lundi 28 août 2017

En balade dans le Mount Richmond Forest Park et le Clarence Conservation Park : Deux formidables découvertes pour un digne retour à l'état sauvage

Bonjour à tous!

Aujourd'hui, nous remontons le temps de plusieurs mois, pour revenir où nous vous avions laissé la dernière fois : nous sommes le 2 mai 2017, et la cueillette des pommes touche à sa fin...

Les doigts couverts de corne, de croûtes et de crevasses, les bras zébrés d'écorchures, le dos aussi dur qu'une plaque de marbre, les épaules sciés par les bretelles de nos sacs, nous avons donc triomphé de la saison de picking, et nous en sortons tel des guerriers sortent de la bataille. Les pommes sont vaincus, et la paix revient enfin sur le monde, du moins pour un temps...

L'apple picking est terminé, et si nous devrons retrouver du travail un de ces jours, pour le moment de bonnes grosses semaines de vacances bien méritées nous attendent.

Ces semaines vont se révéler glorieuses, formidables, remplis de paysages à couper le souffle, de fantastiques découvertes, au fil de nombreux kilomètres parcourus à pied et en voiture à travers toute la grandiose île sud de la Nouvelle Zélande. Glaciales également, l'hiver envahissant petit à petit l'hémisphère sud...

La série d'articles que vous allez découvrir au cours des prochaines semaines relate plus d'un mois de vadrouille sauvage, et va suivre un thème principal que tout le monde aura aisément deviné : la randonnée. Durant nos dernières vacances, nous avons en effet mis de côté pour plus tard de nombreux treks et balades, à cause d'une météo très capricieuse et d'un timing assez serré, et l'heure est venu de parcourir tous les grandioses sentiers qui hantent nos rêves depuis des mois!

Nous avons déjà pas mal crapahuter depuis le début de ce petit tour néo-zélandais, mais nous sommes très loin d'avoir eu notre comptant de marche, et dans un pays qui comporte environ 14 000 kilomètres de chemins de randonnée, autant dire que les possibilités sont nombreuses!

Si cette fois nous avons théoriquement tout le temps nécessaire, un autre élément va nous limiter sous peu : l'hiver arrive à grands pas, et les montagnes vont bientôt se couvrir de neige. De nombreux itinéraires d'altitude vont fermer, ou n'être accessible qu'aux alpinistes expérimentés et équipés, ce que nous ne sommes pas.

Les affres de l'hiver commençant en juin, grosso-modo, nous disposons d'un mois pour profiter des montagnes confortablement, après quoi nous nous rabattrons sur des tracés moins élevés.

L'article qui suit couvre la période du 2 au 9 mai 2017, et présente les compte-rendus des deux premiers treks de plusieurs jours que nous avons effectué après notre départ de la ferme, à travers les étendues du Mount Richmond Forest Park et du Clarence Conservation Park. Un démarrage en beauté sur deux tracés magnifiques, sauvages, variés et originaux, qui ne faisaient pas forcément partie de nos plans en venant dans ce pays et sur lesquels nous ne nous sommes que peu renseignés mais qui nous ont très agréablement surpris.

Mais avant ça, les réponses à deux questions :


Pourquoi et comment?


Bien que nous en ayons déjà parlé succinctement, un petit mot un peu plus formel et détaillé nous paraissait nécessaire, en réponse à ces question qu'on nous a souvent poser, en Nouvelle Zélande et ailleurs : pourquoi nous partons nous paumer dans la cambrousse dès que l'occasion se présente, souvent dans des conditions pas faciles, et comment nous préparons nos balades.

Nous recherchons un paquet de trucs dans le voyage. A chaque fois qu'on nous demande "pourquoi vous voyagez?", nous demandons de combien d'heures dispose notre interlocuteur pour écouter notre vaste réponse, que je n'évoquerai pas ici, mais qui se trouve en partie dans la rubrique "Le Projet" et en totalité éparpillée dans les milliers de lignes de ce blog.

Dans chaque pays que nous traversons, certaines de nos attentes et envies sont prioritaires. A chaque fois que nous allons quelque part, nous sommes motivé par quelque chose de particulier, même si nous n'oublions pas le reste.

Près d'un quart de la superficie de la Nouvelle Zélande, que beaucoup considèrent comme le plus beau pays du monde du point de vue des espaces naturels, est classée en tant que parcs et autres réserves naturelles. Cela représente 14 parcs nationaux, 20 parcs forestiers, 3500 réserves, plus quelques étendues privées protégées, le tout parcouru, comme je le disais plus haut, par environ 14 000 kilomètres de chemins de randonnée (merci Wikipedia!).

Nous sommes venus ici principalement pour nous échapper dans les incroyables étendues du pays, pour assouvir notre soif de découverte naturelle et d'isolement, de quiétude et de sérénité. Fuir librement loin de toute trace de civilisation, vivre au coeur de la nature l'espace de quelques temps, en totale autonomie, sans rien demander à personne. Nous perdre au coeur des montagnes et des forêts en ayant rien d'autre sous les yeux que... Des montagnes et des forêts. Poser notre guitoune dans la cambrousse quand nous le voulons, siroter notre thé coupé du monde, en n'ayant rien d'autre aux oreilles que le bruit du vent, des rivières et le chant des oiseaux.

En bref, nous sommes venus en Nouvelle Zélande pour faire nos gros ours anachorètes. Un pays ne se résume bien sûr pas à ses étendues naturelles, nous ne l'oublions pas et ne mettons pas de côté les découvertes et l'immersion culturelles, les rencontres et tout ce qu'elles peuvent apporter, et tout le reste, c'est juste que nous n'allons pas forcément nous démener pour aller chercher tout ça, même si nous sommes toujours ravis quand ça nous tombe tout seul dessus!

Nous adorons tous les deux la marche, à quelques nuances près propres à chacun. Je n'aime pas suivre un chemin qui descend, et quand à Léonore, elle doit faire face à un paradoxe autrement plus dérangeant : elle adore la montagne, son environnement et ses paysages, mais... elle n'aime pas monter.

Nous ne cherchons pas la performance, et prenons tout notre temps, ne nous pressant jamais à moins d'y être forcés, pour profiter un maximum. Nos balades sont plus contemplatives que sportives, mais nous apprécions quand même les bonnes suées qui dégagent le corps et l'esprit, ainsi que le fait de nous poser dans un endroit de rêve après en avoir bien bavé.

Dernier point mais pas des moindre, la marche... C'est gratuit.

Toutes les activités en Nouvelle Zélande, du tour en bateau à la plongée en passant par le ski et le saut à l'élastique, sont scandaleusement chères, et en même temps ne font pas vraiment découvrir le véritable intérêt du pays : ses espaces sauvages et reculés.

En dehors des 9 great walks, le camping sauvage est gratuit et autorisé dans la quasi-totalité des parcs et réserves, dont l'accès ne coûtent également pas un rond.

Dans l'état d'esprit qui est le nôtre, nos échappées ne peuvent s'envisager qu'en autonomie : pas de guide, pas de refuge, seulement la tente, pas d'heure ni de jour etc... Tout ce qui pourrait nous rattacher à un quelconque impératif ou qui restreindrait notre liberté de mouvement est banni.

La réponse au "comment" est simple : nous préparons une virée avec l'objectif de pouvoir vivre en autonomie sans rien avoir à demander à personne pendant le temps que dure notre escapade.

Avant, forcément, nous sommes bien contents de disposer de magasins pour acheter matériel et provisions, et d'infos pour dénicher nos balades!

A commencer par notre principal source d'inspiration pédestre en Nouvelle Zélande : le site du Departement Of Conservation, qui recense et détaille l'intégralité des itinéraires du pays, depuis la promenade de vingt minutes au trek en haute montagne de dix jours, et dont nous abusons pour trouver des idées de randos et préparer nos escapades.

Côté matos, l'objectif est de parer à toute éventualité tout en s'encombrant le moins possible :

-tente 4 saisons, dont nous avons déjà parler et qui nous a conquis dès sa première utilisation.

-duvets, et de ce côté nous sommes plutôt bien équipé, avec des sacs de couchage pouvant nous permettre de dormir confortablement sous des températures descendant jusqu'à -5, et même inférieures grâce à quelques suppléments vestimentaires. Sans être excessivement froid, l'hiver néo-zélandais peut être assez rude, surtout en montagne, et nous ne voulions pas nous infliger les nuits glaciales et très difficiles que nous avons vécu en Grèce, en Turquie et dans l'Himalaya, avec des duvets loin d'être assez efficaces quand les températures descendaient en-dessous de zéro. Nos prochaines balades vont d'ailleurs nous permettre de tester nos duvets sous températures hivernales.

-Couverture, pour nous isoler du sol durant la nuit. Nous n'emportons pas de tapis de sol, surplus trop encombrant et dont nous n'avons pas vraiment besoin, mais les plus grosses pertes de chaleur pendant une nuit sous tente se faisant au niveau du contact avec le sol, nous embarquons notre petit plaid acheté en Grèce.

-Pour les oreillers, nous roulons tout simplement nos fringues en boule!

-Couteau, leatherman (merci Belge!), 2 fourchettes, une petite casserole, une cuillère et deux tasses en inox, ainsi que notre petit réchaud portatif avec deux bouteilles de gaz butane/propane.

-trousse pharma et couverture de survie, qui peut être utilise en renfort de la couverture pour isoler le sol de la tente.

-boussole, l'indispensable.

-frontales, liseuses.

-Pour les vêtements, le strict minimum : ce que nous avons sur nous et un pull, plus un sous-pull chaud ou une veste supplémentaire, des gants et un vêtement de pluie type coupe-vent en cas de besoin. Comme dit plus haut, nos vêtements nous servent aussi d'oreiller. Nous ne prenons pas de vêtements de rechange, hormis parfois une paire de chaussette.

En ce qui concerne la nourriture, nous embarquons, par jour et pour deux : 6 tranches de pain, 2 oeufs durs, du fromage, 3 paquets de nouilles, un paquet de biscuit et 4 sachets de thé. En plus de la quantité nécessaire, nous prenons aussi une petite ration de survie en cas d'imprévu et de retard.

La boisson n'est jamais un problème : l'eau des centaines de rivières qui coulent dans les espaces protégés néo-zélandais est l'une des plus pure du globe. Ainsi, tandis qu'il nous est parfois arrivé de trimbaler près de 7 litres de flotte à la fois durant notre voyage, ici nous nous contentons de réserves pour la journée : une bouteille de 3 litres et une gourde, que nous remplissons au besoin directement dans un cours d'eau.

A noter qu'il convient quand même d'être prudent et de ne pas perdre de vue giardia et autre saleté bactérienne lorsqu'un itinéraire traverse des étendues privées, la présence de bétail pouvant signifier une eau impropre à la consommation.

Nous appliquons comme toujours les principes du "Leave No Trace", littéralement "ne pas laisser de traces" : nous marchons sans quitter les sentiers déjà tracés et campons sur des surfaces durables qui ne vont pas être affectées par la pose de la tente. Nous suivons la règle, pourtant évidente mais trop souvent prise à la légère, du "pack it in, pack it out", c'est-à-dire que nous ramenons absolument tous nos déchets pour les trier et en disposer correctement à notre retour à la civilisation. Même les épluchures et autre déchets organiques qu'on pourrait croire inoffensifs peuvent affecter les écosystèmes très fragiles du pays. Vous n'imaginez pas les dégâts que peut occasionner un simple trognons de pomme plein de graines qui vont germer là où elles ne devraient pas! Plus généralement, tout ce qui rentre dans un parc doit en sortir. A noter qu'il n'y a jamais de poubelles sur les itinéraires de randonnée en Nouvelle Zélande. Nous ne touchons à rien de ce qui nous entoure, ni plantes, ni roches (à part celles que nous foulons, la lévitation n'étant pas encore quelque chose que nous pratiquons!), ni quoi que ce soit. Les principes demandent aussi de limiter les effets des feux, mais en ce qui nous concerne, nous n'allumons pas de feu, c'est plus simple! Nous mettons enfin un point d'honneur à ne pas déranger la vie sauvage. Encore quelque chose qui peut paraître évident, mais qui fait appel à des comportements souvent oubliés : ne pas laisser de nourriture sur le sol (miettes etc...) pour ne pas que les animaux consomment des aliments inappropriés pour eux et potentiellement dangereux, les observer à distance et en silence, connaitre à peu près les périodes de nidification des oiseaux etc...

Dans l'optique du "Leave No Trace", nous n'emportons aucun matériel d'hygiène. Déjà parce que nous ne sommes depuis longtemps plus à quelques jours de crasse près, et ensuite car de toute façon, même si nous voulions nous laver, les savons et les dentifrices, même certifiés bio, causent des dommages à la flore et à la faune, notamment celle qui peuple les rivières.

En cas d'appel de la nature, nous profitons des toilettes sèches qui se trouvent à côté des nombreux refuges qui jalonnent la plupart des itinéraires. Sinon, nous appliquons les saints principes décris dans une oeuvre formidable de dimension quasi-biblique que je vous recommande chaudement : Comment Chier dans les Bois, de Kathleen Meyer. Gloire à elle!

Pour finir par une nouvelle évidence, rappelons enfin que tous les principes et comportements décris plus haut ne s'appliquent pas qu'à la seule Nouvelle Zélande!

Comme d'habitude, n'hésitez pas à nous contacter si vous avez la moindre question.


Le Mount Richmond Forest Parc et le Pelorus Track


Maintenant que vous avez une idée un peu plus précise de la manière dont nous organisons nos virées, nous pouvons attaquer.

La saison de picking est donc enfin terminée, et nous brûlons d'impatience de repartir sur les routes de l'île sud pour aller limer les semelles de nos chaussures toutes neuves. Oui, nos anciennes godasses n'ont pas survécu à la saison des pommes!

Avec la bénédiction de Brian et de Tracey, nous profitons d'un dernier jour à la maison, pour ranger, récurer, nettoyer à fond et préparer nos prochaines vadrouilles.

Nous passons une partie de l'après-midi à Richmond pur planifier notre première semaine de vacances, et en consultant la météo nous nous apercevons qu'enfin, nous allons pouvoir découvrir celui que nous avons mis de côté depuis si longtemps, un trek que nous voulons faire depuis notre arrivée sur l'île sud mais qui a été sans cesse repoussé : le Pelorus Track, dans le Mt Richmond Forest Park. Oui, enfin, il va faire beau sur ce satané parc!

Notre objectif, durant cette deuxième exploration de l'île sud, étant de faire entre autres tout ce que nous avions mis de côté la dernière fois, il paraît tout à fait approprié de commencer par cette balade!

Nous prévoyons ensuite de retourner à Kaikoura, sur la côte est, pour une petite incursion dans la vallée de la Clarence, sur laquelle je reviendrai.

Le Mt Richmond Forest Park, qui s'étalent entre Nelson, Blenheim et St Arnaud, est le deuxième parc forestier du pays par sa taille, et comprend 166 000 hectares de moyennes montagnes couvertes de forêts.

Le Pelorus Track désigne en fait une multitude d'itinéraires qu'il est possible de suivre, parcourant le côté nord du parc en suivant la Pelorus River avant de grimper vers les hauteurs, et offrant des marches de deux à trois jours à travers la forêt.

Nous découvrons une boucle de 2-3 jours, qui en plus de nous faire traverser la forêt doit nous emmener sur la chaîne montagneuse des Bryants, suivant laquelle nous passerons trois petits sommets successifs, le Dun Mountain, le Little Twin et le Maungatapu, avant d'achever la boucle sur un chemin pour 4x4. Nous prévoyons de commencer la marche demain après-midi, ce qui nous permettrait de l'achever le surlendemain d'après les estimations, après deux nuit passée dans le parc et des temps de marche quotidiens pas trop importants. C'est les vacances! Et puis avec la tente, nous faisons bien comme nous le voulons : nul besoin de rallier à tout prix un refuge.

Dans l'ensemble d'ailleurs, nous avons décidé de prendre notre temps durant cette nouvelle session, de façon à ne pas retrouver la petite lassitude des dernières vacances. Chaque mission sera donc systématiquement suivi de quelques jours de glandouille.

Plus d'info sur le Pelorus Track ici.

Nous passons notre dernière soirée à la ferme en compagnie de Chris, Nathalie et David, le voisin qui habite en face de la ferme, et le lendemain en fin de matinée, nous quittons enfin le verger.

Point important a noter, c'est à partir d'ici que nos vadrouilles à trois s'achèvent : Florian va nous attendre à Nelson le temps que dure notre périple, après quoi il s'envolera pour quelques semaines en Thaïlande avant de rentrer en France.

Nous déposons donc notre ami au camping de Maitai Valley, puis mettons le cap au nord pour rejoindre l'entrée du Pelorus Track. Celui-ci se trouve au bout d'un chemin en terre qui s'ouvre sur la route principale entre Nelson et Blenheim, et une petite heure de route nous attend. En chemin, nos sourires s'élargissent au fur et à mesure que nous avançons, fenêtres ouvertes et cheveux au vent : ça y est, nous sommes en vacances! La vie est belle, nous sommes libres comme l'air, plein d'argent, et dans quelques dizaines de minutes, nous serons de nouveau sac au dos et nous nous lancerons dans la forêt pour crapahuter jusqu'à après-demain.

Il est près de 13h quand nous arrivons en vue du pont qui traverse la Pelorus River, juste avant lequel s'ouvre le petit chemin de terre qui conduit à l'entrée du tracé. Tout au long d'une douzaine de kilomètres à travers une campagne verdoyante, nous poussons un long "Youhouuuuuuu!!!", avant de passer la jonction avec la route pour 4x4 par laquelle nous devrions normalement arriver après-demain. Nous plongeons dans la forêt, et découvrons finalement le début du Pelorus, sous la forme d'un petit sentier qui s'enfonce dans une dense végétation...

Nous grignotons un morceau, attrapons nos sacs, et partons en gambadant gaiement. Il n'est pas loin de 13h30. Objectif de la journée : passer la Captain Creek Hut, un refuge situé à 4 heures de marche de l'entrée, puis chercher un coin où poser la tente

Le chemin est plat, les arbres sont grands et beaux, les abords du chemin sont couverts de broussailles et de fougères, la Pelorus River glougloute gentiment et sa belle couleur bleu-vert translucide s'aperçoit de temps à autre en contrebas entre les branches. L'automne est là, et la forêt dégage des odeurs de mousse, de feuilles mortes, de terre et de bois humide. Nous sommes bien!



Après une cinquantaine de minute, nous arrivons à l'Emerald Pool, la piscine d'émeraude, vaste bassin créé par un élargissement de la rivière. La couleur de l'eau est formidable, et nous regrettons de ne pas pouvoir l'admirer sous les rayons d'un soleil qui a déjà disparu derrière les montagnes.



La vallée de la Pelorus River est en effet profondément encaissée entre deux chaînes de montagnes, et bien que nous soyons en début d'après-midi, avec le raccourcissement des jours, le soleil a déjà disparu.

Le sentier continue, plat ou montant en pente douce, tantôt suivant la rivière tantôt plongeant dans la forêt. Même à l'ombre de la montagne, il est très agréable à parcourir, nous faisant passer quelques ponts suspendus au-dessus des affluents de la Pelorus ou surplombant cette dernière en suivant les petites falaises escarpées au milieu desquelles elle serpente. L'automne a renforcé l'aspect enchanté de la forêt, en ajoutant aux fougeraies, aux mousses et aux lichens des champignons rouges, violets, bleus, jaunes ou oranges.



On pourrait penser que les deux derniers mois passés à grimper et descendre des échelles en trimballant plus de 60 tonnes de pommes chacun nous auraient laissé en excellente forme physique, mais l'effort à fournir en picking est visiblement différent de celui que demande la marche, et le retour à la crapahute est plus difficile que ce que nous imaginions : nous achevons la première côte un peu un raide suants et soufflants... Il était grand temps de s'y remettre !



Vers 16h et quelques, après environ trois heures de marche, nous passons la Captain Creek Hut, et commençons à scruter les abords du chemin pour dénicher un endroit où poser la tente. Le cadre est grandiose, la rivière forme un genre de canyon aux pentes rocheuses escarpées bordées de végétation, mais tandis que le jour s'assombrit, nous aimerions bien que ces petites falaises s'ouvrent sur une plage, ou que cette belle forêt nous offre un endroit un peu moins saturé de fougères, de broussailles et d'arbres pour que nous puissions monter le camp !

Nous replongeons dans la forêt, passons un nouveau pont suspendu, avant de revenir près de la rivière. En regardant derrière nous, nous repérons enfin une petite plage de graviers en aval, au niveau de l'endroit où le sentier s'était éloigné du cours d'eau, et nous rebroussons chemin, tentant d'évaluer correctement la distance à parcourir avant de quitter la piste pour rejoindre le bord de l'eau et la plage. Nous avançons au cœur d'un sous-bois touffu, sautons une petite bute en terre, et débouchons sur la plage.

C'est encore mieux que ce que nous espérions : un petit promontoire sablonneux nous permet de poser la tente, et côté terrasse, nous sommes servis, avec la rivière qui coule à quelques mètres de nous et les chaînes de montagnes boisées qui nous entourent de toutes parts. Apparemment, nous ne sommes pas les seuls à avoir déniché cet endroit, à en juger par les nombreuses traces de biches ou de cerfs imprimées dans le sable.



17h, nous y voilà ! Le petit thé chaud, le glouglou de la rivière, le calme et la verdure. Nous savourons l'instant, avant que le soleil ne se couche et que le froid nous rappelle que nous ne sommes que de fragiles petites bestioles... Nous terminons la soirée sous la tente, les pieds bien au chaud dans les duvets.

La température tombe à 0 pendant la nuit, mais nous dormons comme des loirs. Encore heureux me direz-vous, vu les supers duvets que nous nous trimballons ! Nous sommes encore loin des températures glaciales que nous avons eu à affronter par le passé, et nous attendons de pouvoir tester notre matos dans des conditions un peu plus extrêmes, avec un peu d'appréhension cela dit. Le fait est que nous ne sommes plus du tout habitués au froid : voilà plus d'un an et demi que nous nous ne connaissons que des printemps et des étés ! La magie du voyage...

Au réveil, nous prenons le thé sous la tente avant de nous extraire de notre terrier dans le froid matinal. Une avalanche de souvenirs nous tombe dessus lorsque nous constatons que notre bien-aimée nouvelle tente n'est pas épargnée par l'un des problèmes majeurs du camping hivernal, à savoir la condensation. Et oui, le corps humain rejette plusieurs litres d'eau par nuit sous forme de vapeur, qui au contact de la toile froide de toute les guitounes du monde condense en une ruisselante pellicule de flotte... Ca faisait longtemps !

Nous replions donc notre maison complètement détrempée, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur, avant de nous mettre en route vers 8h30.

Au programme aujourd'hui : passer la Middy Creek Hut, un refuge se trouvant à deux heures de marche, puis grimper sur les crêtes de la Bryant Range, la chaîne de montagnes qui délimite la Pelorus Valley au nord-ouest, et atteindre le sommet de la Dun Mountain, 1129 mètres, premier des trois sommets que nous allons franchir en suivant la chaîne.

Nous longeons la rivière pendant une vingtaine de minutes, passant d'une rive à l'autre par des ponts suspendus, avant de nous en éloigner pour commencer à grimper dans la forêt. Nous croisons notre premier être humain, un chasseur en tenu de camouflage intégrale armé d'un arc qui avance furtivement dans les bois, et nous prenons soin de revoir à la hausse notre niveau sonore après l'avoir dépassé, afin de faire fuir les innocents petits animaux de la forêt, et occasionnellement pour ne pas nous prendre une flèche dans le dos par mégarde.



La montée, à travers une jungle toujours aussi magnifique, n'est ni raide ni difficile, et vers 10h30 nous arrivons au refuge. Une petite cabane se dresse au milieu d'une clairière d'herbe rase, à deux pas de la rivière, et comme d'habitude nous regrettons de n'être qu'en début de journée tant le coin est parfait pour y poser la tente...

Nous profitons de la clairière pour faire une pause, profiter du soleil et parler de la balade. Il s'avère que cette première virée est très agréable jusqu'à maintenant, mais que le fait de traverser de la forêt en permanence, aussi belle soit-elle, risque de ne pas tarder à nous lasser. D'un autre côté, dans un parc forestier, il fallait peut-être nous attendre à manger du bois... Il n'empêche que nous espérons que la journée va nous apporter un peu de variété, même si le décors a peu de chance de changer : nous n'allons monter qu'à 1129 mètres, tandis que la bushline, la limite de la forêt, se trouve la plupart du temps aux alentours de 1200. Nous verrons. Nos espoirs de trouver un décors un peu plus rocailleux dans les hauteurs reposent principalement sur le nom de la grande formation géologique dont fait partie la Bryant Range, ''The Mineral Belt'', ''La Ceinture Minérale''.

Une fois passer le refuge, 3 ou 4 heures de marche nous attendent pour atteindre le Dun Saddle, le col par lequel nous devons déboucher sur la Bryant Range, quelques 600 mètres plus haut.

Nous arrivons bientôt à une jonction, où nous quittons l'itinéraire principal qui redescend vers la Pelorus River pour suivre celui qui grimpe vers les hauteurs, sur un sentier le plus souvent dégagé, mais qui parfois se couvre de racines ou nous fait traverser de petits pierriers.  



Nous faisons notre deuxième rencontre du trek : durant l'ascension, nous nous retrouvons nez à nez avec un chevreuil qui paisse tranquillement sur le sentier, environ 5 mètres devant nous... La bestiole sursaute, nous sursautons, elle détale dans la pente à fond de train, et nous lui chipons sa place pour pique-niquer, un peu coupables. Ne pas déranger la vie sauvage qu'ils disaient... Nous nous consolons en nous disant que nous avons sans doute sauvé la vie de l'animal : le chasseur que nous avons dépassé ce matin, grâce à nous, ne tombera pas sur le pauvre (et pas très malin...) chevreuil sans défense servi sur un plateau d'argent en plein milieu du chemin.

Nous continuons à grimper, beaucoup plus hardiment que la veille, au milieu d'une flore qui change avec la prise d'altitude. Les arbres se font plus petits, plus buissonneux, et nous ménagent assez d'espace pour profiter de quelques vues sur les montagnes alentours. L'après-midi d'hier nous a visiblement bien dérouillé, et nous gambadons dans la pente tel des cabris, si vite qu'il est seulement 13h lorsque nous arrivons près d'un nouveau refuge, perché sur une crête juste à côté du Dun Saddle.

C'est à partir de cet instant que notre balade déjà bien sympathique va prendre du galon : deux chemins partent du refuge. L'un d'eux, celui que nous devons emprunter, suit la crête en direction du col et de la Dun Mountain, tandis qu'un autre conduit en une petite demi-heure vers un point de vue. Il est tôt, nous sommes en avance, et nous décidons d'aller y jeter un œil avant de poursuivre.

En chemin vers le point de vue, nous croisons un deuxième homo sapiens : une jeune randonneuse éplorée originaire de Nelson qui a perdu sa veste, emportée par le vent sur le massif avec tous ses papiers dans les poches, et qui cavale depuis deux heures sur tous les sentiers du coin pour la retrouver. Décidément, de biens étranges personnages parcourent ces bois...

Le sentier quitte rapidement la forêt pour grimper en pente douce à travers un espace dégagé, couvert de caillasse et de buissons rabougris, en direction d'un groupe de petites collines rocheuses. Niveau renouvellement visuel, nous sommes comblés : Le décors se fait minéral, et le point de vue lorsque nous arrivons au sommet de la colline, où se dressent d'énormes blocs de roche parmi les buissons, est somptueux.



''Prendre notre temps'', telle est la devise de nos prochaines vadrouilles, et il est temps de l'appliquer. Nous nous posons derrière un rocher, à l'abri du vent, et nous préparons un thé pour profiter de l'endroit.



Nous rejoignons bientôt notre itinéraire, qui suit la crête vers le nord-est à travers la verdure.



Ce nouveau passage en forêt est de courte durée, et nous débouchons bientôt sur un nouveau plateau rocailleux, couvert de roches et de tussock. Quelques buissons poussent par-ci par-là, de gros rochers aux teintes rouge-orangées affleurent du sol, et de chaque côté de la crête, la vue est complètement dégagée. Nous nous sourions : ça commence à devenir vraiment classe !



Nous traversons pierriers, belles étendues de tussocks et bosquets d'arbres pour déboucher au Dun Saddle un peu avant 16h. Le sommet arrondi du col est intégralement couvert de pierres rouges ou oranges, on se croirait sur Mars ! La lumière du soleil couchant sublime le tout. Un peu plus loin, au-dessus de nous, se dresse la Dun Mountain, et nous mettons le cap droit dessus, quittant notre gentil sentier pour nous lancer sur la portion un peu ardue de notre balade : une piste vaguement tracée dans la pente rocailleuse qui sépare le col du sommet de la montagne.



Le passage est court, moins de 45 minutes, mais intense. La piste, très raide, nous fait grimper dans des pierriers, sur des escarpements ou de hautes marches rocheuses naturelles, en suivant un balisage quasi inexistant qui se résume à un poteau tous les 20 ou 30 mètres, dont la couleur rouille se confond avec celle des roches.

Nous prenons notre temps. Tandis que nous nous élevons lentement, la vue derrière nous devient sensationnelle.



Nous débouchons sur un étroit et long plateau couvert de roches, de mousses, de buissons et de hautes herbes. Les rayons rasants du soleil qui descend doucement peignent de jolis jeux d'ombre sur le tableau.



Une dernière petite ascension nous amène au sommet arrondi de la Dun Mountain un peu avant 17h. Nous avions lu que la vue de là-haut était à tomber, malheureusement quand nous arrivons sur place, bien que le ciel soit bleu juste au-dessus de nos têtes, un épais brouillard a encerclé la montagne.

La nuit ne va pas tarder à tomber, nous décidons de poser le camp sur le sommet et commençons à prospecter pour chercher un petit carré plat dans la broussaille et les touffes d'herbes. La tâche est ardue... Parce qu'elles sont mignonnes ces vastes étendues dorées de tussock pleines de buissons que nous croisons tout le temps durant nos balades, mais il faut avouer qu'elles n'offrent que peu de coins où poser une tente : observées de loin, elles paraissent toujours plates et parfaites pour camper, mais en s'approchant on constate que les grosses touffes d'herbe forment de hautes et envahissantes bosses sur lesquelles il est impossible de monter correctement une guitoune...

Après plusieurs minutes de recherche, nous découvrons finalement un carré de mousse à peu près dégagée pour poser le camp.

A peine avons nous terminer de dresser la tente, toujours détrempée de la nuit précédente, que le brouillard, avec le renfort du vent, gagne sa bataille contre la montagne et envahit tout le sommet. Pour la vue, on repassera, mais côté ambiance, les volutes de brume qui tourbillonnent tout autour de nous en laissant apparaître les formes fantomatiques des rochers et des buissons donnent l'impression d'être sur une autre planète !



Hormis le léger souffle du vent, il règne un silence total, et la sensation d'isolement est accentuée par le rideau blanc qui encercle notre perchoir, le transformant en un petit îlot perdue dans les nuages.

Nous nous posons à l'abri d'un gros rocher pour nous réchauffer les mains sur une tasse de thé, seuls au monde, en profitant de l'atmosphère du coin, savourant comme hier soir le succès de notre quête d'endroits paumés, sauvages et calmes. Aujourd'hui, le Mount Richmond Forest Park a grimpé bien des crans dans notre estime !



La nuit tombe, ainsi que la température, et nous nous réfugions sous la tente pour engloutir notre plâtrée de nouilles quotidienne et nous emmitoufler dans nos duvets avant de nous endormir au son du vent.

Cette nuit constitue le premier essai de nos sacs de couchage sous températures négatives : le mercure descend à -5, mais nous dormons à point fermé. Décidément, ils sont géniaux ces duvets !

Au réveil, il fait froid et plutôt sombre, et nous nous résignons à ne découvrir, à la sortie de la tente, que brume et nuages, jusqu'à ce que, tandis que nous prenons notre petit dèj, notre piaule se retrouve inondée de lumière. Le soleil n'était simplement pas levé !

Nous émergeons de notre terrier sous un ciel complètement bleu, pour nous retrouver devant un paysage somptueux dominé par le soleil levant : non seulement nous découvrons enfin la fameuse vue que le brouillard nous cachait hier soir, mais en plus cette dernière est sublimée par des nuages bas qui emplissent toutes les vallées alentour. Nous voilà entourés d'une mer blanche, au-dessus de laquelle apparaissent de nombreux sommets comme autant de petites îles. Un fantastique panorama à 360 degrés pour bien commencer cette dernière journée dans le parc !



Il est déjà 9h quand nous mettons les voiles. Aujourd'hui, nous nous attendons à pas mal de montées-descentes : nous allons suivre la Bryant Range vers le nord-est sur une douzaine de kilomètres et passer le Little Twin et le Maungatapu, avant de déboucher sur le chemin de 4x4 qui doit nous amener à la fin de la boucle après une douzaine de bornes supplémentaires. Nous prévoyons d'arriver à la voiture en début d'après-midi.

Nous survolons notre océan de nuages tout en descendant un moment dans la caillasse, avant de passer un petit col depuis lequel nous profitons d'une vue magnifique avant de nous diriger vers les pentes du Little Twin, 1143 mètres, qui se dresse au-dessus de nous en un pic conique couvert de forêt.



Nous replongeons dans les bois et attaquons un courte mais très raide grimpette d'une vingtaine de minutes. Au sommet, la forêt est bien trop dense pour nous laisser apercevoir les alentours, et nous ne tardons pas à dégringoler du Little Twin sur un sentier aussi abrupte qu'à la montée.



Nous atterrissons bientôt sur la crête arrondie qui relie le Little Twin au Maungatapu, et la végétation change complètement : exit les fougeraies et les grands arbres, nous nous retrouvons au milieu de petits arbres aux troncs noueux tandis que les fougères laissent place à de hautes herbes d'un vert vif à travers lesquelles nous devons parfois nous frayer laborieusement un chemin, sur un sentier qui devient boueux et nous oppose de longues fondrières qu'il nous faut franchir en jouant les équilibristes sur des troncs d'arbres morts. Décidément, il ne se passera pas un seul trek sans que nous ne devions mettre les pieds dans la gadoue !



Si le terrain ne rend pas la progression facile, la dénivelé est quant à elle assez calme : le sentier reste plat sur les 5 kilomètres qui nous séparent du pied du Maungatapu.



La vue est la plupart du temps bien dégagée de chaque côté de la crête, et nous offre de fantastiques panoramas sur les montagnes et les vastes étendues de forêt du parc.



Nous passons un petit lac aux rives marécageuses...



… et le sentier nous ramène dans une forêt de grands arbres à travers laquelle il commence à grimper vers le sommet du Maungatapu.



Nous faisons notre pause casse-croûte dans les bois, avant d'attaquer la dernière petite ascension de la balade.

Tandis que nous commençons à grimper, nous sommes rejoins par un fantail bird curieux qui va nous accompagner pendant toute la montée ! Il s'agit d'un minuscule oiseau au plumage sombre possédant une belle queue noire et blanche en forme d'éventail deux fois plus grande que son corps et un air beaucoup trop sérieux et inquisiteur pour sa taille... Les fantail birds sont nos principaux compagnons de marche, et celui-ci nous précède pendant près de vingt minutes en voletant vivement de branche en branche, se posant parfois à moins d'un mètre de nous pour nous scruter de ses sévères petits yeux noirs.

La grimpette en compagnie de notre petit ami à plumes s'avère beaucoup plus douce et régulière que la précédente, et nous atteignons rapidement le sommet, à 1014 mètres, avant de descendre de l'autre côté sur un chemin beaucoup plus raide, qui est parfois tellement abrupte que nous devons nous accrocher aux troncs d'arbres pour négocier certains passages.

A ce train là, nous perdons rapidement de l'altitude, et nous atterrissons bientôt sur un petit plateau, quittant la forêt pour déboucher sur une étendue rocailleuse bordée de buissons, qui nous ménage un fantastique panorama sur la forêt qui nous entoure.



Moins de deux kilomètres plus loin, nous arrivons à la jonction avec le chemin pour 4x4 qui coupe le sentier et part vers l'est. Nous sommes dans les temps, il est 13h30, et il nous reste une douzaine de kilomètres à parcourir pour retourner au début de la boucle. 12 bornes de route en terre qui ne s'annoncent pas des plus intéressantes... Nous ne trouvons en général que peu d'intérêt à crapahuter sur un large et plat chemin de 4x4.

Finalement, ça pourrait être pire : la piste suit le flanc de la montagne en descendant doucement, nous galopons littéralement dessus, et nous profitons d'une belle vue dégagée côté vallée, qui nous permet d'apprécier l'immensité de la forêt.



Nous croisons quelques troupeaux de chèvres, et tandis que nous papotons pour passer le temps, nous arrivons à une jonction. Un deuxième chemin s'ouvre à notre gauche, tandis que celui que nous suivons continue tout droit... Mais il n'y a aucun panneau à l'horizon, pas la moindre indication... Tiens ?

Autour de nous, il n'y a rien. Le décors se répète inlassablement : nous sommes au milieu d'une immense étendue de montagnes et de collines, le tout couvert d'une interminable forêt sur des kilomètres. C'est mignon, mais il n'y a aucun point de repère, et nous craignons de prendre un chemin qui nous ferait dégringoler dans la mauvaise direction pour nous planter après une longue marche au fond d'une gorge.

Il est temps de sortir la boussole. Notre méthode est très approximative : nous savons que nous devons nous diriger grosso-modo vers l'est, or nous constatons que le deuxième chemin descend vers le nord, tandis que le premier semble tourner justement vers l'est une centaine de mètres plus loin. Nous continuons donc tout droit, en espérant que la piste ne change pas de direction plus tard...

Nous passons une première rivière en sautant sur des rochers, puis une deuxième, avant de nous retrouver face à un nouveau carrefour : un chemin s'ouvre cette fois sur notre droite... Bigre.

Ce coup-ci, le choix est assez facile : le chemin que nous suivons a bifurqué vers le nord, et il semble continuer à tourner en une longue courbe vers l'ouest, tandis que la nouvelle piste s'ouvre plein est. Nous décidons de l'emprunter.

Nos sentiments sont mitigés tandis que nous suivons ce nouveau tracé : d'un côté, il est toujours jouissif de trouver son chemin à coup de boussole, mais en même temps la balade s'éternise, le soleil tape, la fatigue commence à s'installer, le paysage est répétitif, et nous avons toujours un désagréable petit doute sur les directions que nous avons choisi. Nous ne pouvons nous empêcher de penser que voilà peut-être près d'une heure que nous marchons sur le mauvais chemin...

Le retour de signes de civilisation nous rassure. Quelques fermes apparaissent au milieu de pâturages dégagés, et nous longeons bientôt une clôture le long d'un pré où paissent des moutons. Finalement, à 15h30, nous débouchons sur la route de gravier que nous avons emprunter pour venir, fiers comme des coqs de nos aptitudes à l'orientation !

Nous remontons la route sur un ou deux kilomètres pour arriver à la voiture.

Notre escapade sur le Pelorus Track dans le Mount Richmond Forest Park a été une excellente surprise. La boucle que nous avons suivi, plutôt simple et tranquille point de vue dénivelé et difficultés technique, nous a permis de renouer correctement mais sans trop nous fatiguer avec la crapahute et tout ce qui fait son charme dans ce pays : alors que nous craignions de ne traverser que de la forêt pendant 3 jours, le tracé nous a finalement offert pas mal de variété et des paysages changeant et toujours magnifiques. Une bien belle première balade !


En route vers la côte est


La suite des festivités doit nous conduire à Kaikoura, sur la côte est, pour glandouiller un jour ou deux avant d'aller explorer le Clarence Conservation Park, dans les montagnes au-dessus de la petite ville côtière. Nous avions pensé rejoindre Kaikoura aujourd'hui, mais l'heure déjà bien avancée nous fait remettre notre départ au lendemain. Nous avons la chance de nous trouver à seulement une quinzaine de kilomètres de l'Alfred Stream Recreation Area, le camping gratuit sur lequel nous nous étions posés à la fin de notre incursion sur le Queen Charlotte Track, et nous décidons de le rejoindre pour y passer la nuit. Sur place, nous faisons enfin sécher notre pauvre tente qui est restée trempée pendant deux jours, et nous passons la soirée au chaud dans la voiture. Maintenant que nous ne sommes que deux, il nous suffit de rabattre les sièges avant pour nous aménager un véritable petit salon tout confort !

Au matin, nous nous mettons en route pour Kaikoura. 2 route permettent d'accéder à la petite ville côtière : par Blenheim et le nord en suivant la côte pacifique, ou par l'ouest puis le sud. La route du nord constitue la voie la plus rapide, malheureusement elle est coupée depuis le tremblement de terre de novembre dernier, et ne rouvrira pas avant la fin de l'année. La route par l'intérieur de l'île nous oblige quant à elle à effectuer un détour de plus de 400 kilomètres... En étudiant les cartes du pays, nous avons découvert un troisième passage, par le nord, qui s'ouvre juste avant la portion coupée et passe par l'intérieur des terres pour rejoindre la côte juste en-dessous de Kaikoura en court-circuitant le détour. Durant notre dernière soirée au verger, Chris, notre collègue canadien, nous a appris que l'une de ses amies l'a emprunté il y a peu, et nous décidons de tenter le coup.

Nous décollons de l'Alfred Stream vers 9h et roulons vers l'est. Arrivés à Blenheim, nous tournons sur l'autoroute 1 en direction du sud, et voyons se multiplier les panneaux rappelant que la route est fermée et que le seul passage pour la côte est se fait par le détour... Nous commençons à nous dire que s'il existait vraiment une troisième possibilité, elle serait indiquée et connue, mais maintenant que nous sommes là, nous décidons d'en avoir le cœur net. Trente minutes après avoir quitté Blenheim, c'est fait : la jonction avec notre passage secret est barrée d'un énorme panneau orange indiquant que la route est fermée... Nous apprendrons quelques semaines plus tard que notre solution miracle, si elle nous avait effectivement permis de réduire un détour de près de 500 bornes à seulement 200, n'aurait pas changé grand-chose point de vue temps de trajet : le passage en question traverse la plus grande exploitation agricole du pays, et consiste en plus de 100 kilomètres de route de gravier limitée à 30 km/h...

Nous faisons demi-tour, et nous résignons à rouler toute la journée pour effectuer le looong détour qui nous sépare de Kaikoura.

Nous empruntons des routes que nous commençons à connaître par cœur, passant Saint Arnaud et le Nelson Lake National Park, descendant la route que nous avons remonté au retour des dernières vacances, repassant près de la Victoria Forest. Les forêts de sapin surplombées de hautes montagnes laissent place aux pâturages, qui laissent place à des étendues de broussailles vallonnées survolées par les faucons. L'automne a apporté sa palette de couleurs chaudes à des étendues néo-zélandaises toujours plus sublimes et agréables à parcourir.

Lorsque la nuit tombe, nous sommes encore à une centaine de bornes de Kaikoura, que nous mettons plus de deux heures à parcourir. La dernière fois, nous étions arrivés par le sud et la côte, sur une route ravagée par le séisme, et nous constatons que malheureusement le passage par les terres n'a pas été épargné : zones de travaux tous les 500 mètres, passages alternés sur une seule file, trous et bosses rendent notre fin de trajet laborieuse et fatigante.

Nous débarquons dans le centre-ville tard dans la soirée, avant de parcourir une douzaine de kilomètres supplémentaires vers le nord pour rejoindre Puhi Puhi, le camping du DOC que nous avions occupé la dernière fois.

Durant le dîner, nous réfléchissons à la suite. Le Clarence Conservation Park nous tend les bras, mais comme je le disais plus haut, nous avons décider de ne pas nous presser et de prendre notre temps pour effectuer toutes les marches que nous voulons faire, préférant les espacer de quelques jours de repos à chaque fois. Le problème étant que Kaikoura et ses environs ne sont pas vraiment propices aux longs séjours : aucun camping gratuit, internet limité à la bibliothèque, et surtout... Aucun camping gratuit, crénom! Le Puhi Puhi coûte en effet la bagatelle de 8$ la nuit.

Le lendemain matin, nous rejoignons donc le centre-ville pour consulter la météo et aviser. Et paf : grand beau temps aujourd'hui, demain et après-demain, puis pluie, pluie et encore pluie. Et bien le repos attendra! La balade que nous avons prévu de faire dans le Clarence devrait nous prendre à peu près trois jours, et nous décidons de lancer l'opération sans plus attendre.


Atterrissage dans le Clarence


Avant de poursuivre, quelques précisions sur la balade en question : juste au-dessus de Kaikoura s'élève une petite chaîne de montagnes, très sagement nommée la Kaikoura Range. La Kaikoura Range est divisée en deux sur toute sa longueur par la Clarence River, qui délimite côté océan la Sea Ward Kaikoura Range, et vers l'intérieur des terres l'Inland Kaikoura Range. Ces deux massifs, séparés par la vallée de la Clarence River, comprennent un bon nombre d'espaces protégés, dont le Clarence Conservation Park, qui s'étale sur plusieurs centaines d'hectares dans la Sea Ward Kaikoura Range.

Les Maoris utilisèrent la Clarence River pour voyager entre son embouchure et l'intérieur des terres pendant plus de 750 ans. A partir de 1857, des colons européens tentèrent de traverser le massif avec des troupeaux et d'y bâtir des fermes, mais les difficultés d'accès étaient telles que les tentatives cessèrent autour de 1890, le parc devenant alors un territoire inoccupé de la couronne britannique. Ne reste de cette époque que quelques huttes, et surtout la route utilisée par les colons, aujourd'hui aménagée en chemin pour 4x4, que nous allons suivre entre l'entrée du parc et la vallée de la Clarence River.

Pourquoi avons-nous décidé d'aller marcher pendant trois jours sur une route en terre alors que quelques lignes plus haut je vous expliquais que nous n'y trouvions que peu d'intérêt ? C'est tout bête : en fouinant sur le net à la recherche d'idées de randos, nous sommes tombés sur quelques photos du parc, que nous avons trouve sacrément jolies. Et Brian nous a raconté, lorsque nous lui avons fait part de notre projet d'aller voir le coin de plus près, que marcher à la pleine lune dans le Clarence donnait l'impression de se balader directement sur cette dernière, or justement nous sommes en période de pleine lune. Il ne nous en fallait pas plus !

Ajoutons aussi que la Kaikoura Range, contrairement à la quasi-totalité des Alpes du Sud, a échappé à la dernière glaciation en raison du climat plutôt chaud et sec qui régnait dans la région. Ses reliefs n'ont donc pas été sculptés par le déplacement des glaciers et l'eau de leur fonte, mais par des mouvements massifs de roches et de débris, et la configuration du terrain ainsi que la composition minérale du sol, mélangeant roches calcaires et volcaniques, qui en résultent sont originales et uniques dans le pays. En plus de paysages sublimes, le parc accueille ainsi bon nombre d'espèces végétales endémiques de la région.

Globalement, notre virée dans le Clarence s'est donc décidé un peu au pif. Le parc n'apparaît pas dans les guides que nous avons pu avoir entre les mains, et avant la découverte de quelques photos sur le site du DOC, nous n'en avions jamais entendu parler.

Nous partons donc pour un peu de découverte et d'exploration surprise.

Pour plus d'informations sur le Clarence Conservation Park, voyez ici.

L'heure est déjà bien avancée, et nous faisons un rapide inventaire de nos provisions, achetons ce qui nous manque et bouclons nos sacs avant de passer au bureau du DOC. Les routes qui mènent à Kaikoura étant sois coupées, sois en travaux, nous craignons en effet que le chemin traversant le parc n'ait été lui aussi affecté par le tremblement de terre. On nous annonce que non : il est toujours praticable, et il n'y a aucun danger à le parcourir à pied, même si on nous encourage à ne pas trop rester sur les bords de la routes pour éviter glissement de terrain et autre chute de pierre...

Nous rejoignons l'entrée du parc, à 25 kilomètres au sud-ouest de Kaikoura, sur la route que nous avons suivi hier soir, et chargeons nos bardas avant de tenir un rapide conseil. Il est déjà 13h30 passé, et nous ne disposons que de quelques heures avant la nuit, qui tombe sacrément vite en cette saison ! L'itinéraire que nous allons suivre ne forme pas une boucle, et nous n'avons d'autres objectifs que celui d'y avancer le plus loin possible avant de rebrousser chemin. Nous visons pour cet après-midi le Blind Saddle, un col constituant la porte d'entrée pour la vallée de la Clarence situé environ 1000 mètres plus haut, à une dizaine de kilomètres de marche, en espérant y trouver un coin où poser la tente.

Nous laissons la voiture et nous lançons sur le large chemin de terre qui serpente en suivant une petite rivière au milieu d'une étendue plate de caillasses en direction de la montagne. Quelques minutes et deux rivières franchies à saute-cailloux plus tard, la grimpette commence, gentille mais continue, tandis que le chemin quitte la plaine rocailleuse pour monter dans un hallier.

Nous arrivons bientôt, suants, sur un premier plateau, large et couvert d'herbe : nous ne sommes pas encore dans le parc à proprement parlé, et la route de terre creusée d'ornières forme une longue ligne droite entre deux pâturages clôturés, avant de se remettre à grimper dans une forêt de sapins.



Nous débouchons sur un deuxième replat et suivons la lisière de la forêt avant de quitter les espaces privés pour entrer dans le parc. Au-dessus de nous se dressent les montagnes, et nous voyons notre chemin zigzaguer le long du flanc d'un haut éperon rocailleux. Loin au-dessus, derrière l'éperon, nous apercevons le Blind Saddle.

S'ensuit une longue ascension de près de deux heures, pas bien méchante mais qui grimpe de façon ininterrompue. Si le chemin en lui-même, large route poussiéreuse couverte de pierres, ne présente pas grand intérêt, comme il fallait s'y attendre, le panorama qui se dévoile à mesure que nous nous élevons devient grandiose. Plaines, collines, et même le Pacifique qui apparaît au loin.



Ligne droite, virage, ligne droite, virage, sur une pente complètement dégagée bordée de buissons et de pierriers... Un brin interminable tout ça... Ca va que chaque tournant, où nous marquons une pause dégoulinant de sueur, nous offre une nouvelle vue chaque fois plus aérienne, un coup sur la vallée que nous venons de quitter à l'est, un coup sur les chaînes de la Kaikoura Range au sud-ouest.



Nous atteignons finalement une crête que nous suivons tandis que le jour s'achève. Durant une dernière ascension de quelques minutes qui nous paraissent durer beaucoup plus longtemps, fatigués que nous sommes, nous commençons à scruter les abords du chemin en quête d'un coin pour dormir, même si nous espérons pouvoir poser la tente directement sur le col, d'où la vue est, parait-il, à tomber.



Il est 16h30 quand nous passons finalement, après trois heures de marche et plus de mille mètres de grimpette, un panneau indiquant “Blind Saddle, 1190m”.

Le soleil a déjà disparu derrière les montagnes, mais la clarté est encore suffisante, et lorsqu’enfin nous découvrons, passant le col entre les deux petits sommets escarpés qui l'encadrent comme des tours de garde, ce qui se cache derrière, la claque visuelle est magistrale. Ca valait le coût!

Le chemin bifurque à droite et court le long du flanc de la montagne pour se perdre dans les collines, tandis qu'à notre gauche, le pic qui s'élève au-dessus du Blind Saddle donne sur une longue crête, dont les pentes plongent abruptement dans une profonde gorge qui s'ouvre juste en face de nous. Au loin, l'horizon est barré par une succession de sommets enneigés.



Le paysage tranche radicalement avec ce que nous avons pu avoir sous les yeux dans le Mount Richmond Forest Park : ici, point de forêt ou de végétation dense, tout n'est que roches, pierriers, éboulis, le tout parsemé de quelques buissons ou de petites étendues de tussock.

Il faut que nous dormions là! Nous quittons le chemin pour descendre de quelques mètres dans la pente couverte de broussailles qui plonge vers la gorge, et ne tardons pas à découvrir un replat qui semble avoir été prévu pour nous accueillir.

Nous montons le camp, puis nous posons avec un thé face à notre nouvelle terrasse. Bien que nous soyons juste en-dessous du col, il n'y a pas un souffle de vent, le calme est absolu, et seul nous parvient aux oreilles le lointain et reposant murmure des rafales qui doivent balayer les hauteurs. A nouveau, le temps se fige, et nous buvons notre thé en silence, sourire aux lèvres.

Le calme ne dure pas : la nuit tombe, et avec elle un vent violent se lève. Nous battons en retraite dans la tente pour dîner et préparer le lendemain. Comme je le disais plus haut, nous n'avons pas de destination particulière dans le parc, et nous voulons seulement poursuivre notre marche sur le chemin pour nous enfoncer un peu plus profondément dans le somptueux décors que nous venons de découvrir avant de rebrousser chemin.

Un petit imprévu risque cependant de venir chambouler notre pseudo programme : le manque d'eau. En début d'article, je vous annonçais que la flotte n'était jamais un problème ici, les parcs étant sillonnés de centaines de ruisseaux, torrents et autre rivières à l'eau d'une pureté incomparable... Ba dans le Clarence, visiblement, si...

Nous n'avons croisé aucun court d'eau depuis le départ de la balade, rien aux abords du col, et aussi loin que nous avons pu voir, la suite du chemin, à flanc de montagne, ne semble pas croiser la moindre ravine ou autre indice visuel montrant la présence d'eau, en dehors de la gorge, loin en-dessous.

Nous pensions nous balader toute la journée du lendemain, pour redescendre après-demain matin, mais si nos réserves de flotte nous permettent largement de subvenir à nos besoins demain dans la journée, nous n'aurons en revanche plus rien à boire d'ici le soir.

Nous verrons cela plus tard. Pour l'heure, nous bouquinons un peu, avant d'éteindre nos lampes, pour constater que la toile de la tente est brillamment éclairée par un clair de lune qui doit être éblouissant. J'attendais avec impatience de vérifier les recommandations de Brian concernant le rendu visuel du parc à la pleine lune, et je m'emmitoufle avant de sortir et de remonter sur le chemin pour une petite promenade vespérale.

Il caille, un petit vent un peu trop vivifiant souffle, mais le ciel est clair, et la lune, comme prévu, pleine et brillante. On y verrait presque comme en plein jour !

Le massif, tout revêtu de teintes grises et argentées, est surréaliste. On se croirait effectivement sur la lune! Je n'y suis jamais allé me direz-vous, mais c'est comme ça que je l'imagine.

Après quelques minutes de contemplation, je me remue histoire de me réchauffer et de reconnaître le sentier sur un ou deux kilomètres, sans trouver le moindre ruisselet ou bruit d'eau qui coule, avant de rentrer. Arrivé en surplomb de la tente, j'admire une dernière fois de l'incroyable paysage lunaire qui s'étend devant moi. La tente, seul source de lumière vive visible au milieu du gris-argenté des montagnes, paraît minuscule...

Nous dormons à points fermés, et au matin, après le thé, nous nous préparons à partir explorer le massif, grandiose au soleil levant.



D'ordinaire, les balades nous demandant de faire un aller-retour ne nous branchent pas forcément, et nous leur préférons les boucles, qui ne font pas passer par les mêmes endroits plusieurs fois, mais il faut leur concéder un avantage indéniable : étant donné que nous allons y repasser, nous décidons de nous servir de ce fantastique spot camping sur le col comme camps de base. Nous y laisserons la tente montée et les affaires pour aller gambader le dos léger, et nous y repasserons en fin de matinée ou d'après-midi, suivant la façon dont se termine notre quête d'eau, pour replier ou y passer la nuit si nous avons trouver de quoi boire.

Vers 9h, nous abandonnons donc notre guitoune, n'emportant qu'un sac plastique contenant deux bouteilles, l'une pleine et l'autre vide, et notre casse-croûte pour midi si nous ne sommes pas rentrés avant.  

Le ciel devient un chouia nuageux, mais le temps est sec, et sans les sacs, notre marche se transforme en promenade de santé pour les deux randonneurs du dimanche auxquels nous devons ressembler, trimballant notre petit sac plastique pour tout équipement.

Après quelques montées-descentes, le chemin longe le flanc de la montagne pour plonger doucement vers le fond de la gorge et la vallée de la Clarence River qui apparaît au loin. Après une vingtaine de minutes, le problème de l'eau se règle, lorsque nous enjambons un premier ruisseau qui traverse le chemin, suivi de nombreux autres.

Comme hier, la marche en elle-même, sur le large chemin pour 4x4, ne présente pas grand intérêt, mais le décors que nous traversons est encore plus somptueux que la veille. En passant le Blind Saddle, nous avons atterrit sur une autre planète, minérale et vallonnée, au relief souvent torturé, à la végétation rare, broussailleuse et parfois étrange dans ses formes et ses couleurs.



Pendant deux heures, nous descendons tranquillement, faisant parfois une pause pour profiter d'un panorama particulièrement beau. Si à deux reprises, un 4x4 nous croise, nous ne rencontrons aucun autre marcheur. En revanche, il nous arrive parfois d'apercevoir une chèvre au loin, montant la garde au sommet d'une colline.



La grisaille commence à se dissiper, et nous atteignons le fond de la gorge sous un beau soleil, ce qui nous permet d'apprécier les belles couleurs automnales des arbres qui couvrent les bord d'une petite rivière que nous commençons à longer entre deux petits défilés de collines.

Nous marchons au bord du court d'eau qui au bout d'un moment forme un coude et nous barre la route. Pas très chauds que nous sommes à l'idée de traverser à gué de l'eau jusqu'aux genoux dans un courant qui a l'air assez fort, nous quittons le chemin pour suivre directement les méandres de la rivière. Le terrain est plutôt dégagé, et les quelques chèvres qui gardent le massif se sont visiblement chargées de tracer des pistes à peu près nettes le long du cour d'eau.



Nous marchons encore un moment dans la broussaille, au milieu d'une flore colorée et assez singulière, avant de nous poser au bord de l'eau sur de gros rochers. Le soleil brille, les rives multicolores donnent sur les pente ocres et dorées des hauteurs depuis lesquelles nous sommes descendu, et nous profitons un moment du coin avant de faire demi-tour et de commencer à remonter.



Il n'est pas midi, pourtant la flemme nous envahit déjà, et nous décidons de rejoindre la tente et de nous poser pour la fin d'après-midi afin de profiter de notre terrasse.

Pendant la remontée, le ciel se charge à nouveau mais le temps reste sec, et nous nous arrêtons après une petite heure de marche face aux montagnes pour manger un morceau, lorsque des cris se mettent à raisonner dans le massif... On dirait des gémissements de chien, qui semblent provenir de derrière l'une des petites crêtes qui nous surplombent, et qui déchirent le silence à intervalles réguliers. Nous commençons à nous dire qu'un chien a dû se perdre et tomber quelque part, et nous remballons le casse-croûte pour nous mettre à gravir la pente très raide, rocailleuse et poussiéreuse qui mène au sommet de la crête. En haut, nous constatons qu'une fois de plus la redoutable efficacité de nos talents de trappeur : dans le Victoria, j'avais quand même réussi à confondre des traces de biches avec des traces humaines, et à présent, nous nous apercevons que ce que nous prenions pour des gémissements de chien blessé venait en fait... D'un bouc, visiblement en pleine santé, qui gambade joyeusement dans les pentes à une centaine de mètres de nous en beuglant joyeusement. Bien joué !

Nous mangeons sur la crête, avant de redescendre laborieusement sur le chemin et de continuer notre route.



Nous atteignons la tente vers 14h30, il n'y a pas un souffle de vent, le soleil est revenu, et nous sortons lecture, réchaud et tasses, avant de nous poser tel des loques face au panorama. L'après-midi s'écoule paisiblement, arrosé de litres de thé, tandis que nos yeux quittent parfois la page que nous sommes en train de lire pour se perdre dans les magnifiques étendues qui nous font face.

La nuit tombe doucement, et nous rentrons bientôt pour dîner et dormir.

Le lendemain, l'heure est venue de mettre les voiles. Nous replions sous un ciel gris avant d'admirer une dernière fois la sublime vue du col, puis nous dévalons le chemin qui descend vers la vallée et les champs. Nous mettons moins de deux heures à retourner a la voiture.

Encore une bien bonne surprise que cette petite incursion dans le Clarence! Décidée un peu au hasard, sans trop nous renseigner dessus, notre balade nous a permis de garder intact le plaisir de découvrir un parc somptueux avec l'impression d'atterrir sur une autre planète magnifique et très différente de ce que nous avons pu voir jusqu'à maintenant. Si la marche en elle-même, plutôt facile point de vue physique, a peut-être manqué de piment étant donné qu'elle s'est déroulée intégralement sur un large chemin de 4x4 sans aucun intérêt, elle a au moins eu le mérite de nous laisser admirer tranquillement les étendues qui nous entouraient sans avoir à regarder toutes les 5 secondes où nous mettions les pieds. Côté fréquentation, nous avons été seuls quasiment tout le temps : seul trois ou quatre véhicules sont venus troubler notre tranquillité au cours de la journée d'hier. Ce qui, maintenant que j'y pense, est quand même loin d'être top...

Finalement, ces deux treks nous montrent encore une fois que n'importe quel itinéraire de randonnée dans ce pays des merveilles est formidable à parcourir. Il n'est même pas nécessaire de trop se renseigner dessus, en dehors de la météo et du niveau technique : pour ce qui est du cadre naturel, il est impossible d'avoir une mauvaise surprise, ou en tous cas nous n'en avons jamais eu, et ne pas trop savoir ce qui nous attend quelque part, comme dans le cas du Clarence, permet de profiter d'un sentiment intact et jouissif de découverte pure.

Encore une fois, on constate que les étendues sauvages de Nouvelle Zélande ne se découvrent pas en louant un tour en bateau dans l'Abel Tasman ou en marchant en file indienne sur une great walk ou une petite marche d'une heure bondée de touristes. Les meilleurs balades que nous avons fait dans ce pays, dont font partie les deux décrites dans cet article, nous les avons réalisé sur plusieurs jours, suivant des itinéraires qui n'apparaissent pas dans les immanquables des guides. On le redit : pour en prendre plein les yeux en Nouvelle Zélande, prenez votre tente, votre duvet, des provisions et échappez-vous sans trop vous en faire sur l'un des milliers d'itinéraires de plusieurs jours qui plongent aux cœurs d'étendues toutes plus sensationnelles les unes que les autres, sauvages et complètement retirées du monde. Vous doutez de votre forme physique? Certains de ces itinéraires sont intégralement plats. Vous rechignez à dormir sous tente? Il y a des refuges quasiment partout.

Et en ce qui concerne l'évasion, l'isolement, le calme et la quiétude, je pense que l'article que vous venez de lire est suffisamment explicite. N'oublions tout de même pas que nous sommes hors saison, et que ces deux itinéraires doivent être beaucoup plus fréquentés en été.

Le Richmond et le Clarence, desquels nous n'attendions rien de spécial, ont donc été deux très belles découvertes, qui ont constitué une fantastique introduction à ces nouvelles vacances. Après deux mois de picking, au sortir de ces deux magnifiques et plutôt tranquilles balades, nous sommes sur un nuage!

Et la suite n'annonce que du bon et nous fait frétiller d'impatience ! Notre prochain trek est en effet de ceux prévus depuis plusieurs années, depuis la préparation même du voyage en fait : une balade de deux ou trois jours dans les montagnes de l'Arthur's Pass National Park. Ensuite, nous avons prévu de retourner dans l'Hakatere Conservation Park, notre première mais bien trop courte visite là-bas au dernières vacances nous ayant tellement décalqué la rétine que nous avons décidé de partir explorer le parc un peu plus en profondeur.


Mais avant...


A dire vrai, tandis que nous quittons la région de Kaikoura, nous ne sommes pas tellement frétillants, mais plutôt fatigués. Nous décidons de retourner au bord du lac Ellesmere, juste au sud de Christchurch, sur le camping gratuit où nous nous étions posés avant de faire le tour de la Péninsule des Banks. L'Arthur's Pass tout comme l'Hakatere se trouvent à moins de 2 heures de route de Christchurch, et notre plan est de rejoindre le camping, consulter la météo et aviser.

Le fait est que nous aimerions vraiment nous poser quelques jours avant de repartir crapahuter! Et pour de tels arrêts, nous ne demandons pas grand-chose : un camping gratuit, une bibliothèque proche avec le wifi, et de quoi manger... Malheureusement, ces trois éléments ne sont que rarement rassemblés, les campings gratuits étant le plus souvent paumés en pleine cambrousse à des dizaines de kilomètres de la première bourgade comprenant plus de 5 maisons. A savoir que nous vivons parfaitement bien totalement déconnectés, mais en général je profite de ces arrêts pour travailler sur le blog, et mine de rien nous apprécions pouvoir recharger l'ordinateur pour regarder notre petit épisode ou film le soir avant de dormir quand nous sommes en zone civilisée.

Nous décollons en fin de matinée et arrivons dans les champs du sud de Christchurch en début d'après-midi. En fait du camping où nous nous étions arrêtés la dernière fois, au sud du lac, c'en est un autre, au nord, à une dizaine de bornes de la petite ville de Lincoln, que nous rejoignons. Grands espaces d'herbe, rivière, toilettes impeccables, eau courante et une limite de séjour fixée à 28 jours !

C'est bon pour le point de chute. Si seulement Lincoln pouvait nous offrir une bibliothèque et un magasin... Nous montons le camps avant de partir explorer la petite bourgade. Un bon signe, juste avant d'entrer dans la ville, apparaît sous la forme d'un grand campus universitaire. S'il y a des étudiants ici, la ville doit être un minimum fournie ! Et nous atteignons le centre, et c'est la fête : nous tombons sur une grande surface, puis sur une bibliothèque au wifi le plus rapide que nous ayons trouvé dans le pays !

Parfait ! Nous sommes ravis : le dernier coin de ce genre que nous avions trouvé, avec un camping gratuit se trouvant juste à côté d'une ville pas trop grande mais un minimum équipée, c'était sur l'île nord, à Taupo !

La météo à présent. Nous consultons les prévisions dans l'Arthur's Pass, nous souvenant que le climat là-bas est comme celui du Fiordland : tout une histoire. Du bon climat de montagne, capricieux, changeant, imprévisible, et qui peut s'avérer très violent à l'occasion. On dit que seuls les vieux rangers centenaires se souviennent de la dernière fois où il a fait beau plus de deux jours d'affilée dans l'Arthur's Pass...

Et paf : grand beau temps à partir de demain pour trois jours, puis pluie, pluie et encore pluie. Prochain créneau de soleil dans une semaine. Et bien le repos... N'attendra pas. Pas cette fois. Nous venons de nous enfiler deux fois trois jours de marches séparées par une journée de route, et nous décidons de rater volontairement le créneau, décision qui nous coûte un peu étant donné que comme dit plus haut, trois jours de beau temps dans L'Arthur's Pass, ça n'arrive pas souvent. Mais nous avons le temps, d'autant que j'ai pris un retard monstre sur le blog et que beaucoup d'écriture nous attend.

C'est donc décidé : Lincoln sera notre camp de base, et nous y attendrons tranquillement le temps qu'il faudra une prochaine accalmie dans les montagnes. Nous avons bien mérité un peu de repos!

Et c'est ici, dans cette petite ville de la côte est de la Nouvelle Zélande, que je vous laisse pour le moment.

Au programme du prochain billet, quelques jours de repos, l'arrivée du froid et du givre, et le retour dans l'Arthur's Pass et l'Hakatere pour deux treks hivernaux glacials, rigoureux, exigeants mais définitivement extraordinaires.

A très bientôt !

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire