samedi 19 septembre 2015

Arrivée au Laos, Muang Khua et Luang Nam Tha : papillonages dans les montagnes du nord



Nous y sommes. Le royaume du million d'éléphants, où se sont succédées des dynasties de rois, un pays qui s'est retrouvé fragmenté, envahi, colonisé, bombardé, réunifié... Une histoire complexe qui a abouti à la prise du pouvoir par les communistes puis à l'instauration de la République démocratique populaire du Laos. Aujourd'hui, ce petit pays de 7 millions d'âmes majoritairement bouddhistes s'ouvre de plus en plus et tente le tour de force d'émerger économiquement au milieu de ses voisins surdynamiques tout en préservant son environnement et ses traditions.

Le Laos... Comme nous l'avons dit, nous l'attendions depuis un bon moment, pour des raisons sur lesquelles nous reviendrons plus tard dans cette article.

Pour notre petit tour au Laos, nous voulions revenir à un mode de voyage un peu plus authentique et sauvage. Après une traversée du Vietnam assez dirigiste et rapide, nous avions à coeur de renouer avec nos premiers amours : avancer un peu au hasard, sans programmer quoi que ce soit plus de 24h à l'avance, partir droit devant, prendre notre temps, nous baser sur nos intuitions. Refaire un peu d'autostop, planter la tente, et pourquoi pas nous trouver du travail.

Bien sûr, nous avons prévu quelques immanquables, notamment Luang Prabang, les 4000 iles, et surtout le tour du plateau des Bolovens, le gros morceau, que nous comptons effectuer à pied et sous tente. En dehors de ces quelques étapes, et bien nous verrons, nous broderons autour.

Et la broderie a commencé, comme vous allez le constater, dès notre arrivée! Nous vous avions laissé à Dien Bien Phu, où nous devions embarquer à destination de Muang Khua, un village situé au bord de la rivière Nam Ou, au nord-est du pays, dans la province de Phongsaly, la région la plus reculée et la plus pauvre du Laos.

Nous avons finalement passé une semaine entre le nord-est et le nord-ouest du pays. Une semaine assez pluvieuse mais bien remplie et riche en découvertes : marches hasardeuses, jungle, lever de pouce, montagne, temples, bus, rencontres, le tout noyé dans l'atmosphère particulier laotien, si éloigné de la folie du monde, verdoyant, calme, à la nonchalance contagieuse...

Voici le récit de cette première semaine laotienne, qui commence donc à Dien Bien Phu, au Vietnam. Nous venons d'embarquer dans une navette, à 5h du matin, et nous roulons en direction de la frontière...


En route vers le Laos et Muang Khua


La route traverse une campagne verdoyante, puis grimpe en lacets dans les montagnes qui forment la frontière. Le soleil se lève derrière un rideau de brume, et des nuages s'effilochent entre les collines couvertes d'une jungle du genre extrêmement touffue.

La verdure couvre absolument tout, et on ne distingue pas les arbres, ni le sol, uniquement un immense tapis vert.

Bien qu'exténués, nous admirons la vue par la fenêtre ouverte, les cheveux au vent, profitant de la salvatrice fraicheur qui arrive avec la prise d'altitude. Un instant très contemplatif!

Après quelques heures de route, nous passons le poste frontière vietnamien, faisons nos adieux à ce beau pays, et continuons notre route dans la forêt. Le seul étranger du bus à part nous est un allemand avec qui nous lions rapidement connaissance.

L'entrée au Laos est source d'un petit coup de pression. En bonnes buses, nous arrivons à la douane comme des fleurs avec nos photos et les 35$ nécessaires pour payer le visa... Ce que nous n'avions pas prévu en revanche, c'est qu'il faut également s'acquitter, pour entrer dans le pays, de quelques menus frais supplémentaires : le coup de tampon d'entrée à 2$ et le supplément week-end de 2$ également. 8$ en plus, une broutille me direz-vous... Le problème, c'est que nous n'avons prévu que ce que nous pensions être le strict nécessaire, soit 70$. Notre sens aigu de l'organisation est décidément fulgurant...

Il y a bien un poste de change à la douane, mais il ne prend que les dollars US et n'a que faire de notre monnaie australienne... Bigre. Sans être affolés, nous commençons tout de même à nous demander comment nous allons nous tirer de là. L'idée, c'est que nous sommes en Asie, il y a toujours moyen de s'arranger. Même dans un poste frontière.

Finalement, nous n'aurons pas besoin de magouiller : en fait, le prix du visa laotien pour les français n'est pas de 35 mais de 30$! Qu'est ce qu'on s'embête?

Tout fiers de nos nouveaux visas et remerciant notre bonne étoile, décidément bien clémente avec les abrutis que nous sommes, nous reprenons la route, traversant plein de villages au milieu des poules, des cochons et des cahuttes en bambou, pour débarquer en fin de matinée à Muang Khua.

Notre premier aperçu du bled laisse rêveur : le tout petit village est niché au fond d'une gorge verdoyante, enlacé d'un côté par la rivière et de l'autre par des montagnes couvertes d'une jungle dense.



Le moment que nous attendions est arrivé. Nous voilà au Laos.

Nous l'attendions pour différentes raisons.

Déjà parce que tout simplement, l'endroit nous vend du rêve depuis que nous nous renseignons dessus. Les avis de voyageurs font état d'un pays très calme, très vert, à la population accueillante, qui a su préserver son authenticité. Apparement, le Laos est une des dernières contrées à ne pas avoir complètement intégré le système mondial, que ce soit d'un point de vue économique, social ou politique, bien que le phénomène commence à s'amorcer. Le tourisme n'y est pas encore massif, et reste très axé sur l'écologie, même si là encore, la tendance est au développement depuis quelques années. Bref, le Laos, dans la théorie, c'est tout ce qu'on aime! Nous pondérons tout de même notre enthousiasme, n'oubliant pas la déconfiture qu'avait constitué notre première semaine au Népal... A trop s'emballer pour un pays, on en est que plus déçu lorsqu'il ne répond pas aux attentes.

En raisonnant à plus long terme, notre entrée au Laos marque le début du coeur de notre deuxième vadrouille asiatique. Nous comptons passer les 5 ou 6 prochains mois en Asie du sud-est, à travers le Laos, le Cambodge, la Thailande et le Myanmar. D'un côté, la Thailande nous attire de moins en moins, le Myanmar nous fait baver mais les prix qui y sont pratiqués ne vont pas nous permettre d'y rester trop longtemps, d'autant que nous serons normalement sur la fin de nos économies lorsque nous y arriverons. Et d'un autre côté, il y a le Laos et le Cambodge, les deux ptios écrasés par les superpuissances qui les entourent, le premier encore peu populaire mais magnifique, le deuxième célèbre pour les temples d'Angkor mais recellant bien d'autres merveilles souvent boudées par les voyageurs. Nous avons donc décidé de partager le plus clair de notre temps, soit 3 ou 4 mois, entre ces deux pays.

Mais revenons à nos moutons. Nous décidons de faire cause commune avec notre camarade allemand, Jonas de son prénom, et nous partons tous les trois en quête d'un toit. Le coin est trèèès calme, il n'y a presque pas de circulation, et encore moins de touristes. La chaleur etouffante qui nous a plombé pendant un mois a disparu. Et ça fait du bien...

Muang Khua, c'est le fin fond du Laos, mais les guest houses ne manquent pas, et nous écumons 3 ou 4 établissements avant de craquer, trop fatigués, pour une piaule a 70000 kips. A savoir qu'un euros équivaut à un peu moins de 10000 kips laotiens. Ca nous fait du 7 euros la chambre, ce qui est cher pour le pays, mais nous pourrons toujours fouiner un peu dans les parages et dénicher un endroit plus abordable pour les nuits suivantes.

Durant nos recherches, une chose nous frappe : ici, on ne négocie pas. Après un mois de marchandages au Vietnam, c'est tout naturellement que nous discutons systématiquement les prix, par réflexe, mais... Non. Pas de réduc. Même la tactique du ''c'est pas grave je m'en vais'' ne fonctionne pas, alors que nous sommes les seuls étrangers de la zone!

Une fois posés, nous irions bien faire un tour, mais le temps refroidit quelque peu nos envies d'exploration : le ciel gris se déchire, et il pleut à verse... J'ai oublié de préciser que nous arrivons en pleine mousson...

Enfin bon, nous sommes quand même très bien, sur une belle terrasse au-dessus de la rue, vautrés dans des fauteuils à siroter des litres de thé offerts par la guest! Le coin donne envie de s'y attarder, et après le périple que nous avons accompli depuis Hanoi, et au Vietnam en général, nous savourons cette inactivité, en profitant pour discuter longuement avec Jonas, en voyage à travers l'Asie du sud-est depuis plusieurs mois. Après un trip en mobilette à travers tout le Vietnam, il a abandonné sa monture à Dien Bien Phu pour passer quelques jours au Laos, avant de décoller pour la Thailande. Nous décidons de passer ces quelques jours ensemble. Cela faisait bien longtemps que nous n'avions pas eu de compagnon de voyage!

Nous bougeons quand même lorsque nos estomacs commencent à crier famine. Ici, pas de vendeurs ambulants, mais chaque trottoir accueille cuisinière, feu, casseroles, tables et chaises, souvent posés sous une bâche à même la rue, et nous dénichons une tiurne pour tater la boustifaille laotienne.

Terminée la diversité bon marché du Vietnam... Ici, les possibilités de repas à un euros sont plutôt restreintes. C'est vite vu : riz ou soupe de nouilles. Mais c'est bon, ça rempli et c'est bien tout ce qu'on demande!

Nous terminons la journée sur notre terrasse, à discuter voyage en goutant notre première bière laotienne.

Au matin, nous nous enfonçons dans les petites ruelles qui bordent la rivière pour découvrir une guest house proposant des cases à 40000 kips dans laquelle nous déménageons. Nous retrouvons avec joie le charme des piaules de deux mètres sur deux sans lumière et sans toilettes, que nous partageons avec les geckos et les insectes! Pour les commodités, nous utilisons la salle de bain de la famille adorable qui tient le gourbi. Là c'est pro! La guest est en plus pourvue d'une grande terrasse qui donne directement sur la rivière.

Le temps ne s'améliore pas, et nous en profitons pour réfléchir à ce que nous allons faire ici. En effet, Muang Khua n'est pas qu'une porte d'entrée : les montagnes de Phongsaly sont célèbres pour leurs treks et leurs villages éthniques. Nous frétillons de bonheur rien qu'à l'idée de repartir marcher dans la pampa. Surtout qu'ici, la pampa en question a quand même une sacrée gueule! Et puis, il y a quand même le plateau des Bolovens et ses 200 kilomètres de marche qui se profilent au loin... Un peu d'entrainement ne nous fera pas de mal!

Les treks organisés dans la région avec guide coûtent les yeux de la tête, et de toute façon nous voulons nous débrouiller, en accord avec notre volonté de retour au voyage un peu plus sauvage et hasardeux. Nous cherchons à travers tout le village une carte potable des environs... Et nous découvrons finalement, placardée sur le mur d'un bureau, l'unique plan ultradétaillé de la zone, qui ferait passer le meilleur des topographe pour un incapable :

En partenariat avec l'école maternelle de Muang Khua


Magnifique! Nous nous contenterons de la photo de la chose pour nous repérer. Nous voilà bien avancés pour choisir un itineraire... Baste! Nous décidons de partir le lendemain à pied et avec les sacs pour remonter la rivière vers le nord, et pourquoi pas trouver un sentier qui nous conduirait dans la jungle. Nous envisageons de partir deux jours pour tester la tente et le camping sauvage. Et nous verrons bien. Enfin, nous repartons en chasse!

Nous finissons la journée en profitant d'une éclaircie pour explorer le village, très agréable à parcourir. Dès que nous quittons le centre-ville, le goudron disparait pour laisser place à des chemins en terre ou en pierre, les maisons et les échoppes en bambou côtoient les terrasses où se détendent les habitants, tandis que le bétail se balade en liberté autour de nous. Les abords de la rivière méritent aussi le coup d'oeil.





L'endroit est très serein et paisible, presque endormit, en revanche les gens se montrent plutôt distants à notre égard, voir même un peu froids...

Nous croisons de temps à autre un moine en robe safran, et finissons par dénicher le petit temple bouddhiste du coin.



Le village tout entier, son atmosphère nonchalante et son cadre naturel constituent une invitation permanente à la glandouille contemplative, et nous squattons notre terrasse en planche au-dessus de la rivière pour en profiter. Nous y passons quelques heures à siroter des jus de citrons en révisant notre Laotien, apprenant les chiffres et quelques formules de survie. Si nous désirons plonger efficacement dans le pays, nous devons maitriser un minimum la langue.


Un brin de marche et d'activités rustiques dans la verdure de Phongsaly


Le lendemain, joie, le soleil est de la partie! Nous attrapons nos bardas, achetons une vingtaine de paquets de nouilles et quelques litres de flotte au marché du coin, et nous mettons en route le long de la rivière. Nous suivons un chemin de terre à flanc de colline, au-dessus de la Nam Ou, et dès la sortie du village, nos sourires s'étirent : en choisissant un chemin au pif, nous avions peur de tomber sur une route sans intérêt, mais nos craintes sont vite balayées par le panorama!




Nous marchons quelques heures dans ce décors grandiose, au milieu des libellules et des papillons. En contrebas, le glouglou de la rivière nous accompagne, tandis que la jungle qui nous surplombe résonne de chants d'oiseaux. Le calme ambiant est parfois troublé par le passage d'un des rares scooters ou camions qui empreintent cette piste, et dont les conducteurs s'arrêtent de temps à autres pour venir nous voir et tailler le bout de gras, éclatant de rire quand nous annonçons que nous n'avons aucune idée de l'endroit où nous allons. 

Nous nous renseignons quand même sur la présence d'hypothétiques sentiers qui s'enfonceraient dans la jungle, et apparement il y en a, juste avant le prochain village d'importance, situé à une vingtaine de kilomètres. Le truc marrant, c'est qu'à chaque fois que nous nous enquérons de la distance du dit village, que ce soit après une, deux ou trois heures de marche, la réponse est toujours la même : 20 kilomètres... Sacré Laos et ses routes hors espace-temps!

Nous traversons aussi quelques tout petits villages, entièrement construit en bambou. L'accueil y est bien différent de celui que nous avons reçu à Muang Khua : à notre passage, les enfants arrêtent leurs jeux pour nous saluer, tout excités de voir de si étranges personnes. Lorsque les habitants mettent le nez dehors pour voir ce qu'il se passe, ils nous lancent de grands sourires et des signes de main.

Dans un minuscule hameau, un groupe de jeunes gens nous tend même une embuscade : le traquenard du lao lao, l'alcool de riz local, qu'ils nous invitent à déguster avec eux... Nous restons un bon moment en leur compagnie, discutant de nos vies à coup de signes, de mimes et de notre balbutiant et incertain vocabulaire lao, le tout ponctué du language universel du lever de verre! Un grand moment...

Nous repartons tout joyeux, tandis que le soleil se met à cogner. Sur les montagnes de l'autre côté de la rivière, la jungle laisse parfois la place à de grands espaces presque complètement déboisés, où subsistent seulement quelques souches noircies. Il s'avère que la région, servant soi-disant de base arrière aux troupes nord-vietnamiennes dans les années 60, a subit un pilonnage intensif de la part des bombardiers américains.



Cela faisait un moment que nous n'avions pas marché autant, et après la quinzaine de kilomètres que nous avons parcouru, la fatigue commence à se faire sentir. Et toujours pas le moindre sentier à l'horizon...

Nous décidons d'activer un peu les choses. Lorsque nous apercevons un camion arrêté sur le bas-côté, nous dégainons nos plus beaux sourires et demandons au chauffeur si il peut nous embarquer. L'homme nous montre qu'il ne va pas loin, nous essayons de lui expliquer que ça nous est égal, mais la communication n'est pas évidente, et après de polis remerciement, nous continuons notre route. Après quelques mètres pourtant, le camion nous rejoint, et le chauffeur nous fait signe de grimper dans la remorque. Youpi! Nous voilà filant sur le chemin de terre, rapetissant de plusieurs centimètres à chaque fois que le camtar rebondit sur un cahot ou un nid de poule.



Effectivement, il n'allait pas loin, et nous sommes largués après quelques kilomètres, près de la seule gargotte des environs.

Un jeune homme vient tout de suite nous saluer dans un anglais correct, et nous discutons un moment avant d'en profiter pour lui demander où nous sommes par apport au prochain village. Après avoir parcouru plus de vingt kilomètres, nous ne devons plus être loin. Malheureusement, cette route démoniaque a sournoisement profiter de l'après-midi pour grandir encore, et le village est toujours à vingt bornes... Ce paradoxe des distances loatiennes est plus amusant qu'autre chose, et nous éclatons de rire en nous remettant en route, réfléchissant à la suite. Il fait très chaud, nous dégoulinons de sueur, et il n'y a pas moyen de s'enfoncer dans la jungle. Aucun coin où poser la tente à l'horizon, nos jambes nous lancent méchamment... Nous décidons de tenter un retour à Muang Khua. C'était une super journée, et nous en avons déjà pris plein les mirettes.

Comment rentrer? A pied? En stop? Ou bien, histoire de conclure dignement cette journée... En bateau sur la Nam Ou? Nous retournons à la gargotte, et demandons aux alentours si une barque est dispo pour retourner au village. Nous sommes en Asie, tout est possible, et un gars se propose de nous emmener! Le marchandage, dans la joie et la bonne humeur, est à crever de rire! Nous négocions un tarot aux oignons, tout en laotien, ce qui fait bien marrer notre homme et descendre le prix, et quelques minutes plus tard nous embarquons sur une pirogue!

Le soleil se couche, la température diminue, et nous filons cheveux au vent vers le sud dans les remous de la rivière, appréciant le paysage grandiose sous un angle nouveau. C'est juste parfait!






Notre batelier nous pose au pied de notre terrasse, et nous le remercions avant d'aller nous affaler, éreintés. Ereintés, mais heureux, après une journée comme nous n'en avions plus connu depuis longtemps, de marche au hasard, de rencontres et de décisions irréfléchies. Punaise que ça fait plaisir! 

La raison de l'absence de chemins vers les hauteurs nous est révélée dans la soirée. Nous discutons avec un guide local, qui nous explique que nos recherches étaient vaines dès le départ. Durant la saison des pluies, les sentiers à travers la jungle disparaissent à cause des glissements de terrain et des coulées de boue, et même les locaux ne se risque pas à l'aveuglette dans la forêt... On pouvait toujours chercher! 


Pause à Oudomxai


Le lendemain, notre trio doit se séparer. Jonas repart au Vietnam, et de notre côté nous allons faire route vers le sud. Nous n'avons aucune idée de notre prochaine destination, et nous voulons avant tout rejoindre Oudomxai, grande ville-carrefour situé juste en-dessous de la province de Phongsaly, pour réfléchir à la suite. 

Après de chaleureux au-revoirs, nous quittons notre chère petite guest house et partons à pied pour la station de bus, à 3 kilomètres du village. Sur place, nous embarquons pour 3 heures et quelque de route. 3 heures qui nous font traverser un décors toujours aussi sauvage et magnifique de jungle, de collines verdoyantes et de petits villages entourés de rizières. Le pays entier serait-il comme ça?

Nous arrivons à Oudomxai sous la pluie, mais trouvons vite un toit pas cher juste en face de la station de bus. La ville n'étant pas très touristique, les prix s'en ressentent, et nous dénichons une piaule fantastique avec terrasse pour rien du tout!

Nous occupons notre fin de journée en bossant sur le blog et en nous gavant de soupe de nouilles dans les gargottes enfumées du coin. Oudomxay n'a rien d'une grande ville au sens où on l'entend. C'est goudronné et très construit, les bâtiments sont en dur, mais le calme est toujours là, ainsi que la verdure et les montagnes qui se dressent tout autour de la ville. La ville fait très neuve, et pour cause : presque entièrement détruite par lesbombes américaines entre 1963 et 1966, elle a été rapidement reconstruite pour devenir la plaque tournante du centre du nord-Laos.

Nous profitons de notre temps libre pour nous lancer dans la recherche d'un petit job ou d'un coup de main à filer dans le pays. Nous dénichons finalement sur le net une sacrée opportunité : une crèche à Vientiane, tenue par une française, a besoin d'animateurs qualifiés et francophones, positions toutes indiquées pour nous.  La perspective de faire l'animation volontaire nous emballe. Ca commence à faire longtemps, et c'est drôle à dire, mais le boulot est une des choses qui nous manque le plus depuis notre départ! Chassez le naturel... Nous envoyons une candidature. 

Le lendemain, nous partons visiter les environs. Bien que peu connue, Oudomxay comporte tout de même quelques sites intéressants. Le temps est bien trop pourri pour nous permettre une nouvelle escapade sauvage, et nous nous contentons de grimper la colline qui surplombe la ville pour aller voir le stupa Phou That et le temple bouddhique d'Oudomxay.

Après une bonne grimpette par un escalier en pierre au milieu de la jungle, nous atteignons la résidence des moines, jetant discrètement un oeil à l'intérieur pour apercevoir l'autel.




Le stupa se dresse plus loin, flèche dorée et brillante tendue vers le ciel, qui se dégage complètement à l'instant précis où nous arrivons, laissant passer les rayons du soleil, pour que nous puissions admirer l'édifice sous son plus beau jour! Sans doute un cadeau divin...



Nous le contournons le nez en l'air pour déboucher sur une cour où nous attend l'imposant bouddha qui veille sur le temple.










Il faut le dire, le site est magnifique... si on l'observe à bonne distance, dans son ensemble. Par contre, en y regardant de plus près, le tableau est moins glorieux : la peinture dégueule de partout, l'aspect sculpture en béton est flagrant, et le soin apporté aux details est tout relatif. Et puis bon, même de loin, l'ensemble reste sacrément kitsch et fait même un peu toc...

Nous finirons la journée là-dessus, lorsque la pluie se remet à tomber.


Luang Nam Tha et la réserve de Nam Ha


Bon, et maintenant, que fait-on? Nous visons à terme Luang Prabang, mais nous retournerions bien nous paumer en cambrousse avant, et nous fouinons un peu sur la toile pour trouver un nouveau plan balade dans les environs.

Nous jetons notre dévolu sur Luang Nam Tha, une petite ville du nord-ouest, juste en-dessous de la frontière chinoise, à trois heures de bus d'Oudomxay. Le bled en question se trouve aux portes de la réserve naturelle de Nam Ha, une grande zone protégée de plusieurs hectares regorgeant d'itinéraires de rando. Les motivations de la décision? Pas mal d'avis positifs sur le coin, et le rendu google map de la réserve qui révèle montagnes et jungle. Nous ne réfléchissons pas trop, et décidons d'aller jeter un oeil sur place. On a le temps!

Au matin, c'est reparti. Bus, 3 heures d'étendues sauvages grandioses (oui, c'est partout comme ça!), et une heure d'attente quand la boite de vitesse du véhicule bringuebalant nous pète à la tronche... Chapeau au chauffeur qui répare la chose avec une clef et un tournevis, seul, posé au milieu de la route!

Arrivés à destination, nous partons à pied pour le centre-ville, à quelques kilomè... Sérieusement, 8 bornes? Ah bon... Je disais donc, nous partons en tuk-tuk pour le centre-ville, au milieu des rizières, admirant les montagnes de la réserve qui se dressent non loin.



En elle-même, Nam Tha n'a rien de spécial : la rue principale n'est qu'une succession d'hôtels et de restos, mais heureusement, comme à Oudomxai, l'atmosphère detendue et la nature environnante sont toujours là. Nous dégotons une chambre aux murs de bois bien moisis, et avisons. Nous décidons de rester deux jours ici pour aller explorer la réserve, et nous procédons comme nous l'avions fait à Muang Khua : nous prenons en photo un plan des environs placardé dans la rue, et choisissons une route au pif. Demain, nous irons donc au nord, par un chemin qui traverse le parc en direction de la frontière chinoise. Le petit bonus, c'est que cet itinéraire devrait nous faire passer par des villages Khmus et Akhas, deux minorités ethniques du coin.

Au matin, rebelotte : 15 paquets de nouilles, 6 litres d'eau, et roulez jeunesse! Le temps couvert mais sec maintient la température à un niveau à peu près supportable, et nous revoilà longeant de verdoyantes collines au-dessus d'une rivière, face à un panorama magnifique!






Nous traversons effectivement de nombreux villages durant la journée, certain habités par des minorités Khmu ou Akhas, mignons mais assez éloignés de l'idée que nous nous faisions des villages ethniques reculés, avec leurs lignes à haute tension et les scooters garés devant les terrasses de bar... Quand aux habitants, ils nous réservent un accueil tantôt chaleureux, tantôt carrement méfiant, voir craintif. Nous passons des signes de main et des ''sabaidi'' lancés à tout bout de champs aux visages fermés et aux regards suspicieux...

Visiblement, le fait de ne croiser que très peu d'étrangers n'est pas forcément gage d'ouverture ici, et nous avons plus d'une fois la désagréable impression de ne pas être les bienvenus. Dans ces cas là, nous nous faisons discrets et passons notre route.

Nous apprendrons par la suite que les fantômes et autres esprits malveillants (appeles ''phi'') sont tres presents dans les croyances tribales, et que les étrangers de passage peuvent parfois être considérés comme des mauvais génies porteurs de malheurs... Vlà autre chose...



Dans tout les cas, dame nature reste comme d'habitude merveilleuse, et des essaims de libellules nous survolent, accompagnés de magnifiques papillons de la taille de gros moineaux! Quand aux sauterelles...



Nous prenons deux-trois averses sur le coin du bec, plus rafraichissantes qu'embêtantes, et marchons finalement toute la journée avant de commencer à chercher un coin où poser la guitoune.

La pluie s'intensifie, et nous découvrons un replat en sous-bois parfait pour poser le camps. Etant donné que les locaux ont l'air d'être méfiants à notre egard, nous nous rendons dans une maisons en bambou proche du bois histoire de nous présenter et de demander l'autorisation de poser notre tente.

Nous avisons le plus calmement et gentillement possible un homme en train de couper du bois, et à force de signes lui expliquons notre situation. Il refuse, visiblement plus déstabilisé qu'autre chose. Nous n'insistons pas, le remercions humblement et nous apprêtons à nous remettre en marche, lorsque l'homme nous rattrape pour nous donner son autorisation. Merci!

Lorsqu'il nous observe monter notre maison dans le bois, nous l'invitons à venir la voir de plus près, lui faisons visiter les intérieurs, lui montrons notre matériel et tentons de discuter un peu en Lao. Le gars s'en va finalement tout sourire, visiblement rassuré.

Nous allons enfin pouvoir tester la tente! En conditions difficiles avec ça, à entendre les coups de tonnerre qui claquent tout autour de la vallée.

C'est là que les choses se compliquent... Notre homme revient, accompagné d'un policier... Flûte! Nous prenons nos plus belles têtes de bisounours-chiens battus-trempés pour coopérer avec l'agent qui ne sait visiblement pas trop quoi faire. Pour la forme, il nous demande nos passeports, étudie minutieusement chacun de nos visas, nous redemande 30 fois ce que nous faisons ici, et finalement nous donne son accord pour passer la nuit. Bon, on va y arriver!

Et non. Le policier revient après dix minutes et nous demande tout gêné de rentrer à Nam Tha. Raaaa... Nous insistons un tout petit peu, mais abandonnons rapidement. Au Laos, il ne faut jamais, au grand jamais, provoquer de confrontation ou de conflit, à plus forte raison en tant qu'étranger dans des endroits reculés forcément très traditionnels, face à un ''policier'' plus effrayé qu'autre chose. Nous replions docilement nos affaires et mettons les voiles.

La situation commence à devenir intéressante. La nuit commence à tomber, nous sommes à près de 20 kilomètres de Nam Tha, surveillés par la police, et bien sûr il pleut des cordes. Que du bonheur!

Nous rebroussons chemin, trainant laborieusement nos savates dans les rivières qui commencent à se former sur le chemin. Il n'y a pas 36 solutions : tenter un retour en autostop, marcher, et si la nuit tombe reposer la tente en furtif à la faveur de l'obscurité ou demander l'hospitalité dans un village.

Nous n'aurons pas le temps de tergiverser. Le premier camion qui passe devant nos pouces tendus s'arrête et nous embarque dans sa remorque, direction... Nam Tha!

S'ensuit un trajet à travers la réserve magnifique, irréel, que nous passons debouts dans la remorque, détrempes, dégoulinants et le visage fouetté par les gouttes de pluie, pliés en deux de rire, qui nous amène dans le centre, où nous rejoignons la guest que nous avons quitté ce matin pour nous effondrer. Une journée comme on en fait plus!

Au matin, le soleil brille, les oiseaux chantent, et il est temps de rejoindre la station de bus pour nous mettre en route vers Luang Prabang. En revanche, hors de question de nous retaper un tuk-tuk. La veille au soir, avant de sombrer, nous avons repéré sur notre photo de carte un chemin qui contourne toute la ville par la campagne sur une douzaine de kilomètres pour aboutir au niveau de la station, démarrant au pied du stupa de Luang Nam Tha, qui apparement vaut le détour.

Nous nous mettons en route vers les hauteurs de la ville, suant sous un soleil de plomb avec nos gros sacs. Nous avançons tel des escargots vers le stupa, mais nous n'aurons pas le temps de nous en plaindre : un jeune homme en mobilette s'arrête à nos côtés et propose de nous déposer au temple!

Si le stupa et les statues qui l'entourent sont toujours aussi kitsch, l'ensemble est imposant et impressionant. Des dizaines de représentations de bouddhas nous attendent, représentant le maitre dans différentes postures spécifiques, appelées ici madras : assit, debout, allongé, etc... chaque madra représente un symbole bouddhiste ou un acte mythologique de bouddha. Le seigneur est parfois accompagnés de sadhus indiens, parfois surplombé d'un Naga, serpent à sept têtes gardien des richesses du monde.





Nous partons ensuite dans la campagne. Si le panorama n'est pas aussi impressionant que la veille, cela reste tout de même un plaisir de parcourir les villages et les rizières en compagnie des buffles d'eau et des cigognes.






Après quelques kilomètres de marche à travers la cambrousse, nous découvrons un grand escalier, gardé par deux serpents, qui nous mène au temple de Poumpouk. Malheureusement, l'entrée est payante, et nous nous infiltrons discrètement pour jeter rapidement un coup d'oeil au Stupa du temple. Nous ne sommes pas vraiment chauds à l'idée de payer pour voir un cône en béton peint en doré...

Sauf que cette fois, l'édifice se trouve au beau milieu des ruines d'un ancien stupa en pierre, noirci par le temps et couvert de lichen, dans le genre temple perdu. 




Le temps commence à déconner, et une monstrueuse averse nous rince, remplacée en quelques minutes par un soleil de plomb.

Nous commencons à cramer, l'air se charge d'humidité, et nous ne sommes pas mécontent d'atteindre les abords de la station en fin d'après-midi. Notre bus part demain à 8h, et nous trouvons une chambre non loin pour refroidir et nous reposer.

Ainsi s'achève notre première semaine dans le pays, et notre périple dans les confins nord-laotiens. Délectable comme entrée en matière!

Sans faire de folies de survivant ni de trek de plusieurs semaines en autonomie, nous avons quand même vagabondé gentillement au pif, nous perdant un peu, marchant beaucoup, et nous avons même gouté au stop. Et ce tranquille et verdoyant retour aux sources nous a fait vraiment plaisir! En revanche, pas moyen de poser la tente...

Que dire de ce premier aperçu du pays? La nature foisonnante est partout, et pas seulement dans les parcs, dont nous avons déjà parlé. Les 7 millions d'habitants du Laos en font le pays le moins peuplé d'Asie, et l'urbanisation est très limitée. Ainsi, on y traverse surtout de tout petits villages, et même en plein centre-ville, l'horizon n'est que collines et jungle. Le moindre trajet en bus en devient formidable, et quand à marcher au milieu de la campagne ou des parcs...

Et puis il y a le calme omniprésent, cette atmosphère paisible qui transpire de partout, à la campagne comme en ville, dans laquelle on s'immerge volontier... L'agitation a disparu, la vie ralentit, et personne ne crie ou ne s'énerve. La prédominance du bouddhisme ne doit pas y être étrangère. On dirait que même les véhicules à moteur, quand il y en a, tentent de la mettre en sourdine! Si la chose peut paraitre normal à Muang Khua, petit village, nous l'avons aussi constaté à Oudomxai, capitale provinciale et ville d'importance. 

Nous passerons sur l'accueil un peu froid ou méfiant que nous avons reçu parfois, pour retenir une attitude générale souriante, mais souvent très réservée.

Bien sûr, il ne s'agit que d'une première impression. Nous sommes curieux de voir ce que va donner notre prochaine étape, Luang Prabang, ancienne capitale Laotienne classée au patrimoine mondiale de l'UNESCO, un des joyaux de l'Asie du sud-est. Une grande ville visiblement très touristique, dont la visite promet de trancher un peu avec la tendance de cette première semaine. 

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