zélande. Re ouiiii! 

Et bien voilà, mission accomplie. Inutile de dire que nous sommes trèèès soulagés.  Deux heures plus tard, nous retournons à la clinique, patientons un moment et nous faisons tirer le portrait de la poitrine en deux temps trois mouvements. Voilà qui est fait! Elle nous aura bien fait courir cette petite arsouille... Pardon? Ah oui, nous n'avons pas la tuberculose. Ouf...

Et bien voilà! Nous fanfaronnons quelques minutes, fiers comme des coqs d'avoir parcouru 600 kilomètres sur deux pays pour une formalité administrative nécessaire à l'obtention d'un visa pour un troisième pays situé sur un autre continent... La magie du voyage n'a décidément pas de limite!

Nous pouvons enfin souffler, et commencer à regarder posément autour de nous. C'est que mine de rien, nous voilà dans un nouveau pays! Et il faut dire que nous l'attendions ce Cambodge.

L'image que nous met sous les yeux Phnom Penh ne correspond pas du tout à ce que nous attendions. Si au Laos, nous avions eu la surprise de découvrir un pays en plein développement irréfléchit, force est de constater qu'au Cambodge, la croissance économique a déjà fait son oeuvre. Autour de nous, les gratte-ciels et les immeubles ont poussé, les fastfoods américains ont ouvert leur portes, et les supermarchés se trouvent à chaque coin de rue, entre deux magasins de smartphones ou de voitures.

Le calme lao est bien derrière nous : la capitale est une fourmilière klaxonnante aux aveuglants néons multicolores. Elle résonne de la techno thaïlandaise crachée par d'énormes enceintes aux devantures des magasins. Elle rempli les poumons de gaz d'échappement et l'horizon de panneaux publicitaires.

On retrouve le choc de la rencontre entre les cultures occidentale et orientale, et le tableau évoque beaucoup ce que nous avions trouvé à Ho Chi Minh, au Vietnam.

Sauf qu'Ho Chi Minh possédait un petit je-ne-sais-quoi qui lui conférait une âme bien particulière, qui nous faisait nous sentir ailleur. Tout comme Hanoi, la ville, bien que très occidentalisée, avait ce petit côté envoutant et mystérieux qui nous plait tant en Asie du sud-est. Tout ces petits détails que nous avions eu la joie de retrouver après une année en Australie, toutes ces odeurs et ces images, ces histoires, toutes ces choses qui mélangées créées une atmosphère différente et formidable.

 Ce petit quelque chose, Phnom Penh ne l'a pas. L'agitation si particulière et brouillonne, la vie qui se déroule de partout, tout cela est présent, mais... Mais c'est tout. Tout est trop neuf, trop générique. Il suffit d'avoir une carte de la ville sous les yeux pour se rendre compte que toutes les rues ont été tracées à la règle. C'est bien simple, on dirait un plan de Melbourne... Bref, l'ensemble sonne un peu creux, et nous n'adhérons pas.











 
Notre point de chute à Ho Chi Minh mélangeait activité touristique et vie locale. Ici, on a l'impression d'évoluer dans le centre commercial de la Part-Dieu à Lyon. Des bars irlandais, des restos italiens, des superettes... Des touristes, des expats, plein d'expats, europeens, chinois, australiens, americains...



C'est assez étrange.

Cette ambiance coloniale est rythmée par les ''tuk-tuk sir?'' des chauffeurs qui attendent dans la rue, perchés sur la banquette de leur petit véhicule et iphone en main. Soit-dit en passant, à tous ceux qui nous avaient mis en garde contre l'insistance exaspérante des chauffeurs de tuk-tuk cambodgiens, nous répondrons simplement : ne mettez jamais les pieds en Inde...

Nous nous retrouvons donc dans cet étrange tableau, un peu largués, pas du tout préparés, un brin à la dérive. Nous profitons de la fin de journée pour flâner un peu au hasard et nous imprégner, nous familiariser avec les prix, trouver des endroits un peu plus locaux, établir notre menu national. De ce côté là, nous restons dans du classique : riz et sandwichs le midi, nouilles chinoises au réchaud pour diner... 

Parce qu'on râle, on râle, mais nous tombons quand même sur un bon vieux marché bien bordélique, foisonnant de vie et d'odeurs, où les pneus de mobilettes côtoient les poissons séchés et les tabourets en plastique des gargottes. Comme au Laos, nous trouvons notre bonheur alimentaire pour un dollar par personne et par repas. 



Durant nos vadrouilles, nous découvrons un bureau de change aux taux pas dégueulasses où nous faisons provision de riels et de dollars US, avant de papoter avec le tôlier pour apprendre qu'il loue des chambre à 5$. Ah! Voilà! Là on commence à discuter!

Une pluie torrentielle nous fait rentrer en fin d'après-midi. La mousson n'est pas encore finie! De retour chez nous, nous signalons l'air de rien au boss de la guest house que nous partons le lendemain. En bon business-man, il nous propose tous les billets de bus du monde, mais nous lui rétorquons que nous avons juste trouvé un meilleur prix pour une chambre. La suite est sans surprise : notre homme nous casse le prix du lit à condition que nous déménagions dans le dortoir. Avec plaisir l'ami!

Bon, il apparait rapidement que le dortoir en question a pignon sur rue. Notre lit est littéralement à 2 mètres du trottoir, et dans cette ville qui ne dort jamais, et dont la majorité des visiteurs sont là pour faire la bringue, trouver le sommeil est un peu dur... On ne peut pas tout avoir!

La météo s'acharne, et nous passons la journée du lendemain, qui voit se déverser des trombes de flotte, à blogger.

Le jour suivant, il est temps de commencer à voir ce que le coin a à offrir. 

Nous attaquons notre tour par le monument de l'indépendance. Construit en 1958 pour célébrer... Oui, l'indépendance du pays après le départ des français en 1953, son architecture s'inspire de celle des grands temples angkoriens. A noter que la plupart des villes au Cambodge possèdent un édifice similaire.   



Nous poursuivons par le palais royal (entrée : 6$), demeure du roi du Cambodge construit en 1860. Si la famille royale habite le palais, toute une partie reste ouverte aux visiteurs. Nous apprécions beaucoup la visite, qui nous montre des édifices plus sobres que les temples parfois un peu trop multicolores du Laos. Le complexe est formé de trois ensembles de bâtiment, séparés par des remparts.

Salle du trône





Pagode d'argent

































C'est beau, pas vrai?

Durant l'après-midi, nous rejoignons le Wat Phnom (entree : 1$). Perché sur sa colline en plein centre ville, ce temple du 14è siècle est le plus haut édifice religieux de la ville.





Nous terminons la journée au Musée national de Phnom Penh (entrée : 6$), qui retrace l'histoire du royaume khmer au fil des siècles. L'un des meilleurs musées que nous ayons visité! Ses statues et ses oeuvres d'art hindoues et bouddhistes content plusieurs siècles d'histoire, et le musée en lui-même est déjà un monument. Les photos étaient interdites, vous devrez vous contenter des extérieurs.



Nous passons la journée suivante à maudire la météo pluvieuse, et à préparer la suite. Quand je dis préparer, je veux dire décider de notre prochaine destination... Au Cambodge, en effet, nous renouons avec une vieille tradition : l'avancée au pif. En dehors de la visite inratable-incontournable-obligatoire des célébrissimes temples d'Angkor, nous ne savons pas du tout ce que nous allons faire ici...

Notre prochaine destination est déterminée par une chose : le Laos n'a pas d'accès à la mer, et cela fait plus de deux mois que nous ne sommes pas allés à la plage. Nous fouinons un peu sur internet pour découvrir qu'au sud de la capitale se trouvent de petits paradis tropicaux qui nous aguichent avec leur photos de plages de sable blanc et d'eau turquoise. Nous jetons notre dévolu sur Kep, petite bourgade au bord du golfe de Thailande...

vendredi 13 novembre 2015

Pour finir, Champassak et les 4000 îles : exploration du temple Wat Phu, farniente sur l'île de Don Khon et réflexion sur le Laos



Voici un dernier petit article éclair pour conclure notre grandiose vadrouille du Laos.

Notre dernière semaine dans ce fantastique pays pourra paraître un chouia posée en comparaison de nos précédentes expériences ici, mais nous avons mine de rien pas mal bougé et travaillé au cours des deux derniers mois!

Nous sommes donc allé nous affaler telles des loques dans des hamacs, au bord du Mékong, sous les cocotiers d'une petite île des Si Phan Don, les fameuses 4000 îles, après la fin de notre boucle en stop autour du plateau des Bolovens et une première découverte angkorienne fort sympathique.

Nous passerons rapidement sur tout ça avant de dire quelques mots sur le pays, qui fait définitivement partie de ceux qui nous aurons profondément marqués.


En autostop vers Champassak et les temples du Wat Phu




Nous vous avions laissé dans le petit village de Tad Lo, au nord ouest du plateau des Bolovens. Il nous reste un peu plus d'une semaine à passer au Laos, et nous voulons rejoindre Pakse afin de passer de l'autre côté du Mékong pour nous diriger vers Champassak et visiter le Wat Phu, avant d'aller nous poser sur l'île de Don Khon, à l'extrême sud du pays.

Le départ de Tad Lo se déroule, comme à l'accoutumé, sous un soleil de plomb, et nous rejoignons la route principale en nage pour commencer à lever le pouce. Nous débutons la journée par un grand moment : dans tout le Laos, les paysans utilisent souvent des véhicules particuliers pour se déplacer. Il s'agit d'un montage extrêmement basique composé d'un moteur, d'une courroie et d'une transmission reliés à deux roues. Fixées directement sur le moteur se trouvent deux grandes perches qui servent à manœuvrer le bouzin depuis la carriole qui y est attelée. Ceux qui sont déjà allés dans les campagnes vietnamiennes ou laotiennes verrons de quoi je parle. Cette charrette à moteur rudimentaire se déplace forcément trèèès lentement, mais nous rêvons d'être embarqués par l'une d'entre elles depuis longtemps.

voilà à peu près à quoi ça ressemble (source : albator.com)


Ce matin, c'est chose faite! Nous éclatons de rire quand le conducteur de l'un de ces engins pétaradant s'arrête à côté de nous pour nous charger dans sa remorque en bois, et nous voilà filant tel des fusées en direction de Pakse. Nous sommes à une centaine de bornes de la ville, et nous traversons la campagne à la vitesse incroyable d'environ 20km/h!

Malheureusement, cette course folle ne dure que quelques kilomètres. Notre gentil chauffeur nous dépose à l'entrée de son champs, et nous sommes rapidement récupérés par un camion pour une autre poignée de kilomètres. Ça n'avance pas bien vite tout ça, et le sort s'acharne pour la première fois : nous levons le bras pendant plus d'une heure avant que la chance nous sourit enfin, lorsqu'un lao au pick-up rutilant et à l'anglais impeccable s'arrête. Oh joie, il se rend bien à Pakse, mais n'a qu'une place assise et rechigne à me laisser monter dans sa remorque. Trop dangereux qu'il dit... Oh l'autre eh... Nous prenons nos mines les plus apitoyées, notre homme craque, et nous achevons notre tour des Bolovens avec lui.

Prenons deux minutes pour marquer le coup, car notre retour à Pakse conclut deux semaines des plus grandioses. Nous avons parcouru le plateau des Bolovens d'une façon peu commune, et nos impressions sont forcément influencées en grande partie par les dix formidables jours que nous avons passé chez Kina et Loe.

Nous ne reviendrons pas là-dessus, tout est dans l'article précédent. En ce qui concerne notre exploration du plateau en lui-même, ses étendues et ses cascades, dans l'ensemble, nous en avons pris plein les yeux. Nos sentiments sont mitigés en ce qui concerne le sud : si les cascades qui jalonnent la route sont absolument grandioses, parfois un peu saturées de touristes mais tantôt au contraire paumées en pleine jungle, la campagne toute plate et répétitive traversée par la route ne nous laissera pas un souvenir impérissable, même si elle constitue une bonne occasion d'apprécier de sympathiques moments de vie laotienne, entre les enfants qui rentrent de l'école, les attelages motorisés chargés de fruits qui slaloment entre les poulets, les petits étals marchands...

Au nord en revanche, on retrouve les rizières verdoyantes sur fond de montagne, et le tout se parcourt de nouveau avec plaisir. Le petit village de Tad Lo au bord de sa rivière et sa formidable campagne environnante se sont même permis de beaucoup nous plaire!

Mais bien sûr, après ce que nous avons vécu là-bas, nous ne pourrons que vous conseiller de descendre de votre mobylette et de trouver un moyen de vous enfoncer à l'intérieur du plateau pour découvrir le revers de la médaille derrière la façade proprette et pseudo-authentique qui borde la route...

De notre côté, nous continuons notre descente en direction de la frontière cambodgienne. Une fois arrivé à Pakse, notre chauffeur fait un petit détour pour nous poser à l'entrée du pont qui enjambe le Mékong. Après cinq bons kilomètres à pied sous le cagnard, nous voilà sur la route de Champassak, mais il se fait tard et nous parcourons les 20 derniers kilomètres en tuk-tuk, pour débarquer dans le centre de Champassak et nous faire rabattre dans une guest house. A 30000 kips la chambre, nous suivons avec plaisir!

Nous profitons en plus d'un formidable clair de lune sur le Mékong depuis la terrasse.



Au matin, nous nous louons deux vélos pour la journée, et filons à travers les villages sur les 8 bornes qui nous séparent du Wat Phu.

Classé au patrimoine mondial en 2001, le complexe religieux Wat Phu comporte plusieurs édifices d'architecture pré-angkorienne construits entre le 11è et le 13è siècle par les khmers, dédiés aux dieux hindous et plus particulièrement à Shiva. L'entrée vous en coûtera 50000 kips. Oui, ce n'est pas donné, mais le site vaut le coup.



Les temples s'étalent sur le flanc de la montagne Lingapavarta, considérée comme la demeure du dieux de la destruction hindou.



Cela faisait un moment que nous n'avions pas crapahuté parmi les vieilles pierres, et la visite est très intéressante. Les ruines sont dispersées dans la verdure, le petit côté exploration-temples-abandonnés est présent, et nous retrouvons une symbolique qui nous est familière depuis les trois mois que nous avons passé en Inde, remise à la sauce khmer.

Nous y passerons une bonne partie de la journée, avant de rentrer et de préparer notre départ pour les 4000 îles et notre dernier spot au Laos (snif!). Les 4000 îles, ou Si Phan Don en lao, désignent un regroupement d'îles (sans rire?!) formées par les multiples bras du Mékong. Elles constituent une destination très prisée au Laos, et offrent de parfaits coins de paradis adaptés à toutes les envies. Nous avons choisit de nous rendre sur Don Khon, la plus calme et la moins construite.

Depuis Champassak, pour une fois, nous ne nous prenons pas la tête, et organisons le trajet avec notre guest house.


Don Khon et les 4000 îles




Au matin, nous embarquons donc en tuk-tuk pour les rives du Mékong, où une pirogue nous attend pour nous faire traverser le fleuve. De l'autre côté, nous attrapons un bus pour Nakasang, d'où une deuxième pirogue nous emmène sur Don Khon. La traversée est déjà sympa, au milieu des îles et des bancs de terre, dans les remous du fleuve. A savoir que ce trajet tout compris coûte 80000 kips.

Nous débarquons parmi les cahutes en bambou, au milieu des cocotiers et des palmiers, dans un décors de rêve. Point de goudrons ici, la route principale est en terre, et traverse un petit village effectivement très calme, un tantinet touristique avec ses restos et ses bungalows en bord de fleuve mais joli comme tout.



Nous ne mettons pas longtemps à trouver une cabane au bord de l'eau, avec terrasse et hamac.

Bon, à partir de là, il n'y a plus grand chose à raconter, étant donné que nos activités principales en ces lieux se sont résumées à glandouiller et blogger. Flâner et ne rien faire étant les occupations par excellence à Don Khon, nous sommes restés raccords!



Le simple fait de se balader dans le village est un plaisir, et les couchers de soleil sur les îles et le fleuve depuis notre petite terrasse en plein décors de carte postale font partie des plus beaux que nous ayons eu la chance d'admirer.

Nos colocataires anti-moustiques de choc!


Nous vivons d'amour et d'eau fraîche, profitant des petits magasins locaux pour nous sustenter à petit prix. Du pain, des œufs, du concombre, des nouilles, et voilà notre plat national pour la semaine, à un euro pour deux par repas!

Bon, vous nous connaissez, nous ne restons pas complètement inactifs. Une sortie nous intéresse particulièrement : il est possible ici d'aller observer les dauphins Irrawadi, une espèce rarissime de cétacés d'eau douce, que l'on ne trouve que dans les 4000 îles et en Birmanie. Il y en aurait aussi quelques spécimens au Cambodge.

Bon, il faut dire que nous craignons un peu ce genre d'excursion, un peu effrayés que nous sommes de tomber sur un bon gros attrape-touristes... Mais ce n'est quand même pas tous les jours que ce genre d'opportunité se présente, et nous restons de grands fanatiques de vie sauvages.

Histoire d'éviter les plans foireux, nous décidons d'aller négocier une embarcation directement auprès des bateliers plutôt que de passer par l'une des nombreuses petites agences qui fleurissent dans le village.

Nous partons à pied vers le sud-ouest de l'île et la plage d'où appareillent les bateaux, traversant une magnifique cambrousse de champs et de palmiers où paissent quelques buffles d'eau au milieu de nuages de libellules et d'énormes papillons.



En fin d'après-midi, nous arrivons à la plage, négocions une pirogue (60000 kips pour deux, environ la moitié du prix demandé par les agences...), et filons bientôt sur l'un des méandres du fleuve. Le cadre est grandiose, tout en collines et jungle.



Nous traversons bientôt une espèce de mangrove clairsemée tandis que notre batelier se lance dans un petit slalom entre les arbres qui sortent de l'eau, avant de déboucher sur une portion de fleuve beaucoup plus large. Histoire de ne pas déranger les animaux, notre guide coupe le moteur, et nous nous laissons dériver.



Alors, qu'est ce que ça va donner? Nous attendons un moment en silence, avant d'entendre le bruit de soufflet caractéristique d'un évent. Nous repartons à la rame pour nous rapprocher de la source du bruit, et... C'est la très, très bonne surprise! Il s'avère que nous arrivons pile à l'heure de la chasse, et un premier dauphin fait surface à une centaine de mètres. Puis un autre beaucoup plus proche, et encore un autre... Au total, nous en verrons une dizaine, parfois à moins de vingt mètres de nous! Alors forcément, les apparitions sont furtives, seul le bruit de la bestiole qui crache son eau nous fait tourner la tête à temps pour l'apercevoir, et nous n'avons pas le temps de shooter. Mais nous sommes ravis! L'expérience est unique, l'espèce est en voie de disparition, et nous qui nous attendions à voir un ou deux dauphins au loin, nous avons finalement pu observer un groupe entier en chasse tout autour de nous!

Le retour à la plage puis au village sur fond de soleil couchant conclue ce très chouette après-midi.



A part ça, et bien nous nous baladons un peu sur l'un des nombreux sentiers de l’île, cravachons sur le blog, et squattons le hamac. Une belle vie bien inactive, mais délectable. Nous avons quand même passé le dernier mois à travailler, à bouger, à vivre des choses bien secouantes, et nous apprécions de rester posés quelques jours dans ce petit paradis tropical, à répéter cent fois par jour ''on est pas bien là?!'', les yeux perdus dans les tourbillons du fleuve qui coule paresseusement en contrebas. Une petite mousse par-ci par-là allongé sur une terrasse en bois au soleil couchant, savourant la température qui descend et le calme du village qui s'endort sur le fredonnement d'un poste de radio au loin ou la douce voie d'une femme qui chante en préparant le repas du soir sur un feu...



Nous sommes bieeeen!!! Nous discutons des heures durant du Laos et de ce que nous y aurons vécu, des amis que nous y aurons rencontré. Nous pensons à la suite, qui risque de nous balader beaucoup plus vite. Nous comptons quitter le Laos le 3 novembre, pour passer la frontière cambodgienne et nous trouver un petit coin juste derrière, le temps de nous familiariser avec le pays. Et la suite... La suite qui va nous faire traverser trois pays avant d'arriver en Nouvelle Zélande pour travailler.

La suite qui va d’ailleurs nous sauter au visage durant notre dernier après-midi et qui va en dix secondes nous tirer de notre torpeur avec un bon coup de pression...

Disons que nous ne sommes pas complètement fautifs dans le problème qui nous tombe dessus comme la misère sur le pauvre monde alors que nous sommes tranquillement affalés sans rien demander à personnes, profitant de notre dernier jours à Don Khon et au Laos.

Souvenez-vous, nous expliquions dans notre dernier article que pour obtenir notre working holiday visa néo-zélandais, nous sommes tenus de fournir une radio des poumons effectuée dans une structure agréée par les services de l'immigration. En bonnes pommes, nous comptions faire ça à Bangkok, ou ailleurs, en tout cas plus tard. Et voilà que nous découvrons un mail sur notre boite, envoyé par le responsable de notre dossier, qui nous rappelle que nous n'avons que quinze jours à compter de la date de demande de visa pour envoyer notre radio... Nom d'un chou. Battements de cœur et respiration saccadée, calculs fébriles et précipités... Nous avons fait notre demande il y a dix jours. Forcément, au Laos, les radiologistes, ça ne courent pas les rues, surtout quand elles sont en terre au milieu d'une île... Nous cherchons, tremblant, où se trouve l'hôpital agréé le plus proche. Verdict : Phnom Penh, la capitale du Cambodge, à 540 kilomètres d'ici. Bim, prenez ça dans vos tronches les voyageurs. Apres vérification, nous découvrons que nous avions effectivement reçu un mail juste après notre demande, à Tad Lo, mais pour notre défense il était arrivé dans notre boite spams, et de toute façon nous ne pouvions pas ouvrir la lettre prévenant du délai. Moralité : vérifiez vos spams!

Nous mettons un bon moment à nous calmer et à comprendre qu'il n'y a pas mort d'homme, même si les paramètres hasardeux sont nombreux dans le plan que nous commençons a concevoir : tracer directement à Phnom Penh demain, sans nous arrêter. En comptant la journée d'aujourd'hui et le voyage, nous serions en mesure de nous pointer à la clinique que nous avons trouvé dans la capitale 3 jours avant la fin de l'échéance, en plagiant sur l'éventualité du fait qu'on nous prennent rapidement et que le résultat de la radio puisse être envoyer directement par internet en Nouvelle Zélande... Nous pouvons au pire tenter de demander un délai supplémentaire. Que se passe-t-il si nous échouons? Et bien nous ne pouvons pas échouer!

Les implications seraient dantesques : en cas de refus du visa, il est impossible d'en demander un nouveau, et les 160$ que coûtent la demande ne sont pas rembourser... C'est tout le Petit Tour qui s'en trouverait au moins chamboulé, au pire... Nous préférons ne pas y penser.

Un peu brutale comme conclusion laotienne, n'est-ce pas? De toutes façons, nous n'avons pas vraiment le choix. Et puis après tout... Bo pe niang!

Oubliant bien vite ce qui nous attend demain, nous passons une belle dernière soirée dans ce fantastique petit Laos et discutons beaucoup du pourquoi et du parce-que. Demain, direction le Cambodge!


Du Laos




C'est qu'il y en a des choses à dire sur ce petit Laos!

Nous avons passé plus de deux mois ici, deux mois parmi les plus riches et variés que nous ayons vécus. Randonnées sauvages en montagne, visites historiques, volontariats, ville, campagne, îles paradisiaques, auto-stop, rencontre locale et étrangère (et parfois les deux en même temps!), immersion en profondeur... Un séjour complet, magnifique, formidable, et qui donne à réfléchir. Notre expérience ici rassemble presque tout ce que nous attendons du voyage. Si il y en a parmi vous qui viennent de débarquer et qui se posent encore des questions sur la façon dont nous aimons vadrouiller, notre séjour lao constitue un début de réponse.

Nous passerons sur les évidences, tout le monde aura déjà compris que nous nous sommes beaucoup attachés à ce pays, et d'une façon très particulière.

Alors forcément, le ressentit que nous avons d'un endroit est grandement conditionné par les expériences que nous y vivons, mais d'un autre côté ces expériences sont conditionnées par l'endroit et l'accueil des gens qui s'y trouvent. Ce n'est pas pour rien que nous décidons de nous arrêter et de plonger plus en profondeur quelque part.

Le Laos est beau, verdoyant, et la nature y a conservé quelques droits. Nous n'évoquerons jamais assez la sérénité et le calme dans lesquels baigne le pays, omniprésents et contagieux. Sa grande et difficile histoire l'a doté de sites historiques et religieux formidables (Luang Prabang fait définitivement partie des quelques villes qui nous ont vraiment fait rêver).

Tout ça, c'est bien joli et nous en avions déjà parlé. Mais ce n'est pas pour ces raisons que le pays nous aura profondément marqué.

Nous avions déjà évoqué, lorsque nous sommes arrivés au Laos, les avis incroyables que nous avions lu à son sujet. Un pays qui avait su se développer tout en préservant son âme et sa terre de la folie corruptrice du modèle global et de la mondialisation, un endroit où le capitalisme n'avait pas encore perverti la société et où la vie suivait tranquillement son cours loin du rouleau compresseur de l'économie de marché et de ses désastreuses implications.

Et bien c'est faux. Pas entièrement cela dit, mais ça ne saurait tarder.

Pour partir d'exemples simples, la plupart des avis que nous avons lu dataient d'un an ou deux, et la différence entre la situation qu'ils décrivaient et ce que nous avons trouvé sur place est effarante. Par exemple, il y a seulement un an, le bus ralliant Dien Bien Phu au Vietnam à Muang Khua s'arrêtait au bord de la rivière Nam Ou et il fallait rejoindre le village en pirogue, en ayant bien pris soin d'emporter suffisamment de cash avec soi étant donné qu'il n'y avait pas de distributeurs dans le bled. A notre arrivée, nous avons traversé la Nam Ou par un gros pont en béton et n'avons eu aucun mal à trouver plusieurs distributeurs au village.

Nous vous avons déjà parlé de la différence entre la Vientiane d'il y a 6 ans, sans aucune voiture et où posséder un vélo était un signe de richesse, et ses rues à présent encombrées de gros pick-ups.

Les investissements étrangers, les multinationales, les usines, le tourisme... Les exemples abondent et montrent une chose : le processus est lancé, il va très vite et nous sommes arrivés en plein milieu de la conversion. C'est là où ça devient intéressant, car en arrivant en plein dans cette période de ''développement'' rapide, aidés par les gens que nous avons rencontré et les choses que nous avons constater, nous avons pu voir les rouages en pleine action. Et les mêmes erreurs se répéter.

C'est le même scénario, encore et encore, celui qui s'est produit des dizaines de fois dans de nombreux pays à travers le monde, sauf que cette fois-ci l'engrenage tourne sous nos yeux, et il donne envie d'hurler tant la direction prise est prévisible et permet d'imaginer sans problème la façon dont le processus va se terminer.

Injectez rapidement une dose massive de capitalisme dans le système dit communiste d'un petit pays complètement écrasé par des super puissances sur-dynamiques et voraces, et le résultat vu et revu se produit : la loi de l'argent, maintenant, tout de suite, au détriment de tout le reste. La corruption, les gouffres sociaux, la destruction du pays, l'individualisme...

Au niveau administratif, cela se traduit par une corruption atteignant des sommets et une inactivité volontaire. La position de ministre et plus généralement de fonctionnaire représente surtout un bon moyen de détourner de l'argent sans trop se fatiguer et d'avoir une position confortable. L'objectif avoué (littéralement, nous parlons en connaissance de cause) de nombreuses personnes est de trouver une place dans la fonction publique pour avoir accès au grand détournement et pouvoir s'enrichir. Car c'est là que gravite la plus grande partie de l'argent qui circule au Laos.

Les exemples ne manquent pas : l'année dernière, plusieurs millions de dollars provenant des aides internationales destinés aux écoles et aux hôpitaux ont tout simplement disparu avant d'arriver à destination. Pour rester dans le domaine éducatif et creuser un peu, pourquoi les écoles et l'éducation en générale disposent de si peu de moyens? La réponse est simple : l'éducation mène à la réflexion, et donc à la contestation. La méfiance envers les élites intellectuelles est flagrante, et le parti surveille de près beaucoup d'étudiants, d'expatriés, et globalement toute la classe instruite.

La corruption se retrouve dans tout le domaine publique. Les écoles, les universités, les hôpitaux, les associations... Tout est payant, cher et savamment organisé pour faire remonter un maximum d'argent. Il faut payer ses formations, mais il faut aussi remettre la main au porte-monnaie pour avoir le droit de postuler à un poste, puis pour avoir le poste. L'inscription à l'université est extrêmement chère, et là aussi, même une fois inscrit, on continue d'engraisser les institutions. Par exemple, l'achat de l'uniforme doit se faire chez des tailleurs approuvés par l’école, qui reversent en retour de généreux bakchichs à l'administration de l'université et au ministère.

Il y a des centaines d'exemples dans tous les domaines.

Les investissements extérieurs représentent aussi de juteuses rentrées d'argent, qui anéantissent toutes considération pour le bien des ressources naturelles du pays. Nous vous parlions par exemple de la vente du bois des réserves laotiennes à la Chine et au Vietnam dans notre article sur Vientiane, et bien il faut savoir que ces transactions officieuses ont entraîné la disparition de près de trente pour cents des forêts du pays en l'espace de... Deux ans. Quand on vous dit que c'est effarant et très, très rapide...

La situation du Laos, au milieu de géants de l'économie mondiale, accélère le processus tout en aggravant ses répercussions. Et on assiste ainsi à un phénomène tellement classique qu'on ne peut que se résigner en se demandant quand cet abruti d'être humain comprendra. Une classe riche minoritaire émerge, s'enrichit à tous prix, et les classes les plus basses plongent de plus en plus. C'est à pleurer tellement la suite est évidente...

On a l'impression de voir un pays en train de sauter dans le TGV de la mondialisation, lancé à pleine vitesse dans cette partie du monde, au risque d'y laisser des plumes tout en laissant une grande partie de sa population sur le bord de la voie...

On dit souvent, lorsqu'on parle d'un pays à peu près authentique, ''allez-y vite, les choses changent'' etc... En ce qui concerne le Laos, c'est simple : si vous hésitez entre plusieurs pays pour vos prochaines vacances, venez au Laos. Plus tard en revanche, au train où vont les choses...

Les répercussions sociétales sont du même acabit : prévisibles, vues et revues des centaines de fois au cours de l'histoire du monde. La classe aisée raisonne entièrement sur le paraître, l'étalage de son rang et de ses richesses, et la coupure complète avec les classes inférieurs. La chose atteint des proportions incroyables. Il s'agit de se comporter en riche, même si l'on n'aime pas ça. Il est impensable et très mal vu de se déplacer à vélo par exemple, où de marcher, si on a les moyens de se payer une voiture (autant vous dire que nous passions parfois pour de gros pécores!). Nous avons eu vent de riches propriétaires qui se forçaient à  boire du café importé hors de prix (alors que le pays produit ce qui compte parmi les meilleurs cafés du monde !) alors qu'ils ne supportaient pas ça, mais boire du café, cher qui plus est, c'est classe!

Dans les classes sociales les plus pauvres, où se trouve la plus grande partie de la population, ça sent aussi le réchauffé : le rêve occidental déformé et ancré, l'obnubilation hermétique à tout discours sur la réalité. Le but est bien sûr de se marier à un/e européen/ne. La certitude d'atteindre un niveau de vie incroyable le cas échéant va tellement loin qu'elle donne lieu à des situations complètement aberrantes : si une lao trouve un mari français et part s'installer dans son pays, sa famille attend d'elle qu'elle leur envoie de l'argent. Mais vraiment beaucoup d'argent. La vision de la vie en Europe est tellement déformée que beaucoup de personnes pensent qu'elle est synonyme de très très grandes richesses, et qu'il est normal qu'un fils ou une fille lao installé là-bas fasse profiter tout le monde au pays des milliers d'euros qui ne manquent pas de tomber du ciel sans rien faire. Nous avons entendus des histoires folles qui résultent de cette manière de penser : des couples franco-lao, en visite au pays, empruntant des milliers d'euros pour satisfaire aux attentes de la famille et ne pas perdre la face. Certains, surendettés, se sont retrouvés en liquidation et emprisonnés à cause de ça. D'autres laotiens ne remettent jamais les pieds au pays, reniés, incapables de faire comprendre à leur famille que le simple fait d'être en Europe ne rend pas instantanément millionnaire.

Et il y a aussi celles et ceux, nombreux, qui rentrent finalement chez eux quand ils s’aperçoivent par exemple qu'un SMIC français, bien que plus de dix fois supérieur au salaire moyen lao, ne leur permet que d'habiter un appartement deux fois plus petit que leur ancienne maison. On pourrait alors se dire que ces nombreux désillusionnés vont faire passer le mot et que ces vaines et dingues croyances vont disparaître, mais perdre la face devant ses proches est une chose impensable au Laos, et l'échec doit rester à tout prix caché.

Certaines façons de penser sont donc très spéciale et conditionnées, conséquences directes de l'évolution du pays au cours des dernières années. En revanche, comprenons-nous bien, ces problèmes ne nous visent en rien et nous avons énormément apprécié le peuple lao, ses sourires permanents et ses saluts à tout bout de champs. L'extrême réserve qui constitue un dogme ici ne nous a quasiment pas permit d'avoir une vrai conversation avec des gens ayant passé leur vie au Laos, seulement avec des personnes qui avait déjà quitté le pays et vécu ailleurs pendant un moment, mais l'attitude globale, si elle n'est pas très ouverte, reste adorable.

Enfin bon, en deux mois, on apprend plein de choses, et nous n'allons pas y passer la nuit. Le fait est qu'au delà de sa beauté, de ses espaces naturels et de la gentillesse de ses habitants, le Laos fait partie de ces pays auxquels on s'attachent profondément. La situation ici nous a beaucoup rappelé d’ailleurs celle d'un autre pays. Un pays où nous avons donné et surtout reçu énormément, un pays dans lequel nous avons vécu les plus formidables expériences de notre voyage et auquel nous pensons tous les jours. Un pays minuscule étalé sur les pentes de l'Himalaya, écrasé entre la Chine et l'Inde...

De notre côté, nous ne pouvons que nous attacher à ces endroits, pour leur beauté et l'accueil formidable qu'ils nous ont réservé, mais aussi à cause des problèmes auxquels ils doivent faire face et de leur caractère apparemment insoluble. C'est dans ces pays peu développés et embarqués trop vite et n'importe comment dans l'implacable système mondiale que nous réfléchissons le plus, que nous relativisons vraiment en nous oubliant, que nous imprimons des idées qui nous suivrons tout au long de notre vie, tout en éprouvant un mélange confus d'émerveillement, de culpabilité, de pitié, de soulagement, de joie, d'amour, d'altruisme, et parfois de haine et de dégoût, au gré de rencontres et d'expériences qui nous retournent sans ménagement. Ces endroits nous rappellent plus violemment que les autres la beauté et la laideur du monde, la bonté et le caractère impitoyable de l'homme.

Sabaidi Laos!